Les pressions sur la livre syrienne s’accentuent en cette fin d’année 2012, le dollar américain atteignant la barre des 90 livres sur le marché noir à la mi-novembre, alors que la monnaie nationale syrienne avait réussi à se maintenir autour de 70 livres pour un dollar entre les mois de mars et septembre, contre un taux de change de 47 livres pour un dollar avant le début de la contestation du régime de Bachar el-Assad en mars 2011.
La récente envolée du billet vert reflète à la fois l’accélération des pressions politiques sur les autorités syriennes, mais aussi une situation fiscale et monétaire de plus en plus critique.
Le gouverneur de la Banque centrale, Adib Mayaleh, a réagi en annonçant le 18 novembre que son institution envisageait d’autoriser les banques locales à vendre des devises au taux du marché pour toutes les opérations non commerciales. La Banque centrale espère de la sorte entraîner un alignement des taux officiel et du marché noir alors qu’en excluant les transactions d’ordre commercial de cette nouvelle mesure, c’est-à-dire en permettant aux importateurs de se financer au taux officiel, les autorités espèrent ralentir la hausse de l’inflation.
Si cette mesure devait être adoptée, elle marquerait un changement de cap significatif pour les autorités monétaires syriennes qui depuis des décennies fixent en effet le taux de leur monnaie. La décennie de libéralisation économique et monétaire avait amené à un adoucissement des restrictions sur les transactions financières mais ni à la convertibilité ni à la fin de l’imposition de ses prix sur le marché local des changes.
Il n’est pas clair, cependant, si la mesure aura un impact significatif sur le marché des devises qui subit un décalage de plus en plus important entre la demande – tirée par une inquiétude croissante sur l’avenir politique du pays – et l’offre, qui subit le contrecoup de la baisse substantielle des rentrées de devises depuis le début du soulèvement populaire en mars 2011.
La santé de la monnaie nationale est suivie avec beaucoup d’attention, son taux de change par rapport à la devise américaine étant censé agir comme un indicateur de la perception des investisseurs de la situation politique dans le pays.
Alors qu’une chute rapide de la monnaie était attendue, celle-ci a d’abord surpris par sa relative solidité, puisqu’elle n’avait perdu que 10 pour cent de sa valeur six mois après le début du soulèvement, avant de décliner de manière plus substantielle à partir du dernier trimestre 2011. Le déclin s’est poursuivi en 2012 avec des soubresauts ponctuels qui ont correspondu soit à la perception d’un changement de stratégie par les autorités monétaires, soit à des pics de violence ou des événements politiques majeurs.
À partir du mois de mars, après une dégringolade rapide mais de courte durée qui a vu le dollar atteindre le taux de 107 livres, la monnaie se stabilisait autour de 70 livres.
Cette relative solidité de la monnaie syrienne se justifie par plusieurs facteurs.
Bien que les sanctions imposées par l’Union européenne, les États-Unis et d’autres pays occidentaux sur les exportations pétrolières ont entraîné une forte chute des réserves en devises – les exportations pétrolières représentaient en 2010 quarante-six pour cent de tous les revenus d’exportations syriennes et une part nettement plus importante des revenus en devises du gouvernement –, elles n’ont en pratique pas été appliquées par l’Union européenne, le principal acheteur de brut syrien, avant le mois de novembre 2011, c’est-à-dire plus de huit mois après le début du soulèvement.
La livre syrienne a aussi été aidée par la baisse des importations qui a ralenti la demande de devises. Ce recul est dû : 1) à la suspension de l’accord de libre-échange établi avec la Turquie depuis 2007 qui a renchéri le coût des produits turcs ; 2) à l’augmentation des tarifs douaniers décidée début 2012 sur de nombreux biens de consommation, certaines taxes étant portées à 80 % ; 3) à la baisse initiale de la livre qui a entraîné de manière automatique un renchérissement des importations ; 4) à la baisse significative de la consommation et des investissements sur le marché local, à la fois de la part des secteurs privé et public.
Les autorités ont aussi actionné le levier de l’augmentation des taux d’intérêt, même si la montée de l’inflation a rapidement montré les limites de cet exercice en rendant ces taux négatifs, et celui des restrictions à l’achat et à la sortie de devises.
Vente massive de devises
Cependant la clé du maintien de la livre pendant de nombreux mois à un taux relativement élevé a été la politique agressive de la Banque centrale qui a continué de vendre de manière soutenue des devises sur le marché. Pour ce faire, la banque a puisé dans les vastes réserves de change que le gouvernement avait accumulées durant la courte période de boom pétrolier syrien dans les années 1990. Au début de l’année 2011, ces réserves se chiffraient à environ 17 milliards de dollars.
Alors que le niveau réel de son implication a été longtemps formellement nié par le gouverneur de la Banque centrale – mais reconnu par les acteurs du marché –, l’importance du rôle de la banque dans la défense de la monnaie s’est confirmée au début de cette année.
Dans une entrevue télévisée en janvier, le ministre de l’Économie annonçait formellement qu’entre la défense continue et au prix fort de la livre et la préservation des réserves de change, les autorités syriennes avaient décidé de penser à l’avenir et donc de préserver leurs devises.
Le changement de cap n’a pas tardé à produire ses effets. En l’espace de quelques semaines, le dollar voyait sa valeur monter de 63 à 107 livres. Il a fallu que la Banque centrale annonce un nouveau revirement de politique et une reprise de la vente de devises sur le marché pour que la livre reprenne des couleurs et se stabilise autour de 70 livres.
Il apparaît maintenant que la Banque centrale est arrivée au bout de cette politique. Ces dernières semaines de nombreux indices révélaient l’inquiétude des décideurs syriens, telle cette annonce par le vice-Premier ministre qui a prédit un « arrêt cardiaque » de l’économie d’ici à la fin de l’année, à défaut de solution politique à la crise. Le ministre de l’Agriculture a, quant à lui, conseillé à ses compatriotes d’élever des poules et de faire pousser des légumes dans leurs jardins en prévision des jours difficiles à venir.
Après avoir atteint 90 livres pour un dollar le 15 novembre, la monnaie nationale syrienne reprenait un peu de couleur et s’échangeait le 20 novembre sur le marché noir à environ 83,5 livres. Il est probable que ce répit ne soit que de courte durée. Tous les indicateurs syriens, qu’ils soient économiques ou politiques, tournent en effet au rouge en cette fin d’année 2012.
La récente envolée du billet vert reflète à la fois l’accélération des pressions politiques sur les autorités syriennes, mais aussi une situation fiscale et monétaire de plus en plus critique.
Le gouverneur de la Banque centrale, Adib Mayaleh, a réagi en annonçant le 18 novembre que son institution envisageait d’autoriser les banques locales à vendre des devises au taux du marché pour toutes les opérations non commerciales. La Banque centrale espère de la sorte entraîner un alignement des taux officiel et du marché noir alors qu’en excluant les transactions d’ordre commercial de cette nouvelle mesure, c’est-à-dire en permettant aux importateurs de se financer au taux officiel, les autorités espèrent ralentir la hausse de l’inflation.
Si cette mesure devait être adoptée, elle marquerait un changement de cap significatif pour les autorités monétaires syriennes qui depuis des décennies fixent en effet le taux de leur monnaie. La décennie de libéralisation économique et monétaire avait amené à un adoucissement des restrictions sur les transactions financières mais ni à la convertibilité ni à la fin de l’imposition de ses prix sur le marché local des changes.
Il n’est pas clair, cependant, si la mesure aura un impact significatif sur le marché des devises qui subit un décalage de plus en plus important entre la demande – tirée par une inquiétude croissante sur l’avenir politique du pays – et l’offre, qui subit le contrecoup de la baisse substantielle des rentrées de devises depuis le début du soulèvement populaire en mars 2011.
La santé de la monnaie nationale est suivie avec beaucoup d’attention, son taux de change par rapport à la devise américaine étant censé agir comme un indicateur de la perception des investisseurs de la situation politique dans le pays.
Alors qu’une chute rapide de la monnaie était attendue, celle-ci a d’abord surpris par sa relative solidité, puisqu’elle n’avait perdu que 10 pour cent de sa valeur six mois après le début du soulèvement, avant de décliner de manière plus substantielle à partir du dernier trimestre 2011. Le déclin s’est poursuivi en 2012 avec des soubresauts ponctuels qui ont correspondu soit à la perception d’un changement de stratégie par les autorités monétaires, soit à des pics de violence ou des événements politiques majeurs.
À partir du mois de mars, après une dégringolade rapide mais de courte durée qui a vu le dollar atteindre le taux de 107 livres, la monnaie se stabilisait autour de 70 livres.
Cette relative solidité de la monnaie syrienne se justifie par plusieurs facteurs.
Bien que les sanctions imposées par l’Union européenne, les États-Unis et d’autres pays occidentaux sur les exportations pétrolières ont entraîné une forte chute des réserves en devises – les exportations pétrolières représentaient en 2010 quarante-six pour cent de tous les revenus d’exportations syriennes et une part nettement plus importante des revenus en devises du gouvernement –, elles n’ont en pratique pas été appliquées par l’Union européenne, le principal acheteur de brut syrien, avant le mois de novembre 2011, c’est-à-dire plus de huit mois après le début du soulèvement.
La livre syrienne a aussi été aidée par la baisse des importations qui a ralenti la demande de devises. Ce recul est dû : 1) à la suspension de l’accord de libre-échange établi avec la Turquie depuis 2007 qui a renchéri le coût des produits turcs ; 2) à l’augmentation des tarifs douaniers décidée début 2012 sur de nombreux biens de consommation, certaines taxes étant portées à 80 % ; 3) à la baisse initiale de la livre qui a entraîné de manière automatique un renchérissement des importations ; 4) à la baisse significative de la consommation et des investissements sur le marché local, à la fois de la part des secteurs privé et public.
Les autorités ont aussi actionné le levier de l’augmentation des taux d’intérêt, même si la montée de l’inflation a rapidement montré les limites de cet exercice en rendant ces taux négatifs, et celui des restrictions à l’achat et à la sortie de devises.
Vente massive de devises
Cependant la clé du maintien de la livre pendant de nombreux mois à un taux relativement élevé a été la politique agressive de la Banque centrale qui a continué de vendre de manière soutenue des devises sur le marché. Pour ce faire, la banque a puisé dans les vastes réserves de change que le gouvernement avait accumulées durant la courte période de boom pétrolier syrien dans les années 1990. Au début de l’année 2011, ces réserves se chiffraient à environ 17 milliards de dollars.
Alors que le niveau réel de son implication a été longtemps formellement nié par le gouverneur de la Banque centrale – mais reconnu par les acteurs du marché –, l’importance du rôle de la banque dans la défense de la monnaie s’est confirmée au début de cette année.
Dans une entrevue télévisée en janvier, le ministre de l’Économie annonçait formellement qu’entre la défense continue et au prix fort de la livre et la préservation des réserves de change, les autorités syriennes avaient décidé de penser à l’avenir et donc de préserver leurs devises.
Le changement de cap n’a pas tardé à produire ses effets. En l’espace de quelques semaines, le dollar voyait sa valeur monter de 63 à 107 livres. Il a fallu que la Banque centrale annonce un nouveau revirement de politique et une reprise de la vente de devises sur le marché pour que la livre reprenne des couleurs et se stabilise autour de 70 livres.
Il apparaît maintenant que la Banque centrale est arrivée au bout de cette politique. Ces dernières semaines de nombreux indices révélaient l’inquiétude des décideurs syriens, telle cette annonce par le vice-Premier ministre qui a prédit un « arrêt cardiaque » de l’économie d’ici à la fin de l’année, à défaut de solution politique à la crise. Le ministre de l’Agriculture a, quant à lui, conseillé à ses compatriotes d’élever des poules et de faire pousser des légumes dans leurs jardins en prévision des jours difficiles à venir.
Après avoir atteint 90 livres pour un dollar le 15 novembre, la monnaie nationale syrienne reprenait un peu de couleur et s’échangeait le 20 novembre sur le marché noir à environ 83,5 livres. Il est probable que ce répit ne soit que de courte durée. Tous les indicateurs syriens, qu’ils soient économiques ou politiques, tournent en effet au rouge en cette fin d’année 2012.