Les investissements sont rares actuellement au Liban et ce n’est pas un hasard si l’un des plus grands projets en cours de réalisation se trouve dans le secteur de l’immobilier. Baptisé Waterfront City, il s’agit d’une nouvelle zone urbaine de 193 600 mètres carrés à Dbayé qui devrait à terme accueillir au moins 10 000 résidents. Le projet est le fruit d’une joint-venture entre la société Joseph Khoury et Fils Holding et le groupe émirien Majid al-Futtaim Properties. Il se déroulera en quatre étapes réparties sur une quinzaine d’années. La première phase lancée en juillet 2011 devrait être achevée à la mi-2014. Elle porte sur sept bâtiments, une promenade en hauteur avec des cafés, des restaurants et des commerces. Entretien avec Alain Bejjani,
directeur du développement de Majid al-Futtaim Properties.

Comment est née l’idée de ce projet ?
Le projet a commencé avec l’idée initiale de réaménager le littoral nord de Beyrouth. Au lendemain de la guerre, feu Joseph Khoury en a fait son projet phare. Il en a acquis la paternité à travers un contrat avec l’État libanais signé en 1995 en vertu duquel il a pris à sa charge de remblayer une partie du littoral du Metn sur 1 033 000 m2, de fournir l’infrastructure et le plan d’aménagement, en contrepartie de l’allocation à l’État de deux tiers des terrains répartis entre propriété privée de l’État et domaine public.
Joseph Khoury a réalisé le remblai, érigé la protection maritime, réalisé les infrastructures, le club de la marina, des unités résidentielles… Il a aussi vendu des terrains à des investisseurs privés, dont le groupe Majid al-Futtaim Properties.
Nous avons initialement acquis 28 000 mètres carrés en 2002 afin d’y ériger un centre commercial. Puis nous avons étendu notre propriété à 55 000 mètres carrés. Ensuite, en 2004, nous avons proposé à la société Joseph Khoury de constituer une joint-venture sur les 193 600 mètres carrés des terrains restants de la Marina afin d’y développer le projet Waterfront City. Le terrain a été évalué à l’époque à 900 dollars le mètre carré et notre apport a été d’une centaine de millions de dollars.

Le groupe MAF Properties est donc le propriétaire direct de 55 000 m2 et partenaire à 50/50 du projet de développement urbain Waterfront City. Que comptez-vous faire sur chacune de ces parties ?
Le métier principal de MAF Properties consiste à développer des centres commerciaux. Le Liban a toujours fait partie de notre plan d’expansion. Lorsque nous avons acheté une parcelle au début des années 2000 pour y implanter l’enseigne Carrefour opérée dans la région par l’une de nos sociétés sœurs, MAF Properties n’avait pas la même envergure qu’aujourd’hui. Nous pensions juste réaliser un petit centre commercial. De fil en aiguille nous avons agrandi la taille du mall souhaité et, surtout, nous nous sommes orientés vers un projet plus vaste, combinant des unités résidentielles, des bureaux, des hôtels, ainsi que le centre commercial. L’objectif est de faire de ce nouvel espace une véritable destination et de profiter notamment des complémentarités possibles avec le Palais des congrès qui existe.

Pourquoi cet emplacement ?
Ces parcelles sont restées très longtemps inexploitées à cause des lenteurs du projet de réhabilitation du littoral nord de Beyrouth. Mais l’emplacement a beaucoup d’atouts. Il s’agit d’un front de mer avant tout. Il est situé au cœur du Metn, une zone économique très active, à proximité de Beyrouth, sur une artère stratégique pour l’accès nord de la capitale. Les vues que nous offrons sur Beyrouth et sur la baie au nord sont uniques sur le littoral : en général on n’y a droit qu’à partir de points situés davantage en altitude.
Toutes ces raisons ont emporté notre décision. Mais il faut aussi y ajouter le fait qu’il est relativement rare au Liban de trouver une telle superficie. Nous avons saisi cette opportunité qui nous permet de mettre en œuvre un projet de communauté intégrée. L’idée est de développer une petite ville présentant des attraits rares dans la région. Les immeubles sont conçus autour d’une cour avec des jardins. Deux grands jardins publics sont prévus, de même que nous allons reverdir le paysage autant que faire se peut.

Quel est le calendrier du projet ?
Nous venons de lancer la phase 1 qui a été très bien reçue par le marché, ce qui nous a confortés dans l’idée que la demande existe pour ce genre de produit. Plus de 75 % du projet a été vendu. Au démarrage la fourchette des prix variait entre 2 800 et 4 200-4 500 dollars le mètre carré. Aujourd’hui, les prix ont augmenté. Les clients sont des Libanais à 95 % et il s’agit de personnes qui veulent vivre dans l’appartement ou bien y installer leur famille quand il s’agit d’expatriés travaillant dans le Golfe. Notre objectif de créer un lieu de vie et non pas de se retrouver avec des immeubles inhabités est donc atteint.
Nous allons lancer en 2012 la phase 2 des projets résidentiels, ainsi que les immeubles de bureaux. Les deux autres phases résidentielles suivront au rythme de la capacité d’absorption du marché sur une quinzaine d’années. En parallèle, sur les parcelles qu’il détient à 100 %, MAF Properties va lancer la construction d’un mall et d’un hôtel ainsi que des unités résidentielles. Nous sommes en discussion avec des opérateurs hôteliers, quant au centre commercial, il abritera l’enseigne Carrefour dont l’ouverture est prévue en 2015 sachant que notre premier mall situé à Baabda ouvrira en 2013. L’investissement pour le mall est d’environ 360 millions de dollars, quant à l’hôtel, il coûtera 70 à 80 millions de dollars.

Avez-vous tous les permis nécessaires pour l’ensemble du projet ?
Nous avons les permis pour la phase 1 et nous attendons les autres. Je dois dire que les formalités administratives sont un vrai frein en raison de l’inadéquation des lois et des procédures à des projets de cette envergure.
Nous pâtissons aussi des déficiences en matière d’infrastructures. Prenez l’exemple des égouts. Nous ne savons toujours pas que faire de nos eaux usées. L’État n’a toujours pas lancé le projet d’assainissement des eaux du Metn qui se déversent dans la mer… Nous sommes donc à la recherche de solutions, sinon nous envisageons de bâtir une unité de traitement des eaux particulières.
Pour le trafic routier qui est le principal point faible de notre emplacement, nous sommes également en discussion avec les autorités afin de contribuer à des solutions, mais sans beaucoup de succès jusqu’à présent. Ce qui est incompréhensible pour un investisseur de notre envergure qui a l’intention d’injecter deux milliards de dollars au Liban, c’est de se trouver face à un État qui a les moyens, mais pas la volonté politique de résoudre les problèmes dont il se plaint. Le risque lié à cette situation reste donc très élevé pour un investisseur étranger.

Un acteur régional d’envergure

Majid al-Futtaim Properties est l’une des sociétés du groupe émirien Majid al-Futtaim. La fortune de ce promoteur immobilier était estimée à 1,2 milliard de dollars par Forbes en 2011. Le groupe développe des centres commerciaux à travers le Moyen-Orient et en Afrique du Nord où il affirme accueillir plus de 120 millions de clients par an. Le groupe est notamment l’opérateur de l’enseigne Carrefour dans la région. Il a aussi dans son portefeuille des hôtels ainsi que des projets immobiliers résidentiels et commerciaux.