Quelque sept banques libanaises opèrent en Syrie : la BEMO (BEMO Saudi Fransi), la Bank Audi (Bank Audi Syria), la BLOM (Bank of Syria and Overseas), la Fransabank (Fransabank Syria), la Banque libano-française (Bank al-Sharq), la Byblos (Byblos Bank Syria) et la First National Bank (Syria Gulf Bank), qui est une banque arabe à capitaux libanais en Syrie.
Elles sont confrontées depuis le 15 mars au ralentissement de l’activité économique qui résulte des troubles liés au mouvement de manifestations contre le régime de Bachar el-Assad, ainsi qu’à la gestion des sanctions internationales.
Au premier semestre 2011, le total de leurs actifs a diminué de 8,4 % par rapport à fin 2010, à 7,6 milliards de dollars en juin 2011. Cette baisse est due à une chute moyenne de 16 % des actifs des trois plus grandes banques commerciales, la BEMO Saudi Fransi, la Bank Audi Syria et la Bank of Syria & Overseas. Leurs dépôts ont chuté respectivement de 23,9 %, 22,7 % et 17,8 %. Ceux des sept banques ont chuté de 16 % sur six mois, à 5,9 milliards de dollars.
« Nous avons été témoins de nombreux retraits de dépôts en livres syriennes et en devises, explique Riad Obegi, PDG de la BEMO. La liquidité en livres syriennes a baissé dans toutes les banques. Ce qui signifie que les Syriens conservent cet argent chez eux, à la maison. » Walid Raphaël, directeur de la Banque libano-française, ajoute :  « C'est surtout l'activité de détail qui est très touchée en Syrie. » Mais elle reste limitée : Riad Obegi estime à uniquement 10 % le pourcentage de la population qui est bancarisée.
Les prêts accordés par les banques libanaises, très orientées corporate, ont totalisé trois milliards de dollars fin juin, en baisse uniquement de 2,6 % par rapport à fin 2010. « La baisse de l’activité n’a pas été jusqu’à présent aussi importante qu’on l’aurait pu le croire, témoigne Obegi. Des régions entières telles Alep et la côte continuent de fonctionner plus ou moins normalement, et d’autres villes telle Damas sont peu affectées. »
Les profits nets cumulés des sept banques ont atteint 25,8 millions de dollars à juin 2011, en hausse de 22,2 % par rapport à la même période un an plus tôt. « La baisse des dépôts en livres syriennes nous est favorable, explique Freddie Baz, directeur de la stratégie du groupe Audi-Saradar, car les montants que nous ne pouvons pas placer en crédits sont stérilisés à la Banque centrale syrienne, qui n’a pas mis en place d’instruments de politique monétaire. »

La gestion des sanctions

La question que se posent les banques libanaises est de savoir quel sera l’effet des sanctions imposées par les États-Unis et l’Union européenne destinées à fragiliser le régime syrien.
Les filiales syriennes des banques libanaises sont concernées par les contraintes sur les mouvements de capitaux en devises, à la suite de l’interdiction pour les banques américaines de traiter avec les banques syriennes à des fins commerciales. Les banques se retrouvent donc avec des clients dont les avoirs en devises ne peuvent pas transiter par le système international, car tout transfert en dollars passe par les États-Unis. Et les banques américaines, censées distinguer entre transactions commerciales et personnelles, prennent rarement le risque de le faire et bloquent de fait tout mouvement de capital.
Les filiales syriennes des banques libanaises font face à un autre risque important : elles placent leurs avoirs en devises, estimés par Riad Obegi à 30-40 % des dépôts des banques privées syriennes, à l’étranger. Ce qui les rend vulnérables au risque de gel éventuel par les États de tout avoir syrien. Ces fonds peuvent cependant être déposés auprès de pays hostiles aux sanctions, comme la Russie ou la Chine.
Par ailleurs, l’Union européenne a voté l’interdiction de la fabrication de billets de banques en Europe, où l’Etat syrien fait imprimer une grande partie de ses billets. Cette mesure originale risque de poser des problèmes futurs sur la liquidité en livres syriennes du pays.
Du fait de leur proximité et de leurs liens avec la Syrie, les banques libanaises au Liban comptent aussi parmi leurs clients des hommes politiques et des hommes d’affaires. Si certains sont soupçonnés de financer le régime, et par conséquent placés sur les listes noires américaines ou européennes, il revient à chaque banque de décider si elle veut continuer à traiter avec ces personnes ou non. Car, comme l’explique Pierre Kanaan, directeur du département légal de la Banque centrale, « le gouvernement libanais n’est juridiquement tenu que par les décisions du Conseil de sécurité de l’ONU ». Mais si les banques décident de continuer à travailler avec cette personne, elles encourent le risque de faire l’objet de sanctions internationales par la suite si elles sont soupçonnées d’aider à financer le régime syrien.
Au final, l’incertitude qui plane sur la situation syrienne pousse les banques à davantage de prudence, mais ne remet pas en cause leur stratégie de développement.     « Les banques libanaises augmentent leurs provisions au niveau de leur filiales, affirme Nadim Kabbara, directeur de la recherche à FFA Private Bank. La Banque libano-française, dont le lancement officiel sur le marché a coïncidé avec le début des événements, maintient ainsi le plan d’ouverture des agences dont l’aménagement a déjà été lancé.
 

Les banques libanaises font le dos rond en Égypte
La révolution égyptienne qui a conduit au renversement de Hosni Moubarak le 11 février 2011 a eu un effet limité sur les deux banques libanaises présentes en Égypte : la Bank Audi et la BLOM.
« Pourtant, le secteur bancaire égyptien dans son ensemble a perdu quatre milliards de dépôts au premier semestre », note Freddie Baz, directeur de la stratégie du groupe Audi-Saradar.
La Bank Audi y a quasiment maintenu son activité au premier semestre 2011, avec une augmentation de ses actifs de 0,6 % sur les six premiers mois de l’année, à 2 734 millions de dollars ; ses dépôts se sont stabilisés à
2 377 millions de dollars
(-0,1 %), les crédits ont baissé
de 2 %, à 1 203 millions de dollars, et les profits avant provisions et taxes ont augmenté de 25 %, à 3,5 millions de dollars. L’Égypte représente 9,4 % de son total bilan à fin juin.
La BLOM, quant à elle, affichait des actifs de 1 347 millions de dollars à fin mars 2011, en augmentation annuelle de 7,59 % ; ses dépôts atteignaient 1 107 millions de dollars (+5,56 %) et ses crédits 408 millions de dollars (+7,58 %). L’Égypte représente près de 6 % de son total bilan consolidé.