Roger Bejjani est le conseiller technique de la Mutuelle des employés de banque (MBE). Ancien directeur de filiales du groupe MedNet et NextCare, il revient ici sur l’histoire de la MBE, dont le rôle et les prestations ont été au cœur du conflit entre le syndicat des employés et l’Association des banques au Liban.

La Mutuelle des employés de banque (MBE) a été au cœur des négociations entre la Fédération des syndicats des employés de banque (FSEB) et l’Association des banques (ABL). Pouvez-vous nous la présenter ?
La mutuelle a été fondée fin 2008, à l’initiative de la Fédération des Syndicats des employés de banque (FSEB). Mais les négociations pour le renouvellement de la convention collective des banques, qui ont démarré presque au même moment, ont gelé son développement. Ce n’est qu’aujourd’hui, avec la signature de la nouvelle convention, que nous démarrons réellement. Malgré ce retard, nous comptons déjà 400 membres, employés de quatre banques libanaises distinctes. Un nombre encore insuffisant pour gagner la masse critique, que nous estimons tourner autour de 2 300 adhérents. À court terme, fin 2013, nous espérons convaincre une majorité des banques et compter quelque 8 000 adhérents.

Quel était le litige entre le syndicat des employés et l’ABL au sujet de cette mutuelle ?
Les banques ne remettent pas en cause la création de la mutuelle, mais l’un des rôles que le syndicat souhaite lui voir assumer et voir intégrer dans la convention collective, à savoir la gestion de la couverture santé des employés de banque après leur départ à la retraite. Le syndicat s’est battu pour que les banques considèrent l’offre et les tarifs de la MBE, sur ce segment de population, comme la référence sur laquelle les assureurs privés devraient s’aligner. Le but étant évidemment de défendre le pouvoir d’achat des retraités, de garantir l’uniformité des conditions à un tarif compétitif et juste. Car ce sont eux qui paient les cotisations d’assurance maladie après leur retraite. Le syndicat craint que des changements inopinés d’assureurs n’impliquent des augmentations des cotisations à payer ou des modifications de la protection sociale apportée.

À quoi ont abouti les négociations entre le syndicat et l’ABL en ce qui concerne la mutuelle sur la question de l’assurance santé postretraite ?
Au final, la nouvelle convention laisse aux banques le choix entre une adhésion à la MBE ou à une assurance privée ; sans prendre en compte la MBE comme régulateur. Toutefois, les assureurs ne pourront exiger d’examen médical particulier pour adhérer à leur prestation après la retraite. Nous pensons que chaque banque saura faire la part des choses et agir dans l’intérêt de l’institution et des employés.

La mutuelle s’est-elle spécialisée sur cette assurance maladie postretraite ?
Non, la mutuelle propose en tout quatre contrats différents liés à l’assurance retraite. D’ici à quelques mois, cinq autres prestations viendront compléter son offre. Mais elles n’entrent pas dans le cadre des obligations liées à la convention collective. Libre aux banques voire aux employés des banques d’y adhérer de manière individuelle.

Vous serez donc en concurrence avec des assurances privées, comment comptez-vous convaincre les banques de vous rejoindre ? 
Même si l’idée de fonder cette mutuelle provient du syndicat des employés, elle est une entité indépendante, structurellement et financièrement. La MBE devrait d’ailleurs devenir une institution commune au patronat et aux employés : à moyen terme, son directoire sera composé à parts égales de représentants du syndicat et de représentants de l’ABL. La mutuelle a, par ailleurs, signé un contrat de réassurance (dit stop loss) avec un assureur privé, la Libano-Suisse, afin de se prémunir contre le risque de pertes financières. Enfin, son management opérationnel a été délégué à une société spécialisée, à savoir GlobeMed (anciennement MedNet).

Quels avantages la mutuelle peut-elle présenter par rapport à une assurance privée ?
Nous sommes plus compétitifs : les mutuelles sont d’abord exemptées de timbres et de taxes pour une valeur équivalente à 11 % de la prime. N’étant pas un courtier, il n’y a pas de coûts d’acquisition ni de marges commerciales liés à cet intermédiaire. Une mutuelle doit bien assurer des "provisions techniques", à hauteur de  25 % de ses primes annuelles. En revanche, une mutuelle étant une organisation à but non lucratif, elle ne prévoit pas de marge de profit technique dans ses primes. Ce qui rend les primes payées par les adhérents, plus compétitives.

Sur quelles bases repose le système mutualiste au Liban ?
La présence de mutuelles est relativement récente au Liban : elles sont régies par la loi de 1976, qui s’inspire de la législation française. Les cotisations sont forfaitaires, voire proportionnelles, aux revenus et ne sont pas établies en fonction du risque propre à l’assuré. Les mutuelles ne peuvent pas non plus réaliser de bénéfices, contrairement aux sociétés d’assurances. Les éventuels excédents servent à développer de nouvelles garanties, prendre en charge de nouveaux traitements plus efficaces. Elles sont, en plus, tenues à davantage de “transparence” comptable, puisqu’elles doivent rendre des comptes à une assemblée générale, qui regroupe l’ensemble de ses adhérents… Dans un pays qui n’offre pas de retraites dignes de ce nom aux salariés, la mutualité pourrait représenter un exemple à suivre pour élaborer un système de retraite pérenne. C’est du moins notre ambition.