Un article du Dossier
Liban-Chine : des relations encore timides
« L’un des médecins de Mao Tzé Toung était libanais, raconte Waël Safieddine, qui a organisé le pavillon libanais à l’exposition de Shanghai en 2009 ; il s’appelait Ma Haide, Georges Hatem de son vrai nom. » Cet Américain d’origine libanaise est le premier étranger à avoir obtenu la citoyenneté chinoise et le premier membre non chinois du Parti communiste de la République populaire de Chine.
Depuis, quelques aventuriers libanais, industriels et commerçants, ont tenté l’aventure chinoise, attirés par son important marché et le dynamisme de son économie. Ils se sont implantés majoritairement dans l’un des grands bassins industriels du pays : à Canton (proche de Hong Kong), Shanghai, Pékin et à Tonkin (dans le centre). Plus récemment, nombre d’entre eux ont élu domicile à Hong Kong, hub financier de la région.
Le cas Hong Kong
L’île de Hong Kong jouit d’un statut spécial au sein de la République populaire de Chine.
Longtemps sous domination britannique, elle a regagné le giron de la Chine en 1997, sans pour autant que lui soient appliquées les mêmes règles politiques et économiques. Les habitants de la Chine continentale vivent sous un régime socialiste, tandis que ceux de Hong Kong (et Macao et Taïwan) sont régis par un système capitaliste. Ce système a été résumé par la formule “Un pays, deux systèmes”.
Hong Kong a même sa propre monnaie, le dollar de Hong Kong (HKD), convertible, contrairement au yuan chinois. Elle est régie depuis 1983 par un régime de change fixe : sa valeur varie entre 7,75 et 7,85 HKD pour un dollar américain.
Troisième place financière au monde, elle sert de hub régional aux grandes banques et institutions financières. « Enregistrement en ville, absence de douane, reconnaissance digitale, train direct avec l’aéroport : les procédures pour les voyages sont simplifiées à l’extrême », explique Michelle Mouracadé, qui a organisé un événement regroupant la centaine de Libanais de l’île en avril 2013.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que Hong Kong ait attiré nombre de banquiers et financiers libanais. « Le numéro un de Goldman Sachs à Hong Kong était libanais, il a été muté à Dubaï depuis », raconte Élie Sfeir, PDG de Red Mills, une société qui importe des produits libanais à Hong Kong.
Eastern Marketing : le commerce du bois en Asie
Exporter du bois, brut et transformé, tel est le métier de Eastern Marketing, une société créée par Georges Abi Nader à Singapour à la fin des années 1970. « Mon oncle était dans le commerce du bois au Moyen-Orient, raconte Ziad Germanos, neveu du fondateur, actionnaire et directeur dans la société. Un jour, il décide d’aller voir ses fournisseurs en Asie : il y restera et se lancera dans la production et l’exportation du bois vers le Moyen-Orient et l’Europe. » À l’époque, la Malaisie, l’Indonésie et la Thaïlande étaient de grands centres de production de bois. « Nous avons monté des usines de bois en Indonésie, Thaïlande et Malaisie, et nous avons exporté. »
Avec la montée en puissance de la Chine ces dix-quinze dernières années, ils décident d’ouvrir un bureau à Shanghai en 2006 et de se recentrer sur le commerce du bois plutôt que sur la production. Les usines de Thaïlande et de Malaisie sont revendues entre 2000 et 2004 ; Eastern Marketing garde uniquement des parts dans une usine en Indonésie. « Je passe aujourd’hui 75 % de mon temps en Chine, qui est devenue notre fournisseur à parts égales avec l’Indonésie, alors que sa part était encore toute petite il y a quelques années. » La société travaille avec quatre fournisseurs principaux en Indonésie et huit en Chine.
« Nos clients sont les sociétés de meubles et celles de construction au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe, explique Ziad Germanos. Nous faisons également du commerce bilatéral : nous importons du bois brut d’Asie du Sud-Est vers la Chine. »
Car l’ironie du sort, c’est que la Chine ne dispose pas de ressources naturelles suffisantes dans le secteur. Elle importe du bois brut d’Afrique et d’Asie du Sud-Est, le travaille et le réexporte, à un prix défiant la concurrence. « Les frais généraux (électricité, énergie) en Chine sont moins chers, la main-d’œuvre est hyperproductive et une partie des industries sont subventionnées par le gouvernement », explique Ziad Germanos. Par ailleurs, si la différence de qualité avec les bois malaisiens et indonésiens était très forte il y a une dizaine d’années, « ce n’est plus le cas aujourd’hui, les Chinois sont montés en gamme ».
Le bureau commercial de Singapour, qui est également le siège social de la société, emploie dix personnes : « Nous sommes dans une industrie de volume, avec beaucoup d’effet de levier (d’endettement), nous bénéficions du système bancaire de Singapour, très développé. Toute la facturation, les lettres de crédit se font là-bas. »
Eastern Marketing emploie également 11 à 12 personnes en Chine et quatre en Indonésie : « La majorité sont sur le terrain, pour vérifier la qualité du bois, c’est là notre valeur ajoutée. Le bois est un produit vivant, chaque pièce est différente d’une autre. »
Le chiffre d’affaires de la société, qui tourne entre « 60 et 80 millions de dollars », est assuré majoritairement par les clients d’Arabie saoudite (50 %) et d’Allemagne (15 %).
En Chine, la société avait jusqu’à l’année dernière un bureau de représentation uniquement : « Nous avons grandi rapidement et ça devenait plus pratique d’établir une Wofe (Wholly Owned Foreigh Entity, une société à capitaux étrangers, NDLR), ce que nous avons fait cette année avec un capital minimal de 140 000 dollars. »
Élie Sfeir : des produits libanais à Hong Kong
«J’habitais à Hong Kong depuis des années lorsque quelqu’un m’a dit que les vins libanais ressemblaient à du vinaigre. J’ai voulu leur prouver le contraire ! » raconte Élie Sfeir, fondateur avec son frère de Red Mills, une société qui importe des produits libanais à Hong Kong depuis 2009.
L’aventure a commencé avec l’introduction des vins Ksara, Kefraya et Ixsir. « Musar était déjà présent à travers son agent britannique. » Aujourd’hui, le catalogue de Red Mills offre plus de 140 produits du Liban entre vins, huile d’olive, labné, bière, épices, fromages, halawé… « L’île commence à intéresser les exportateurs libanais, explique Élie Sfeir. Ksara y a par exemple organisé un grand événement en septembre dernier. » La société emploie six personnes et recherche constamment de nouveaux clients.
Red Mills fournit par exemple les matières premières au seul vendeur de manakiche (galettes de thym) de la ville, ouvert il y a un peu plus d’un an par un Libano-Anglais Fouad Jreidini, surnommé Bobsy.
« Il n’y a pas à proprement parler de restaurant libanais à Hong Kong, explique Élie Sfeir. Nous ciblons surtout les restaurants de cuisine internationale et les hôtels, ainsi que quelques particuliers ; il y a un travail d’éducation assez important à faire, d’où les recettes que nous proposons sur notre site et notre page Facebook. »
L’investissement initial n’a pas été divulgué. Mais Élie Sfeir précise que sa principale source de revenus reste le conseil, son métier depuis plusieurs années.
« La diaspora libanaise est relativement limitée à Hong Kong, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur elle », commente-t-il. S’il n’existe pas de chiffre officiel (car il n’y a pas d’ambassade), la population libanaise de l’île dépasserait de justesse la centaine de personnes.
L’importateur regarde bien évidemment vers la Chine voisine au marché immense, mais de son propre aveu, « c’est une place d’affaires très difficile, il faut du temps et des efforts pour obtenir une licence ; la paperasserie est rébarbative ».
Élie Sfeir a découvert Hong Kong en 1988, au cours d’un voyage professionnel, à l’époque où la Chine commençait à être connue pour ses exportations. Il y a déménagé en 2000, pour rejoindre la société de transport et logistique Global Express, créée par le Libanais Pierre Abou Khater. « J’y suis resté trois ans, puis je me suis lancé à mon compte, en tant que consultant », raconte-t-il.
William Harb : la lingerie au cœur de Canton
Produire de la lingerie et des maillots de bain moyen et haut de gamme en Chine, en 1993 ? C’est le pari un peu fou réalisé par un industriel libanais, William Harb, attiré très tôt par le potentiel de l’Asie.
« Avec ma partenaire française, devenue ma femme plus tard, nous avons créé une joint-venture avec une usine étatique qui produisait déjà de la lingerie bas de gamme, raconte le propriétaire de la société, baptisée GloryStar International Ltd. Il nous a fallu cinq ans pour former quelque 200 employés et améliorer la qualité des produits. »
William Harb n’était pas étranger à l’industrie de la lingerie : installé en France pendant 16 ans, dès 1976 aux débuts de la guerre du Liban, il y avait monté une usine de sous-traitance de lingerie pour les marques françaises.
« Au bout de quelques années, il devenait de plus en plus difficile de concurrencer les produits fabriqués dans les pays où la main-d’œuvre était moins chère. J’ai commencé à prospecter et je me suis décidé pour Xinhui Town, dans la région de Canton, qui a une forte tradition industrielle, y compris dans le textile et la lingerie. J’ai préféré m’installer en Chine plutôt qu’en Afrique du Nord, car la Chine fabrique elle-même toutes les matières premières, ce qui n’est pas le cas de l’Afrique du Nord, obligée d’importer. »
GloryStar commence avec deux clients français, hérités du carnet d’adresses du propriétaire, puis s’agrandit peu à peu. « Contrairement à l’usine en France, qui ne faisait que de la sous-traitance, nous produisons également nos propres sous-vêtements dessinés par notre équipe interne de designers. Nous produisons six millions de pièces par an, dont 80 % de corseterie. » Ces produits sont exposés dans le showroom de Hong Kong, plus facilement accessible aux clients internationaux que la Chine continentale.
En 2000, la loi chinoise qui interdisait les investissements étrangers directs est amendée, et le couple en profite pour se mettre à son compte et construire sa propre usine, dans la même ville, et l’agrandir au fil des ans. « Les employés nous ont suivi, aujourd’hui nous employons entre 600 et 700 ouvriers, en plus des 25 personnes du bureau de Hong Kong. »
Coût de l’opération ? Quelque 10 millions de dollars, financés en propre et grâce à des prêts, et rentabilisés assez rapidement, selon le propriétaire : « C’était une époque dorée, les coûts salariaux étaient raisonnables et la main-d’œuvre était nombreuse : Canton attirait beaucoup de Chinois du Nord à la recherche d’un emploi. » En raison de sa proximité avec Hong Kong, Canton était en effet plus développé que le Nord du pays, délaissé. Depuis, les choses ont changé : « Le gouvernement chinois a beaucoup investi dans les infrastructures dans tout le pays et les ouvriers préfèrent rester travailler dans leur région. »
Les clients de la société, enregistrée à Hong Kong, sont des marques européennes, majoritairement françaises, ainsi que les chaînes de distribution. « Nous ne sommes pas nombreux sur ce segment, les industries textiles de la région sont plus bas de gamme », affirme William Harb. Il avoue avoir commencé à prospecter d’autres marchés : « Avec la crise en Europe, la situation stagne ces dernières années, nous commençons à regarder vers les clients en Asie. »
Depuis, quelques aventuriers libanais, industriels et commerçants, ont tenté l’aventure chinoise, attirés par son important marché et le dynamisme de son économie. Ils se sont implantés majoritairement dans l’un des grands bassins industriels du pays : à Canton (proche de Hong Kong), Shanghai, Pékin et à Tonkin (dans le centre). Plus récemment, nombre d’entre eux ont élu domicile à Hong Kong, hub financier de la région.
Le cas Hong Kong
L’île de Hong Kong jouit d’un statut spécial au sein de la République populaire de Chine.
Longtemps sous domination britannique, elle a regagné le giron de la Chine en 1997, sans pour autant que lui soient appliquées les mêmes règles politiques et économiques. Les habitants de la Chine continentale vivent sous un régime socialiste, tandis que ceux de Hong Kong (et Macao et Taïwan) sont régis par un système capitaliste. Ce système a été résumé par la formule “Un pays, deux systèmes”.
Hong Kong a même sa propre monnaie, le dollar de Hong Kong (HKD), convertible, contrairement au yuan chinois. Elle est régie depuis 1983 par un régime de change fixe : sa valeur varie entre 7,75 et 7,85 HKD pour un dollar américain.
Troisième place financière au monde, elle sert de hub régional aux grandes banques et institutions financières. « Enregistrement en ville, absence de douane, reconnaissance digitale, train direct avec l’aéroport : les procédures pour les voyages sont simplifiées à l’extrême », explique Michelle Mouracadé, qui a organisé un événement regroupant la centaine de Libanais de l’île en avril 2013.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que Hong Kong ait attiré nombre de banquiers et financiers libanais. « Le numéro un de Goldman Sachs à Hong Kong était libanais, il a été muté à Dubaï depuis », raconte Élie Sfeir, PDG de Red Mills, une société qui importe des produits libanais à Hong Kong.
Eastern Marketing : le commerce du bois en Asie
Exporter du bois, brut et transformé, tel est le métier de Eastern Marketing, une société créée par Georges Abi Nader à Singapour à la fin des années 1970. « Mon oncle était dans le commerce du bois au Moyen-Orient, raconte Ziad Germanos, neveu du fondateur, actionnaire et directeur dans la société. Un jour, il décide d’aller voir ses fournisseurs en Asie : il y restera et se lancera dans la production et l’exportation du bois vers le Moyen-Orient et l’Europe. » À l’époque, la Malaisie, l’Indonésie et la Thaïlande étaient de grands centres de production de bois. « Nous avons monté des usines de bois en Indonésie, Thaïlande et Malaisie, et nous avons exporté. »
Avec la montée en puissance de la Chine ces dix-quinze dernières années, ils décident d’ouvrir un bureau à Shanghai en 2006 et de se recentrer sur le commerce du bois plutôt que sur la production. Les usines de Thaïlande et de Malaisie sont revendues entre 2000 et 2004 ; Eastern Marketing garde uniquement des parts dans une usine en Indonésie. « Je passe aujourd’hui 75 % de mon temps en Chine, qui est devenue notre fournisseur à parts égales avec l’Indonésie, alors que sa part était encore toute petite il y a quelques années. » La société travaille avec quatre fournisseurs principaux en Indonésie et huit en Chine.
« Nos clients sont les sociétés de meubles et celles de construction au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe, explique Ziad Germanos. Nous faisons également du commerce bilatéral : nous importons du bois brut d’Asie du Sud-Est vers la Chine. »
Car l’ironie du sort, c’est que la Chine ne dispose pas de ressources naturelles suffisantes dans le secteur. Elle importe du bois brut d’Afrique et d’Asie du Sud-Est, le travaille et le réexporte, à un prix défiant la concurrence. « Les frais généraux (électricité, énergie) en Chine sont moins chers, la main-d’œuvre est hyperproductive et une partie des industries sont subventionnées par le gouvernement », explique Ziad Germanos. Par ailleurs, si la différence de qualité avec les bois malaisiens et indonésiens était très forte il y a une dizaine d’années, « ce n’est plus le cas aujourd’hui, les Chinois sont montés en gamme ».
Le bureau commercial de Singapour, qui est également le siège social de la société, emploie dix personnes : « Nous sommes dans une industrie de volume, avec beaucoup d’effet de levier (d’endettement), nous bénéficions du système bancaire de Singapour, très développé. Toute la facturation, les lettres de crédit se font là-bas. »
Eastern Marketing emploie également 11 à 12 personnes en Chine et quatre en Indonésie : « La majorité sont sur le terrain, pour vérifier la qualité du bois, c’est là notre valeur ajoutée. Le bois est un produit vivant, chaque pièce est différente d’une autre. »
Le chiffre d’affaires de la société, qui tourne entre « 60 et 80 millions de dollars », est assuré majoritairement par les clients d’Arabie saoudite (50 %) et d’Allemagne (15 %).
En Chine, la société avait jusqu’à l’année dernière un bureau de représentation uniquement : « Nous avons grandi rapidement et ça devenait plus pratique d’établir une Wofe (Wholly Owned Foreigh Entity, une société à capitaux étrangers, NDLR), ce que nous avons fait cette année avec un capital minimal de 140 000 dollars. »
Élie Sfeir : des produits libanais à Hong Kong
«J’habitais à Hong Kong depuis des années lorsque quelqu’un m’a dit que les vins libanais ressemblaient à du vinaigre. J’ai voulu leur prouver le contraire ! » raconte Élie Sfeir, fondateur avec son frère de Red Mills, une société qui importe des produits libanais à Hong Kong depuis 2009.
L’aventure a commencé avec l’introduction des vins Ksara, Kefraya et Ixsir. « Musar était déjà présent à travers son agent britannique. » Aujourd’hui, le catalogue de Red Mills offre plus de 140 produits du Liban entre vins, huile d’olive, labné, bière, épices, fromages, halawé… « L’île commence à intéresser les exportateurs libanais, explique Élie Sfeir. Ksara y a par exemple organisé un grand événement en septembre dernier. » La société emploie six personnes et recherche constamment de nouveaux clients.
Red Mills fournit par exemple les matières premières au seul vendeur de manakiche (galettes de thym) de la ville, ouvert il y a un peu plus d’un an par un Libano-Anglais Fouad Jreidini, surnommé Bobsy.
« Il n’y a pas à proprement parler de restaurant libanais à Hong Kong, explique Élie Sfeir. Nous ciblons surtout les restaurants de cuisine internationale et les hôtels, ainsi que quelques particuliers ; il y a un travail d’éducation assez important à faire, d’où les recettes que nous proposons sur notre site et notre page Facebook. »
L’investissement initial n’a pas été divulgué. Mais Élie Sfeir précise que sa principale source de revenus reste le conseil, son métier depuis plusieurs années.
« La diaspora libanaise est relativement limitée à Hong Kong, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur elle », commente-t-il. S’il n’existe pas de chiffre officiel (car il n’y a pas d’ambassade), la population libanaise de l’île dépasserait de justesse la centaine de personnes.
L’importateur regarde bien évidemment vers la Chine voisine au marché immense, mais de son propre aveu, « c’est une place d’affaires très difficile, il faut du temps et des efforts pour obtenir une licence ; la paperasserie est rébarbative ».
Élie Sfeir a découvert Hong Kong en 1988, au cours d’un voyage professionnel, à l’époque où la Chine commençait à être connue pour ses exportations. Il y a déménagé en 2000, pour rejoindre la société de transport et logistique Global Express, créée par le Libanais Pierre Abou Khater. « J’y suis resté trois ans, puis je me suis lancé à mon compte, en tant que consultant », raconte-t-il.
William Harb : la lingerie au cœur de Canton
Produire de la lingerie et des maillots de bain moyen et haut de gamme en Chine, en 1993 ? C’est le pari un peu fou réalisé par un industriel libanais, William Harb, attiré très tôt par le potentiel de l’Asie.
« Avec ma partenaire française, devenue ma femme plus tard, nous avons créé une joint-venture avec une usine étatique qui produisait déjà de la lingerie bas de gamme, raconte le propriétaire de la société, baptisée GloryStar International Ltd. Il nous a fallu cinq ans pour former quelque 200 employés et améliorer la qualité des produits. »
William Harb n’était pas étranger à l’industrie de la lingerie : installé en France pendant 16 ans, dès 1976 aux débuts de la guerre du Liban, il y avait monté une usine de sous-traitance de lingerie pour les marques françaises.
« Au bout de quelques années, il devenait de plus en plus difficile de concurrencer les produits fabriqués dans les pays où la main-d’œuvre était moins chère. J’ai commencé à prospecter et je me suis décidé pour Xinhui Town, dans la région de Canton, qui a une forte tradition industrielle, y compris dans le textile et la lingerie. J’ai préféré m’installer en Chine plutôt qu’en Afrique du Nord, car la Chine fabrique elle-même toutes les matières premières, ce qui n’est pas le cas de l’Afrique du Nord, obligée d’importer. »
GloryStar commence avec deux clients français, hérités du carnet d’adresses du propriétaire, puis s’agrandit peu à peu. « Contrairement à l’usine en France, qui ne faisait que de la sous-traitance, nous produisons également nos propres sous-vêtements dessinés par notre équipe interne de designers. Nous produisons six millions de pièces par an, dont 80 % de corseterie. » Ces produits sont exposés dans le showroom de Hong Kong, plus facilement accessible aux clients internationaux que la Chine continentale.
En 2000, la loi chinoise qui interdisait les investissements étrangers directs est amendée, et le couple en profite pour se mettre à son compte et construire sa propre usine, dans la même ville, et l’agrandir au fil des ans. « Les employés nous ont suivi, aujourd’hui nous employons entre 600 et 700 ouvriers, en plus des 25 personnes du bureau de Hong Kong. »
Coût de l’opération ? Quelque 10 millions de dollars, financés en propre et grâce à des prêts, et rentabilisés assez rapidement, selon le propriétaire : « C’était une époque dorée, les coûts salariaux étaient raisonnables et la main-d’œuvre était nombreuse : Canton attirait beaucoup de Chinois du Nord à la recherche d’un emploi. » En raison de sa proximité avec Hong Kong, Canton était en effet plus développé que le Nord du pays, délaissé. Depuis, les choses ont changé : « Le gouvernement chinois a beaucoup investi dans les infrastructures dans tout le pays et les ouvriers préfèrent rester travailler dans leur région. »
Les clients de la société, enregistrée à Hong Kong, sont des marques européennes, majoritairement françaises, ainsi que les chaînes de distribution. « Nous ne sommes pas nombreux sur ce segment, les industries textiles de la région sont plus bas de gamme », affirme William Harb. Il avoue avoir commencé à prospecter d’autres marchés : « Avec la crise en Europe, la situation stagne ces dernières années, nous commençons à regarder vers les clients en Asie. »
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