Personne ne sait qui est Meredith Ruth Neukirchen, l’héroïne du dernier roman de Joyce Carol Oates. Pas même elle. Quand s’ouvre le roman, elle a 41 ans et revient dans la région où elle a grandi. Pour la première fois, Meredith Ruth Neukirchen, devenue la première femme présidente d’une université de l’Ivy League, sort des sentiers battus. Celle qui se fait appeler M.R. prend sa voiture et roule vers Black Snake River, un marécage désolé. Là, elle est happée par des souvenirs qu’elle a toujours tenté d’éviter. Ceux de la “Mudgirl” qu’elle fut : Jedina, sa véritable identité, que sa mère, religieuse et fanatique, a tenté de noyer dans ces mêmes marais, lorsqu’elle avait trois ans. C’est là devant ce marécage que sa mémoire s’embourbe, son esprit s’enlise dans la folie. « L’effort pour parvenir à la civilisation. Pour résister aux illusions. Alors que la boue sale sous le plancher de la civilisation est elle-même illusion. » L’écrivain anglais Wodehouse écrit : « Même l’homme le plus solide tremble à l’idée que se déchire le voile qu’il a jeté sur son passé. » Les personnages de l’écrivain américain Joyce Carol Oates ont toujours quelque chose à cacher, de sale, de honteux voire d’effrayant. Pour M.R., cette “chose”, c’est la boue des marais de Black Snake, cette boue si tenace, qu’elle cherche à expurger, espérant que sa réussite professionnelle l’en éloigne. Mais on n’échappe pas à son passé. « Tu n’as pas à comprendre pourquoi ce qui t’est arrivé est arrivé, tu n’as même pas à comprendre ce qui est arrivé. Il suffit que tu vives avec ce qui reste. » Sans perdre pied.
“Mudwoman”, de Joyce Carol Oates, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban, Philippe Rey, 576 pages, 30 dollars.
“Mudwoman”, de Joyce Carol Oates, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban, Philippe Rey, 576 pages, 30 dollars.