Certains dégustateurs affirment que le millésime 2010 des primeurs bordelais sera à l’égal de l’immense 2005 qui avait fait exploser les prix. D’autres sont plus réservés. Avis aux amateurs.

Le Bordeaux Primeur réunit chaque année au printemps le gotha de la presse spécialisée et des acheteurs du monde entier pour tester les vins encore en élevage. Le système économique de l’appellation Bordeaux – les Primeurs – repose en effet sur le principe d’achats à l’avance. Les prix des futurs châteaux et autres crus du bordelais sont alors déterminés par la demande, la rareté, réelle ou supposée… et les notes de dégustation des spécialistes. Dégustés aujourd’hui alors qu’ils ne sont pas tous assemblés et encore en cuve, ces vins seront expédiés en 2013.
Les Libanais sont de plus en plus intéressés par ce système qui satisfait leur amour pour les paris et qui représente souvent le seul moyen de se procurer certains grands crus du bordelais, très recherchés mondialement. Mais pour acheter, les amateurs doivent passer par des intermédiaires, eux-mêmes relayés par des négociants bordelais.
« Certains vins peuvent prendre 30 à 50 % entre l’achat pendant les primeurs et leur sortie réelle sur le marché. Ce qui entraîne une avidité de certains investisseurs qui spéculent sur le vin comme il le ferait sur des matières premières », explique Wadih Riachi, qui s’est rendu pour Vintage aux primeurs 2010. « Toutefois, les acheteurs libanais s’inscrivent plutôt dans un profil de consommation. Nous proposons une “liste de souhait” de quelque 70 propriétés remarquées. Certaines peuvent même être achetées par caisse de trois. Et nous pouvons conserver les millésimes achetés dans notre cave. »
La qualité des vendanges 2010 justifie-t-elle une ruée sur les primeurs cette année ? Wadih Riachi qui revient de Bordeaux en est persuadé : « Le millésime 2010 est égal au sublime 2005. » Le gourou américain Robert Parker, qui vient de publier ses premiers constats, est moins enthousiaste. Sur les 374 vins commentés, seuls 64 atteignent les fameux 95-100, ce qui est relativement peu, Parker étant connu pour être généreux dans ses notations.
Toutefois, davantage de propriétés sont présentes dans le haut du pavé, atteignant les 98-100 : Ausone à Saint-Émilion, Haut-Brion et La Mission Haut-Briondans les Graves, Lafite-Rothschild, Mouton-Rothschild et Latour à Pauillac et, enfin, Petrus à Pomerol.
Pour le chroniqueur du Figaro Bernard Burtschy, cette apparente contradiction est liée aux conditions climatiques de l’été 2010. « Les grands millésimes sont toujours issus de floraisons rapides, gage d'une maturation homogène du raisin. Ce n'est pas le cas du 2010. Un coup de froid imprévu (…) a perturbé la floraison des merlots, mais aussi des cabernets. Résultat, 120 jours plus tard, à la vendange, des raisins de maturités diverses dans de nombreuses propriétés, un peu plus sur la rive droite, mais la rive gauche est aussi touchée. »
En clair, 2010 pourrait certes être un très grand millésime… Mais pour quelques propriétés seulement, qui auront rattrapé au moment des vendanges ou à la vinification ce coup de froid malencontreux.
Pour confirmer l’hypothèse, il faudra attendre 2013 (voire plus longtemps) et la dégustation, cette fois, de vins dont l’élevage sera enfin terminé.