La Banque mondiale a annoncé le lancement prochain d’un fonds multilatéral pour les bailleurs (Multi Donors Trust Fund) désireux de venir en aide aux Syriens réfugiés au Liban. Il s’agit pour l’organisation internationale non pas de jouer son rôle habituel de soutien au développement, mais tout simplement de suppléer aux carences institutionnelles de l’État libanais. Les autorités libanaises sont allées jusqu’à l’Assemblée générale des Nations unies pour avertir la communauté internationale de la nécessité de partager le coût de cet afflux massif et soudain de réfugiés sur son sol (près de 825 000 enregistrés fin novembre). L’alerte a fonctionné : la réunion a mobilisé les grandes puissances au plus haut niveau. Mais les amis du Liban se sont retrouvés coincés : à qui verser l’aide ? Ils n’ont pas caché leur méfiance totale envers les canaux étatiques officiels et ce sont eux qui ont poussé à la création d’un mécanisme parallèle dont la gestion a été confiée à la Banque mondiale. Tout cela, sans que personne ne s’en émeuve à Beyrouth, alors qu’on franchit un nouveau seuil dans le non-respect des règles constitutionnelles de gestion de l’argent public. Les dons sont en effet censés être intégrés au budget au titre de recettes destinées à financer de nouvelles dépenses soumises à l’approbation du Parlement… Mais peu importe finalement le respect des mécanismes démocratiques. Il n’y a plus de budget depuis presque une décennie. Le gouvernement est démissionnaire et le Parlement s’est autoprorogé en toute illégalité. La démocratie n’est plus qu’un habillage dont personne n’est dupe tandis que le nouveau circuit de financement a plusieurs avantages. Les bailleurs ont trouvé un canal satisfaisant d’un côté, tandis que, côté libanais, on n’a plus trop à se préoccuper des “inconvénients” de l’absence de gouvernement : le cabinet peut ainsi continuer d’expédier les affaires courantes tout en déléguant à la Banque mondiale la gestion d’une part du Trésor public.