Mario Saradar a démissionné du conseil d’administration du groupe bancaire Audi-Saradar qui a par ailleurs annoncé son changement de nom pour devenir le groupe Audi tout court. Beaucoup de rumeurs ont entouré ces évolutions, certaines envisageant même la cession des actions détenues par Saradar dans le groupe depuis la fusion des deux banques en 2004. En exclusivité pour Le Commerce du Levant, Mario Saradar confirme qu’il reste l’un des principaux actionnaires du groupe Audi tout en déployant en parallèle une nouvelle stratégie pour le groupe Saradar à travers lequel il investit plus de 100 millions de dollars au Liban.
Mario Saradar n’est pas un communicant. Il apparaît peu dans les médias. Pourtant il porte un nom parmi les plus connus dans les milieux d’affaires libanais, mais aussi auprès du grand public. Car il est associé à celui d’un groupe financier dont l’histoire remonte aux années 1950. La fusion en 2004 du groupe Saradar avec la Banque Audi a entraîné la création du premier groupe bancaire du pays, avec des actifs de 36,1 milliards de dollars en 2013.
Actionnaire à 5,75 % de ce fleuron de la finance libanaise dont l’envergure est désormais régionale, le groupe Saradar s’est récemment lancé dans une nouvelle stratégie parallèle de développement et de diversification, avec une enveloppe totale de 100 millions de dollars. « Nous investissons dans trois grandes lignes de métiers : la finance bien sûr, l’immobilier, et bientôt la logistique et la distribution », dévoile Mario Saradar dans un entretien avec Le Commerce du Levant. Le groupe détient en outre des participations financières variées dans des clubs de sport, une société de services de conciergerie de luxe ou encore la société Solicar, filiale du groupe papetier Gemayel Frères (Le Commerce du Levant de mars 2014).
Le premier axe de développement est « naturellement la finance », précise le président du groupe qui en a repris les rênes à l’âge de 25 ans, après le décès de son père Joe Saradar. Lui-même avait déjà succédé à son père Marius Saradar au même âge exactement, en 1962, pour faire évoluer le “comptoir financier” créé en 1948 en une véritable banque.
« Lorsque j’ai repris les commandes en 1992, la banque Saradar n’avait plus que 20 000 dollars de fonds propres en raison de la dévaluation de la livre libanaise. Douze ans plus tard, au moment de la fusion avec la Banque Audi, ils avaient augmenté à 101 millions de dollars, avec des dépôts de 1,32 milliard de dollars fin 2003. Cette croissance a été progressive, elle a été soutenue par la Société financière internationale (groupe Banque mondiale) et la Banque nationale du Canada, qui sont respectivement entrées à notre capital en décembre 1998 et avril 2000 à hauteur de 10 et 15 %. »
Lors de la fusion en 2004, le groupe nouvellement formé est la troisième banque du Liban. « Notre objectif était de devenir numéro un. Nous étions complémentaires et avions les atouts pour réussir. Audi avait le réseau de la banque de détail et d’entreprises, nous apportions le savoir-faire dans les métiers de marchés de capitaux et de banque privée. »
Résultat, le groupe Audi-Saradar enregistre une croissance moyenne de 20 % par an en termes d’actifs et de bénéfices : qui passent respectivement de 10,48 milliards et 71,7 millions de dollars en 2004 à 33,1 milliards et 305 millions de dollars aujourd’hui.
« La stratégie a parfaitement fonctionné », se réjouit Mario Saradar, qui a assumé plusieurs fonctions au plus haut niveau du groupe entre 2004 et 2010 tout en assumant la présidence et/ou la direction générale de plusieurs de ses entités, dont la partie banque privée dotée d’un réseau de plusieurs entités (Suisse, Qatar, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Monaco) ; la banque Saradar France ou encore Capital Outsourcing, une filiale à 75 %.
Le succès de la fusion valide a posteriori la stratégie de la famille Saradar qui a accepté sa dilution dans un ensemble plus grand sans attachement exagéré à la préservation de son nom – une attitude qui tranche avec les habitudes dans le secteur dont la consolidation est entravée par des problèmes d’ego. « Le problème d’identité ne s’est pas posé. Ce qui compte c’est la création de valeur pour l’actionnaire que je suis. Nous avons utilisé le nom Saradar lorsqu’il servait les intérêts du groupe – notamment dans le Golfe ou dans la banque privée. Idem pour les ressources humaines : nos effectifs ont dû s’adapter à la culture de la Banque Audi, certains sont partis, d’autres ont eu des opportunités d’évolutions nouvelles. »
Mais si le mariage capitalistique avec la Banque Audi est appelé à durer, rien n’empêche le groupe Saradar de voler à nouveau de ses propres ailes dès lors qu’a expiré la période contractuelle de six ans au cours de laquelle Mario Saradar était engagé à rester dans l’équipe dirigeante du groupe issu de la fusion. D’autant que les dividendes engrangés depuis 2004 se sont accumulés.
Depuis 2011, plutôt que de se contenter de réaliser des placements financiers, le groupe décide d’investir.
Logiquement, il le fait en priorité dans la finance. « Nous restons parmi les plus gros actionnaires de la Banque Audi, une banque universelle régionale, et il n’est pas question de concurrence avec elle. Plutôt d’explorer des niches de marché », explique Mario Saradar.
La première de ces niches concerne la gestion des très grosses fortunes, la seconde concerne, à l’autre bout du spectre, les services financiers s’adressant à une partie de la population qui est très peu ou pas bancarisée. Enfin, la troisième consiste à fournir des services bancaires au détail et des services de banque privée à une clientèle haut de gamme.
Pour mener à bien cette stratégie, le groupe Saradar a fondé son “multi-family office” SFO. Il est aussi entré au capital ou a racheté des sociétés en mesure de la porter. Il s’agit de la banque NECB rachetée à 60 % en juin 2013 pour 25 millions de dollars d’abord, de LibanPost, acquise à 50 % en 2011 pour un montant non communiqué, et de Cash United, acquise à 70 % en 2013.
« Nous souhaitions aussi racheter la société de factoring Solifac à la Banque Audi. Elle avait initialement été créée par la banque Saradar et faisait partie de la fusion. À défaut, nous recréerons probablement une structure semblable, car il s’agit d’une activité de gestion et de financement de facturation à forte rentabilité. »
L’immobilier est l’autre axe principal de développement du groupe Saradar qui a racheté en 2011 la société CGI spécialisée dans la promotion immobilière au Liban. « Nous allons continuer sur ce créneau, mais l’idée est aussi de nous tourner vers l’étranger, notamment les États-Unis. » Le souci de diversification géographique sur certains segments d’activité se double d’une volonté de diversification en termes d’activité. « Nous cherchons des opportunités, notamment du côté de la logistique et de la distribution. »
Organisation de la holding
C’est après avoir mis de l’ordre dans sa structure interne que le groupe familial entame cette nouvelle phase de croissance. « Nous nous sommes dotés d’une charte familiale il y a deux ans organisant notamment les règles de succession et la structure juridique du groupe. »
La charte de ce groupe à 100 % familial, regroupant Mario Saradar, sa mère Marie-Claude, ses deux sœurs Marielle et Maria, et ses deux tantes Lucienne Azar et Marianne Barakat, prévoit que tous ses membres siègent au conseil d’administration. À celui-ci est adossé un comité de conseil (Advisory Board) composé de personnalités de haut niveau dont la compétence est sollicitée avant chaque décision, chaque investissement important. Carlos Ghosn, président du groupe Renault-Nissan, André Bérard, CEO, ex-président de la Banque nationale du Canada, Jean-Luc Alimondo, ex-vice-président de la Banque nationale du Canada, Pierre Gaspard, conseiller du président du groupe Saradar, et Carl Azar, PDG, associé de Kienbaum et directeur général de Kienbaum Executive Consultants International, en sont membres depuis sa création en 2004.
La charte organise aussi les modalités de la participation des membres de la famille au travail dans le groupe. « À partir de l’âge de 15 ans, chacun est invité à une réunion annuelle. Ils sont neuf à ce stade. Pour intégrer un poste dans l’organigramme du groupe, il faut avoir fait au préalable ses preuves à l’étranger. L’acceptation n’est pas automatique. En revanche, tout le monde est bienvenu au sein de la fondation. »
Actionnaire à 5,75 % de ce fleuron de la finance libanaise dont l’envergure est désormais régionale, le groupe Saradar s’est récemment lancé dans une nouvelle stratégie parallèle de développement et de diversification, avec une enveloppe totale de 100 millions de dollars. « Nous investissons dans trois grandes lignes de métiers : la finance bien sûr, l’immobilier, et bientôt la logistique et la distribution », dévoile Mario Saradar dans un entretien avec Le Commerce du Levant. Le groupe détient en outre des participations financières variées dans des clubs de sport, une société de services de conciergerie de luxe ou encore la société Solicar, filiale du groupe papetier Gemayel Frères (Le Commerce du Levant de mars 2014).
Le premier axe de développement est « naturellement la finance », précise le président du groupe qui en a repris les rênes à l’âge de 25 ans, après le décès de son père Joe Saradar. Lui-même avait déjà succédé à son père Marius Saradar au même âge exactement, en 1962, pour faire évoluer le “comptoir financier” créé en 1948 en une véritable banque.
« Lorsque j’ai repris les commandes en 1992, la banque Saradar n’avait plus que 20 000 dollars de fonds propres en raison de la dévaluation de la livre libanaise. Douze ans plus tard, au moment de la fusion avec la Banque Audi, ils avaient augmenté à 101 millions de dollars, avec des dépôts de 1,32 milliard de dollars fin 2003. Cette croissance a été progressive, elle a été soutenue par la Société financière internationale (groupe Banque mondiale) et la Banque nationale du Canada, qui sont respectivement entrées à notre capital en décembre 1998 et avril 2000 à hauteur de 10 et 15 %. »
Lors de la fusion en 2004, le groupe nouvellement formé est la troisième banque du Liban. « Notre objectif était de devenir numéro un. Nous étions complémentaires et avions les atouts pour réussir. Audi avait le réseau de la banque de détail et d’entreprises, nous apportions le savoir-faire dans les métiers de marchés de capitaux et de banque privée. »
Résultat, le groupe Audi-Saradar enregistre une croissance moyenne de 20 % par an en termes d’actifs et de bénéfices : qui passent respectivement de 10,48 milliards et 71,7 millions de dollars en 2004 à 33,1 milliards et 305 millions de dollars aujourd’hui.
« La stratégie a parfaitement fonctionné », se réjouit Mario Saradar, qui a assumé plusieurs fonctions au plus haut niveau du groupe entre 2004 et 2010 tout en assumant la présidence et/ou la direction générale de plusieurs de ses entités, dont la partie banque privée dotée d’un réseau de plusieurs entités (Suisse, Qatar, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Monaco) ; la banque Saradar France ou encore Capital Outsourcing, une filiale à 75 %.
Le succès de la fusion valide a posteriori la stratégie de la famille Saradar qui a accepté sa dilution dans un ensemble plus grand sans attachement exagéré à la préservation de son nom – une attitude qui tranche avec les habitudes dans le secteur dont la consolidation est entravée par des problèmes d’ego. « Le problème d’identité ne s’est pas posé. Ce qui compte c’est la création de valeur pour l’actionnaire que je suis. Nous avons utilisé le nom Saradar lorsqu’il servait les intérêts du groupe – notamment dans le Golfe ou dans la banque privée. Idem pour les ressources humaines : nos effectifs ont dû s’adapter à la culture de la Banque Audi, certains sont partis, d’autres ont eu des opportunités d’évolutions nouvelles. »
Mais si le mariage capitalistique avec la Banque Audi est appelé à durer, rien n’empêche le groupe Saradar de voler à nouveau de ses propres ailes dès lors qu’a expiré la période contractuelle de six ans au cours de laquelle Mario Saradar était engagé à rester dans l’équipe dirigeante du groupe issu de la fusion. D’autant que les dividendes engrangés depuis 2004 se sont accumulés.
Depuis 2011, plutôt que de se contenter de réaliser des placements financiers, le groupe décide d’investir.
Logiquement, il le fait en priorité dans la finance. « Nous restons parmi les plus gros actionnaires de la Banque Audi, une banque universelle régionale, et il n’est pas question de concurrence avec elle. Plutôt d’explorer des niches de marché », explique Mario Saradar.
La première de ces niches concerne la gestion des très grosses fortunes, la seconde concerne, à l’autre bout du spectre, les services financiers s’adressant à une partie de la population qui est très peu ou pas bancarisée. Enfin, la troisième consiste à fournir des services bancaires au détail et des services de banque privée à une clientèle haut de gamme.
Pour mener à bien cette stratégie, le groupe Saradar a fondé son “multi-family office” SFO. Il est aussi entré au capital ou a racheté des sociétés en mesure de la porter. Il s’agit de la banque NECB rachetée à 60 % en juin 2013 pour 25 millions de dollars d’abord, de LibanPost, acquise à 50 % en 2011 pour un montant non communiqué, et de Cash United, acquise à 70 % en 2013.
« Nous souhaitions aussi racheter la société de factoring Solifac à la Banque Audi. Elle avait initialement été créée par la banque Saradar et faisait partie de la fusion. À défaut, nous recréerons probablement une structure semblable, car il s’agit d’une activité de gestion et de financement de facturation à forte rentabilité. »
L’immobilier est l’autre axe principal de développement du groupe Saradar qui a racheté en 2011 la société CGI spécialisée dans la promotion immobilière au Liban. « Nous allons continuer sur ce créneau, mais l’idée est aussi de nous tourner vers l’étranger, notamment les États-Unis. » Le souci de diversification géographique sur certains segments d’activité se double d’une volonté de diversification en termes d’activité. « Nous cherchons des opportunités, notamment du côté de la logistique et de la distribution. »
Organisation de la holding
C’est après avoir mis de l’ordre dans sa structure interne que le groupe familial entame cette nouvelle phase de croissance. « Nous nous sommes dotés d’une charte familiale il y a deux ans organisant notamment les règles de succession et la structure juridique du groupe. »
La charte de ce groupe à 100 % familial, regroupant Mario Saradar, sa mère Marie-Claude, ses deux sœurs Marielle et Maria, et ses deux tantes Lucienne Azar et Marianne Barakat, prévoit que tous ses membres siègent au conseil d’administration. À celui-ci est adossé un comité de conseil (Advisory Board) composé de personnalités de haut niveau dont la compétence est sollicitée avant chaque décision, chaque investissement important. Carlos Ghosn, président du groupe Renault-Nissan, André Bérard, CEO, ex-président de la Banque nationale du Canada, Jean-Luc Alimondo, ex-vice-président de la Banque nationale du Canada, Pierre Gaspard, conseiller du président du groupe Saradar, et Carl Azar, PDG, associé de Kienbaum et directeur général de Kienbaum Executive Consultants International, en sont membres depuis sa création en 2004.
La charte organise aussi les modalités de la participation des membres de la famille au travail dans le groupe. « À partir de l’âge de 15 ans, chacun est invité à une réunion annuelle. Ils sont neuf à ce stade. Pour intégrer un poste dans l’organigramme du groupe, il faut avoir fait au préalable ses preuves à l’étranger. L’acceptation n’est pas automatique. En revanche, tout le monde est bienvenu au sein de la fondation. »
Partenariat d’envergure dans la logistique Le partenariat est sur le point d’être finalisé, mais les détails sont encore confidentiels : le groupe Saradar se lance dans la logistique en joint-venture avec un acteur régional libanais du secteur basé à Abou Dhabi. « Nous apportons notre spécialisation en développement foncier, ils apportent leur savoir-faire en logistique », résume Pierre Gaspard, conseiller du président du groupe. La nouvelle activité ne concerne pas l’opération logistique, mais la construction de parcs logistiques, précise-t-il. « Un secteur où la demande sera croissante dans la région dans les prochaines années à mesure que les grandes multinationales s’y développent amenant avec elles leurs exigences de qualité et leurs normes. Ce n’est plus suffisant d’avoir un entrepôt au bas de son immeuble. La logistique aujourd’hui, ce sont des services très spécialisés pour optimiser la gestion de l’espace et du temps. » |
La NECB vise deux milliards d’actifs en trois ans L’un des plus gros investissements du groupe Saradar a consisté à prendre le contrôle de la Near East Commercial Bank (NECB) en février 2013. Une holding constituée du groupe Saradar (56 %), du groupe Mikati (34 %) et de Carlos Ghosn (10 %) a acquis 51 % du capital de la NECB et Carlos Ghosn 9 % à titre personnel, ce qui porte le total à 60 %. Alfred Wiederkehr, qui avait racheté en 2007 la NECB en conserve les 40 % restants. « Sa stratégie initiale était de s’associer à un partenaire libanais », explique Mario Saradar. Ses actifs sont de 400 millions de dollars, dont 350 de dépôts, avec 450 millions hors bilan. « En trois ans nous voulons atteindre 2 milliards d’actifs. » Outre la création de produits financiers destinés au grand public qui seront commercialisés à travers les réseaux de LibanPost et Cash United, la NECB sera le fer de lance des services de banque privée du groupe Saradar. |