D’origine turque, les fondateurs du groupe libanais d’assurances et de réassurances Nasco Karaoglan ont remis les pieds à Istanbul, l’un des fers de lance de leur ambition régionale.

Gino Nader est amoureux d’Istanbul. Mais il n’y a pas encore fait complètement souche, puisqu’il loge au Four Seasons sur la rive du Bosphore qu’il parcourt en taxi des mers pour éviter les embouteillages légendaires de cette ville en pleine effervescence. Il vient d’y lancer cet été Nasco Turquie, une filiale du groupe éponyme d’assurances et de réassurances. C’est un retour aux sources pour ce quinquagénaire dont la famille est originaire de Mersine. « J’ai encore le passeport turc même si les Nader ont quitté la Turquie il y a trois générations. Mon grand-père y est né en 1889. »
Mais c’est surtout en tant que libanais que Gino Nader aborde ce nouveau marché appelé à devenir l’un des fers de lance des ambitions régionales du groupe Nasco Karaoglan. « Notre force, c’est notre cosmopolitisme et notre compétitivité, auxquels s’ajoute la maîtrise de l’arabe, explique celui qui affirme avoir la prétention de battre sur le marché régional des groupes internationaux tels que Marsh Mac, Willis Faber ou Eon. Nous sommes petits, mais nous jouons dans la cour des grands. » 
Son premier gros contrat en Turquie, Nasco l’a d’ailleurs obtenu en remportant un appel d’offres face à ces concurrents américains pour assurer les centrales électriques en Irak et au Kurdistan construites par le groupe Çalik : « Les négociations ont duré neuf mois. Le fait d’avoir aussi un pied en Irak nous a favorisés. » Le groupe a une participation dans la société UR International Insurance Company (URIIC) basée à Erbil, dans le Kurdistan irakien, et envisage de s’étendre à l’ensemble du pays.
Le contrat avec Çalik, dont le montant n’a pas été divulgué, correspond exactement à la cible de Nasco qui a obtenu sa licence en courtage d’assurance en janvier 2012 en Turquie. Le groupe est aussi présent à Istanbul à travers un bureau de liaison pour l’activité de réassurance basé à Paris. « Nous ne sommes pas là pour concurrencer les compagnies turques sur leur territoire, mais pour accompagner les entreprises turques qui s’exportent très bien dans la région, notamment dans le secteur de la construction. Les assureurs turcs sont moins bien placés sur ce segment, car les Turcs sont très nationalistes, ils parlent rarement l’anglais et encore moins l’arabe. »
Ce recentrage sur la région MENA est le fruit d’un changement de stratégie entamé en 2011 par le groupe Nasco Karaoglan, juridiquement basé à Paris depuis la guerre de 1975, bien que le centre de décision soit revenu à Beyrouth ces dernières années. La première génération de l’entreprise, fondée par Saba Nader (le père de Gino) et Maurice Karaoglan, considérait que le monde était à sa portée. « Nous étions implantés à New York, à Londres, aux Philippines… c’était la folie des grandeurs financée par le boom pétrolier saoudien. Aujourd’hui, nous nous concentrons désormais sur ce que nous connaissons le mieux », explique Gino Nader. Le groupe est réorganisé en quatre pôles : l’assurance (notamment Bankers au Liban), la gestion de portefeuille d’assurés, le courtage en réassurances et le courtage en assurances sous la bannière Nasco. Implanté dans sept pays, le groupe affiche un chiffre d’affaires de plus d’un milliard de dollars et un beau palmarès : il est le premier courtier de réassurances au niveau de la région MENA ; troisième courtier de réassurances en France ; deuxième compagnie d’assurances au Liban.
« Le métier de courtage est peu gourmand en capital. L’évolution est donc rapide, en fonction de celle du portefeuille des affaires. » Et la croissance est au rendez-vous dans la région. « À Dubaï, notre chiffre d’affaires est de 200 millions de dollars, en progression annuelle de 10-15 %, une bonne moyenne pour une opération qui a près de 40 ans d’âge ; en Arabie saoudite, nous clôturerons 2012 à près de 50 millions de dollars en courtage direct, soit une croissance annuelle de plus de 70 % qui s’explique par la jeunesse de notre implantation dans ce pays, il y a quatre ans. » Au Qatar, nous avons amorti notre investissement initial en deux ans. Quant à la Turquie, nous partons de zéro, la croissance y sera donc rapide. Nasco Turquie est dirigé par Funda Erdemil, l’ex-directrice commerciale d’Eon en Turquie qui amène avec elle son excellente connaissance du marché. « Au total, la filiale compte déjà dix employés, contre un il y a un an et demi. »