L’écrivaine britannique Zadie Smith retourne dans son quartier londonien du nord-ouest, où elle avait déjà situé “Sourires de loup”, le roman qui l’a fait connaître en 2000. « Une vaste colline traverse le nord-ouest de Londres. (…) La littérature la connaît bien. (..) Même Dickens s’y aventure parfois, pour boire une pinte ou enterrer quelqu’un. » Keisha (alias Nathalie) et Leah ont grandi ensemble, dans la cité de Caldwell. La première, d’ascendance jamaïcaine, est devenue avocate ; la seconde, Leah, d’origine irlandaise, a épousé un coiffeur franco-africain et végète dans une association caritative. À ce duo inséparable, se greffe Félix, qu’elles ne connaissent pas : un garagiste trentenaire, ancien toxicomane, aujourd’hui rangé des camions. Pour les relier tous, vient s’ajouter Nathan, un ex-jeune talent du foot local, devenu SDF.
Dans ce roman polyphonique, Zadie Smith s’intéresse d’abord à ce que ces personnages ne peuvent pas dire d’eux-mêmes, ces secrets “honteux” impossibles à confier, même à l’amie d’enfance. Pour Nathalie, c’est un désir sexuel pornographique ; pour Leah, le refus de la maternité. Mais derrière cette intimité dévoilée se dissimule une autre question : échappe-t-on à son passé ? Comment survivre lorsque l’ascenseur social vous a porté trop loin de vos racines ? Nathalie « est aussi surprise de sortir de Brayton (l’école publique locale, NDLR) que l’institution elle-même l’est de l’avoir engendrée. Nat, la fille qui a réussi dans un bahut de mille gamins plus tarés les uns que les autres. Trop bien réussi peut-être pour se souvenir d’où elle vient. Pour vivre comme elle le fait, il faut oublier tout ce qu’il y a eu avant ». “Ceux du Nord-Ouest” interroge cette aliénation culturelle en même temps qu’il questionne une quête d’identité difficile dans le melting pot anglais.
Zadie Smith, “Ceux du Nord-Ouest”, 416 pages, 30 dollars.