“Quattrocento” relate un moment essentiel de l’histoire, passé inaperçu : la redécouverte en 1417 par un certain Poggio Bracciolini (1380-1459) du poème antique “De rerum natura” (De la nature) écrit par Lucrèce au Ie siècle av. J.-C. « Un jour un petit homme affable, vif et malin, frôlant la quarantaine, a vu un très vieux manuscrit sur l’étagère d’une bibliothèque, a compris la portée de sa découverte et ordonné que ce manuscrit soit recopié. C’est tout, mais c’est suffisant. »
Grâce à ce scripte à la cour papale, dit Le Poggue, “De rerum natura” essaimera ensuite dans toute l’Europe, parmi les élites intellectuelles, semant ainsi des graines de la révolution humaniste. Shakespeare le cite dans “Roméo et Juliette” ; Francis Bacon ou encore Galilée s’en inspire. En France, Molière le compulsait. Montaigne possédait un manuscrit du poème antique, largement annoté de sa main (et redécouvert dans une vente aux enchères en 1989). Plus tard, Thomas Jefferson, qui se plaisait à dire : « Je suis un épicurien », s’en inspira à son tour pour écrire la “Déclaration d’indépendance américaine”.
Mais ce qui rend l’ouvrage de Greenblatt si captivant, c’est aussi le voyage, auquel il nous convie, entre l’Antiquité de Lucrèce et l’Italie médiévale, Le Poggue servant de guide. Secrétaire apostolique de plusieurs papes, dont Jean XXIII (qui sera ensuite rayé de la liste des papes), Le Poggue fut aussi au centre de la curie, au cœur des complots. On découvre alors le fanatisme (le masochisme ?) de certains de ces chrétiens, emportés par le refus de la “poursuite du bonheur”… Un thème si cher à Lucrèce.
Quattrocento (titre original : The Swerve : How the World Became Modern), Stephen Greenblatt, Flammarion, 348 pages, 30 euros.