Un article du Dossier

Lancement de la modernisation de la distribution d’électricité

Filiale d’Électricité de France pour la distribution, ERDF a signé en avril 2012 un partenariat avec Butec et en juin 2012 avec ACC (Arabian Construction Company) pour apporter l’expertise technique nécessaire à ces deux sociétés chargées de la gestion déléguée de deux des trois réseaux de distribution créés au Liban. Entretien avec Marc Boillot, directeur de la stratégie et des grands projets d’ERDF.

Quel est le rôle d’ERDF au Liban ?
ERDF (Électricité Réseau Distribution France) est une filiale à 100 % d’EDF créée en 2008 en France au moment de la libéralisation du marché de la production électrique. ERDF est responsable de la distribution des électrons à 35 millions de clients en vertu de 730 contrats de concession en France. Première entreprise de distribution en Europe, elle réalise un chiffre d’affaires de 13 milliards d’euros, investit trois milliards d’euros par an et emploie 35 000 salariés dont 2 200 embauchés en 2012 et bonne une partie sont prêts à s’expatrier. Notre tarif d’acheminement est le plus bas d’Europe pour la meilleure qualité de service. L’engagement international d’ERDF découle d’une tradition ancienne de coopération pour des missions de conseil. Nous avons franchi un pas en signant en Russie un contrat de management avec la société TRK, filiale du principal distributeur russe MRSK qui couvre 70 % du territoire national. Notre rémunération est liée à notre performance. Ce type de contrats est nouveau dans le secteur de l’électricité auquel il convient bien cependant car les réseaux sont des biens stratégiques dont les États préfèrent conserver la propriété tout en faisant appel à des acteurs internationaux pour leur expertise.
Au Liban, nous apportons notre expertise technique à deux des trois opérateurs (baptisés en anglais Distribution Service Providers) à qui le gouvernement libanais a décidé de déléguer la gestion des réseaux de distribution. En plus de notre engagement avec Butec dans le nord du Liban, ERDF est impliquée dans le centre aux côtés d’un autre opérateur libanais ACC (Arabian Constuction Company) ; ERDF opère donc sur les deux tiers du territoire libanais aujourd’hui.

En quoi consiste votre contribution ?
D’abord procéder à un diagnostic et à une évaluation technique du réseau. Jusqu’à présent, personne n’avait une vision complète du réseau de distribution. Nous sommes donc en train d’en inventorier tous les éléments grâce à un outil spécialisé, un système d’information géographique.
Sur la base de cet état des lieux, sera préparé un plan d’investissements pour la réhabilitation des différents éléments du réseau : les postes-sources qui sont de gros transformateurs de la haute à la moyenne tension (appelés sous-stations au Liban), les câbles de moyenne tension, aériens ou souterrains, les postes de distribution publique qui transforment le courant en basse tension ;  les câbles basse tension jusqu’au compteur chez l’usager.
Nous rédigeons aussi le code général des manœuvres qui énonce toutes les méthodes et les processus internes auxquels nous formons les salariés. Nous insistons en particulier sur les normes de sécurité, car il s’agit d’un métier complexe et dangereux.

En quoi les compteurs intelligents vont-ils changer la donne ?
Du point de vue de l’usager, les compteurs intelligents permettent de mesurer exactement le courant consommé et donc d’émettre des factures précises. Du point de vue du réseau, ils donnent une vision globale de la consommation, de sa progression, ce qui permet de renforcer les câbles sur certains segments ou de faire procéder à des rotations de transformateurs avant que n’apparaissent les surcharges.
Mais ces compteurs sont un élément parmi d’autres qui ont révolutionné la conduite des réseaux grâce à Internet.
Par exemple, en France nous disposons de logiciels “d’autocicatrisation” qui permettent de reconfigurer à distance un segment du réseau pour réparer une panne. Ce sont des logiciels qui cherchent une alternative efficace pour alimenter au plus vite le plus grand nombre de clients.
Grâce à des capteurs, la tour de contrôle assure aussi l’équilibre entre la consommation et la production qui provient désormais de plusieurs sources réparties sur l’ensemble du réseau. Car avant, l’électricité partait d’une centrale vers le client, désormais, les flux vont dans les deux sens. En France par exemple, 100 000 nouvelles installations photovoltaïques s’y branchent chaque année. Au total, le solaire et l’éolien produisent 10 000 MW sur un total de 140 gigawatts. Compte tenu de l’intermittence de ce courant, notre rôle est d’assurer la sécurité d’approvisionnement des clients. Les postes sources évacuent la production excédentaire quand la tension est trop élevée sur un segment ou à l’inverse approvisionnent une région en déficit...
L’objectif est de doter le Liban de ce qu’il y a de plus moderne. Mais le chemin à parcourir est long. Car à l’heure actuelle, on ne sait pas combien il y a de clients, de câbles, de transformateurs… Nous sommes en train de finaliser le recensement.

Vos contrats au Liban s’inscrivent-ils dans une stratégie d’expansion au Moyen-Orient ?
Oui, nous avons l’ambition de nous étendre dans le Golfe, en Méditerranée, notamment en Turquie, en partenariat avec Butec et ACC. L’idée est de coupler la puissance industrielle et le réseau commercial de ces sociétés à notre compétence technique. La distribution est traditionnellement un secteur national. Pour pouvoir sortir de son territoire, il faut se prévaloir d’une masse critique et d’une avance technologique.
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