Un article du Dossier
Les Libanais de Côte d’Ivoire tiennent 40 % de l’économie
Eurofind, fondé par Moustapha Khalil, possède déjà la plus importante usine de fabrication de produits laitiers de Côte d’Ivoire. Il entame aujourd’hui une nouvelle activité : la bière. Mais ce n’est qu’une infime partie d’un groupe international au chiffre d’affaires avoisinant le milliard de dollars dans lequel on trouve aussi de l’industrie lourde.
Malgré ce succès, Eurofind est resté dans la zone industrielle de Yopungon, dans la banlieue d’Abidjan. Sa brasserie y est installée. Des immenses silos remplis d’orge malté et de maïs jusqu’aux cuves de fermentation, en passant par le laboratoire de contrôle et la ligne d’embouteillage, environ 41,5 millions de dollars (20 milliards de francs CFA) ont été investis. Résultat ? Cette brasserie ultra-automatisée est en mesure de produire 250 à 300 000 hectolitres de bière par an. « Cela représente une fois et demie la capacité d’une usine comme Almaza au Liban.» Pour Adham el-Khalil, président du groupe Afrique, le marché ivoirien, qu’il estime à 2 millions d’hectolitres, peut absorber ce nouvel arrivant : « La consommation est portée par la reprise économique. » Les Brasseries ivoiriennes, le nom de l’entité, commercialisent deux bières blondes : Number 1 (entrée de gamme) et Gold 5.5 (premium). « 75 % de bières vendues sont des entrées de gamme en Côte d’Ivoire. Pour pénétrer le marché, nous n’avons pas cassé les prix, mais misé sur des campagnes publicitaires. » Et ça marche : Adham el-Khalil estime détenir déjà 11 à 12 % de parts de marché. Et vise 15 % pour 2014. La clef du succès ? « Être le “petit nouveau” qui vient attaquer une situation de quasi-monopole. » Autre atout : les Brasseries ivoiriennes ont développé un réseau de distribution, avec des dépôts agréés qui revendent aux détaillants.
La brasserie n’est pas la seule société d’Eurofind à miser sur l’agroalimentaire : en Côte d’Ivoire, le groupe est connu pour sa production de produits laitiers. Depuis 1997, il assure la fabrication des yaourts Yoplait et du lait Candia via son usine Eurolait. Avec un chiffre d’affaires de 17,6 millions de dollars (8,49 milliards de francs CFA), Eurolait détient aujourd’hui 55 % du marché ivoirien des produits laitiers, sans compter le développement de leur marque propre, Maxi Goût, qui concurrence Maggi (Nestlé) sur les bouillons alimentaires. L’usine assure une production de 7 000 tonnes de produits frais, 6 000 tonnes de lait stérilisé et 12 000 tonnes de bouillons. « L’agroalimentaire est l’activité la plus rentable du groupe, mais la plus importante en termes de chiffre d’affaires reste l’acier. »
Alignés aux abords de l’accès principal de la zone industrielle de Yopungon, de nombreux camions attendent leur commande en fers à béton, tôles et autres produits métallurgiques à destination du BTP ivoirien. Ces produits sortent de chez Sotaci (Société de tubes, d’acier et d’aluminium en Côte d’Ivoire), fondée en 1978. Elle a une capacité de transformation de 150 000 tonnes annuelles. « On recycle la ferraille qu’on transforme en acier liquide, puis on fabrique des billettes (des produits semi-finis, NDLR), qu’on lamine selon les besoins du marché, pour fabriquer les fers à béton, qui serviront à étayer toutes sortes de construction. Ce sont nos fers qui construisent, par exemple, le troisième pont d’Abidjan », ce pont qui doit permettre à la circulation automobile de la capitale économique de retrouver une certaine fluidité. Récemment, le groupe a lancé une nouvelle structure : Les Aciéries de Côte d’Ivoire (2010), qui a une capacité de transformation de 65 000 tonnes d’acier en fusion par an, une capacité qui doit passer à 92 000 tonnes en 2014.
Si le groupe se concentre dans l’agroalimentaire et la métallurgie, Moustapha Khalil n’est pas devenu l’un des tycoon de la communauté libano-ivoirienne grâce à elles. Son succès, en fait, démarre dans les années 1970 autour de la fabrication de matelas mousse. « Comme beaucoup, Moustapha Khalil débute dans le commerce. Assez vite, il s’intéresse à l’industrie, en s’appuyant sur des partenariats français : c’est ainsi qu’il fonde Sotici grâce au savoir-faire apporté par Rhône-Poulenc. L’entreprise a été revendue lors d’un partage familial, mais Eurofind a continué dans la chimie avec SCCI (Société pour le compoundage de Côte d’Ivoire), qui fabrique pour l’industrie plastique et produit également des gaz industriels. »
Par une étonnante pirouette de l’histoire : Eurofind est plus tard revenu à ses amours de jeunesse : il fabrique à nouveau en Belgique des matelas mousse. Mais ce n’est pas sa seule activité sur le continent. « En Europe, nous sommes le leader de la production de films polytrames (simili cuir) et également numéro un des articulations Clic-Clac des canapés. » Et le Liban ? Ne soyez pas étonnés si Adham el-Khalil n’y voit guère d’opportunités industrielles. « Le pays n’est pas assez développé. »