Si la croissance mondiale risque de ralentir légèrement au premier semestre de l’année en cours, selon le FMI, l’année devra se clôturer sur un progrès de 0,6 point par rapport à 2013. Une amélioration notamment portée par la reprise dans les pays avancés, où la croissance devrait atteindre 2,25 % en 2014-15, soit une amélioration d’environ un point par rapport à 2013, selon le rapport de l’institution de Bretton Woods.
Néanmoins, les risques de révision à la baisse continuent de dominer les perspectives de croissance mondiale, malgré les pronostics positifs concernant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Autre risque signalé pour la première fois par le FMI : celui de l’augmentation des inégalités de revenu, qui risque d’avoir des implications majeures sur le plan macroéconomique. « Bien que les inégalités aient toujours été considérées comme un problème important, on ne pensait pas, jusqu’il y a peu, qu’elles aient des implications majeures sur le plan macroéconomique. Cette idée est de plus en plus remise en question », estime Olivier Blanchard, conseiller économique au FMI.
États-Unis : vers une reprise pérenne ?
Le regain de vigueur au sein de l’économie mondiale a pris de l’ampleur sous l’impulsion d’une réduction du durcissement de la politique budgétaire, sauf au Japon, et de politiques monétaires accommodantes, notamment aux États-Unis, où la politique d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing), désormais en phase de résorption, a commencé à porter ses fruits. Selon les prévisions du FMI, la croissance américaine devrait avoisiner cette année 2,8 % et 3 % en 2015, contre 1,9 % l’an dernier. Au deuxième semestre de 2013, la croissance avait déjà bondi, contre toute attente, à 3,25 %, grâce à une hausse des exportations et des stocks, avant de ralentir légèrement en début d’année, essentiellement en raison de conditions climatiques extrêmes.
Après le lancement en septembre 2012 d’un vaste programme de rachat de bons visant à injecter des liquidités massives, de l’ordre de 85 milliards de dollars par mois, pour soutenir la croissance, la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé en décembre 2013 de réduire ces injections, au vu de l’amélioration de certains indicateurs économiques. Le “tapering”, un terme utilisé pour décrire ce phénomène de durcissement monétaire progressif, a porté sur une première réduction de 10 milliards de dollars du plafond des rachats obligataires. Deux autres révisions à la baisse ont suivi, diminuant, à partir de mars 2014, le niveau d’injections de liquidités à 55 milliards de dollars par mois. La Fed a en outre annoncé qu’elle procéderait à un relèvement des taux d’intérêt au printemps 2015.
Cette politique monétaire a été motivée par de meilleurs chiffres sur l’emploi, le redressement du secteur immobilier après une longue récession, l’augmentation du patrimoine des ménages et l’assouplissement des normes d’octroi de prêts bancaires.
« La reprise est là, mais elle n’est pas encore assez robuste », tempère toutefois l’économise Paul Doueihy. Selon lui, si les chiffres propres à l’emploi se sont améliorés, le taux de participation à la population active et le ratio de l’emploi par rapport à la population restent faibles. « Je crains que les États-Unis ne soient en train de basculer dans un nouveau schéma de croissance, loin des taux de 5 % observés dans les années 2000 », souligne-t-il. « Pour revenir à ces schémas confortables, il va falloir reproduire les mêmes erreurs commises par le passé, c’est-à-dire une croissance basée sur un modèle de consommation soutenu par un gonflement des prix immobiliers et boursiers. L’effet de richesse engendré risque toutefois de mener à de nouvelles bulles », prévient l’économiste. Une croissance tirée par les exportations, à l’instar du modèle allemand, ou basée sur des investissements massifs, n’est pas réalisable non plus, estime-t-il. « Les États-Unis ne bénéficient ni de la compétitivité allemande ni d’une marge budgétaire, vu leur déficit colossal, qui leur permette de concrétiser l’un ou l’autre de ces modèles alternatifs. C’est pourquoi, à défaut d’un gonflement artificiel, la croissance américaine risque de plafonner dans les années à venir », ajoute-t-il.
Autre contrainte à une croissance plus forte : la politique fiscale de l’administration Obama, « qui n’encourage pas les sociétés à investir ou à recruter, à cause de coûts opérationnels plus élevés », estime de son côté le directeur du département de recherche de la Byblos Bank, Nassib Ghobril.
Dans les milieux monétaires américains, la prudence est d’ailleurs toujours de mise. Tout en assurant que l’économie américaine était bien partie pour arriver à une situation de plein emploi d’ici à fin 2016, la présidente de la Réserve fédérale, Janet Yallen, a insisté sur le fait que des événements imprévisibles étaient susceptibles de faire dévier la Fed de sa trajectoire actuelle, comme cela a déjà été le cas à plusieurs reprises depuis que les États-Unis ont renoué avec la croissance après la récession de 2007-2009.
Zone euro : le spectre de la déflation
Si la reprise se confirme aux États-Unis, les attentes sont moins optimistes sur le Vieux Continent. La zone euro commence tout juste à sortir la tête de l’eau, après deux années de récession. Selon le World Economic Outlook (WEO), la croissance devrait s’élever à 1,2 % cette année, contre des taux négatifs de 0,7 % et 0,5 % en 2012 et 2013, respectivement. Si les risques extrêmes, liés à la viabilité des dettes souveraines et aux craintes d’un effondrement collectif, ont diminué, la faible inflation reste un danger qui inquiète aussi bien les investisseurs que les responsables européens.
La croissance devrait toutefois reprendre à la faveur d’un ralentissement du rythme du durcissement budgétaire, d’environ 1 % du PIB en 2013 à 0,25 % du PIB, selon le FMI. L’Allemagne et le Royaume-Uni seront en pole position, avec des taux de 1,7 % et de 2,9 %, respectivement, prévus pour l’année en cours. Mais dans l’ensemble, la croissance restera faible et fragile, notamment dans les pays en difficulté, en raison de la dette élevée, du resserrement du crédit et de la fragmentation financière qui freinent la demande intérieure.
« Les problèmes structurels sont toujours là, qu’il s’agisse de l’emploi, ou des déséquilibres budgétaires. Le problème en Europe est loin d’être réglé. L’Italie et la France pâtissent déjà de failles de compétitivité majeure liées aux coûts de production élevés engendrés par un modèle social et un système fiscal assez lourds », souligne Nassib Ghobril.
En outre, « le risque de faible inflation existe réellement. La désinflation compétitive pourrait toutefois profiter à l’économie européenne », comme cela a été le cas au Japon et en France dans les années 1980 et 1990, estime de son côté Paul Doueihy. Celle-ci avait permis à l’Hexagone de renouer avec l’équilibre commercial à la veille de l’introduction de la monnaie unique, mais elle n’a pas que des avantages. La désinflation, longtemps défendue par l’ancien directeur de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, peut nuire à la consommation et par conséquent pour la croissance. En outre, la conjoncture actuelle en Europe diffère de celle qui prévalait au Japon. L’archipel nippon n’a jamais connu de chômage de masse lorsqu’il avait été entraîné dans une longue phase de stagnation et de déflation, selon le prix Nobel d’économie, Paul Krugman.
Un assouplissement monétaire, y compris à l’aide de mesures non conventionnelles, est ainsi fortement souhaitable, selon le FMI. Celui-ci permettrait de soutenir l’activité et d’atteindre l’objectif de stabilité des prix.
La BCE, dont le but est de maintenir un taux d’inflation proche de 2 %, « est toutefois embarrassée par son mandat qui ne permet pas à la base le rachat d’obligations, mais elle pourrait imaginer sa propre formule de quantitative easing », souligne Paul Doueihy. Selon l’économiste, « les Européens ne possèdent pas les moyens de relance conjoncturels qu’ont les Américains ou les Asiatiques, alors que leurs problèmes sont aussi structurels qu’ailleurs ». « Il n’est ni dans leur culture ni dans leur moyen de déprécier leur monnaie, comme le font les Chinois, ou d’avoir recours à des mesures non conventionnelles sur le plan monétaire. À cela s’ajoute l’absence aujourd’hui de toute marge budgétaire leur permettant de relancer l’économie par un effet de levier », ajoute-t-il.
Japon : dans l’attente des effets de l’Abenomics
Sur l’archipel nippon, la situation n’est guère meilleure qu’en Europe. La croissance prévue est de 1,4 % cette année, selon le FMI, en baisse de 0,3 % par rapport aux prévisions de janvier 2014. Le programme Abenomics, qui consiste en un plan massif de relance budgétaire et monétaire et de réformes structurelles, doit encore se traduire par une augmentation de la demande privée intérieure afin d’atteindre le double objectif d’une plus forte croissance et d’un enrayement de la déflation chronique. Or, les récentes réformes introduites par le gouvernement, notamment la hausse de la taxe sur la consommation (de 5 % à 8 % au deuxième trimestre de 2014 et à 10 % au quatrième trimestre de 2015), risquent de retarder, voire de contrecarrer les effets escomptés. Ce durcissement budgétaire en 2014-15, qui représente environ 1 % du PIB, devrait peser sur la croissance.
Néanmoins, certains moteurs devraient se renforcer, notamment l’investissement privé et les exportations, étant donné l’accélération de la croissance dans les pays partenaires et la dépréciation du yen au cours des 12 derniers mois. Tokyo compte en effet sur les exportations, moteur historique de l’économie nippone, pour compenser toute éventuelle baisse de la demande intérieure qui résulterait de la hausse de la taxe sur la consommation. En revanche, si les exportations ne repartent pas et que la demande intérieure baisse plus que prévu en avril et en mai, la Banque du Japon pourrait assouplir sa politique dès juin ou juillet, estiment des experts à Citigroup.
Pour le FMI, il est essentiel de mettre en œuvre les deux volets restants du programme Abenomics (réformes structurelles et plans de rééquilibrage budgétaire au-delà de 2015) pour atteindre l’objectif d’inflation et accélérer durablement la croissance. Celle-ci devrait atteindre seulement 1 % en 2015, selon les derniers pronostics.
« Le problème du Japon réside dans le fait qu’il se fait progressivement dépasser par la Corée du Sud et la Chine, en termes d’innovation et de progrès technologie, en sus de l’avantage comparatif qu’ont ces pays en termes de coûts », souligne Nassib Ghobril. C’est ce qui explique, selon lui, le ralentissement “structurel” de la croissance nippone.
Pays émergents : entre ralentissement chinois et risques géopolitiques
Dans les pays émergents, l’inversion des flux de capitaux, dans le sillage du début du durcissement monétaire américain, a augmenté les risques liés au financement extérieur et à des dépréciations monétaires. Le coût du capital a en outre augmenté, ce qui devrait peser sur l’investissement et la croissance. Celle-ci devrait progresser timidement, à 4,9 % en 2014, contre 4,7 % l’an dernier, selon le FMI.
Trois événements majeurs ont en effet caractérisé l’environnement général des économies émergentes au cours des douze derniers mois : l’annonce par la Réserve fédérale américaine de son intention de mettre fin à son programme de Quantitative Easing, qui a provoqué des turbulences monétaires sur certains marchés émergents, notamment les “Fragile Five” (Turquie, Brésil, Afrique du Sud, Inde, Indonésie), la crise en Ukraine, avec ses retombées sur la Russie et l’Europe de l’Est, et le ralentissement prévu de la croissance chinoise. Celle-ci devrait reculer à 7,5 % en 2014 et 7,3 % en 2015, contre 7,7 % en 2012 et 2013, selon les prévisions du FMI. « L’inversion des flux de capitaux se conjugue à deux autres facteurs qui pèsent également sur la croissance dans ces pays : le ralentissement de l’activité d’emprunt et les craintes concernant le système bancaire parallèle (shadow banking) », souligne Nassib Ghobril. « En outre, les risques géopolitiques ont augmenté dans certains pays, notamment en Ukraine et en Thaïlande », ajoute-t-il.
Dans plusieurs pays émergents, l’activité a d’ailleurs été inférieure aux prévisions initiales, même si ces économies continuent de représenter plus de deux tiers de la croissance mondiale. Selon le FMI, la croissance dans la sphère émergente devrait profiter de l’augmentation des exportations vers les pays avancés. Mais elle sera largement disparate. Les pays émergents d’Asie continueront de bénéficier de taux de croissance relativement soutenus, avec des prévisions de 6,7 % en 2014 et 6,8 % en 2015, sous l’effet de l’augmentation de la demande extérieure et de l’affaiblissement des monnaies. En revanche, les économies d’Amérique latine, confrontées récemment à de fortes pressions sur les marchés, devront croître à un rythme de 2,5 % cette année, contre 2,7 % en 2013.
Parmi les pays les plus touchés, le Brésil devrait afficher une croissance de 1,8 % en 2014, tandis que l’Argentine et le Venezuela devraient croître à un rythme de 0,5 % et -0,5 %, respectivement. En revanche, la croissance devrait s’affermir au Mexique, à 3 % en 2014 et 3,5 % en 2015, sous l’effet de vastes réformes structurelles et l’accélération de la croissance américaine.
Selon le FMI, dans les pays où l’inflation ou les risques de dépréciation monétaire sont encore relativement élevés, il serait nécessaire de continuer de durcir la politique monétaire.
Néanmoins, les risques de révision à la baisse continuent de dominer les perspectives de croissance mondiale, malgré les pronostics positifs concernant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Autre risque signalé pour la première fois par le FMI : celui de l’augmentation des inégalités de revenu, qui risque d’avoir des implications majeures sur le plan macroéconomique. « Bien que les inégalités aient toujours été considérées comme un problème important, on ne pensait pas, jusqu’il y a peu, qu’elles aient des implications majeures sur le plan macroéconomique. Cette idée est de plus en plus remise en question », estime Olivier Blanchard, conseiller économique au FMI.
États-Unis : vers une reprise pérenne ?
Le regain de vigueur au sein de l’économie mondiale a pris de l’ampleur sous l’impulsion d’une réduction du durcissement de la politique budgétaire, sauf au Japon, et de politiques monétaires accommodantes, notamment aux États-Unis, où la politique d’assouplissement quantitatif (Quantitative Easing), désormais en phase de résorption, a commencé à porter ses fruits. Selon les prévisions du FMI, la croissance américaine devrait avoisiner cette année 2,8 % et 3 % en 2015, contre 1,9 % l’an dernier. Au deuxième semestre de 2013, la croissance avait déjà bondi, contre toute attente, à 3,25 %, grâce à une hausse des exportations et des stocks, avant de ralentir légèrement en début d’année, essentiellement en raison de conditions climatiques extrêmes.
Après le lancement en septembre 2012 d’un vaste programme de rachat de bons visant à injecter des liquidités massives, de l’ordre de 85 milliards de dollars par mois, pour soutenir la croissance, la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé en décembre 2013 de réduire ces injections, au vu de l’amélioration de certains indicateurs économiques. Le “tapering”, un terme utilisé pour décrire ce phénomène de durcissement monétaire progressif, a porté sur une première réduction de 10 milliards de dollars du plafond des rachats obligataires. Deux autres révisions à la baisse ont suivi, diminuant, à partir de mars 2014, le niveau d’injections de liquidités à 55 milliards de dollars par mois. La Fed a en outre annoncé qu’elle procéderait à un relèvement des taux d’intérêt au printemps 2015.
Cette politique monétaire a été motivée par de meilleurs chiffres sur l’emploi, le redressement du secteur immobilier après une longue récession, l’augmentation du patrimoine des ménages et l’assouplissement des normes d’octroi de prêts bancaires.
« La reprise est là, mais elle n’est pas encore assez robuste », tempère toutefois l’économise Paul Doueihy. Selon lui, si les chiffres propres à l’emploi se sont améliorés, le taux de participation à la population active et le ratio de l’emploi par rapport à la population restent faibles. « Je crains que les États-Unis ne soient en train de basculer dans un nouveau schéma de croissance, loin des taux de 5 % observés dans les années 2000 », souligne-t-il. « Pour revenir à ces schémas confortables, il va falloir reproduire les mêmes erreurs commises par le passé, c’est-à-dire une croissance basée sur un modèle de consommation soutenu par un gonflement des prix immobiliers et boursiers. L’effet de richesse engendré risque toutefois de mener à de nouvelles bulles », prévient l’économiste. Une croissance tirée par les exportations, à l’instar du modèle allemand, ou basée sur des investissements massifs, n’est pas réalisable non plus, estime-t-il. « Les États-Unis ne bénéficient ni de la compétitivité allemande ni d’une marge budgétaire, vu leur déficit colossal, qui leur permette de concrétiser l’un ou l’autre de ces modèles alternatifs. C’est pourquoi, à défaut d’un gonflement artificiel, la croissance américaine risque de plafonner dans les années à venir », ajoute-t-il.
Autre contrainte à une croissance plus forte : la politique fiscale de l’administration Obama, « qui n’encourage pas les sociétés à investir ou à recruter, à cause de coûts opérationnels plus élevés », estime de son côté le directeur du département de recherche de la Byblos Bank, Nassib Ghobril.
Dans les milieux monétaires américains, la prudence est d’ailleurs toujours de mise. Tout en assurant que l’économie américaine était bien partie pour arriver à une situation de plein emploi d’ici à fin 2016, la présidente de la Réserve fédérale, Janet Yallen, a insisté sur le fait que des événements imprévisibles étaient susceptibles de faire dévier la Fed de sa trajectoire actuelle, comme cela a déjà été le cas à plusieurs reprises depuis que les États-Unis ont renoué avec la croissance après la récession de 2007-2009.
Zone euro : le spectre de la déflation
Si la reprise se confirme aux États-Unis, les attentes sont moins optimistes sur le Vieux Continent. La zone euro commence tout juste à sortir la tête de l’eau, après deux années de récession. Selon le World Economic Outlook (WEO), la croissance devrait s’élever à 1,2 % cette année, contre des taux négatifs de 0,7 % et 0,5 % en 2012 et 2013, respectivement. Si les risques extrêmes, liés à la viabilité des dettes souveraines et aux craintes d’un effondrement collectif, ont diminué, la faible inflation reste un danger qui inquiète aussi bien les investisseurs que les responsables européens.
La croissance devrait toutefois reprendre à la faveur d’un ralentissement du rythme du durcissement budgétaire, d’environ 1 % du PIB en 2013 à 0,25 % du PIB, selon le FMI. L’Allemagne et le Royaume-Uni seront en pole position, avec des taux de 1,7 % et de 2,9 %, respectivement, prévus pour l’année en cours. Mais dans l’ensemble, la croissance restera faible et fragile, notamment dans les pays en difficulté, en raison de la dette élevée, du resserrement du crédit et de la fragmentation financière qui freinent la demande intérieure.
« Les problèmes structurels sont toujours là, qu’il s’agisse de l’emploi, ou des déséquilibres budgétaires. Le problème en Europe est loin d’être réglé. L’Italie et la France pâtissent déjà de failles de compétitivité majeure liées aux coûts de production élevés engendrés par un modèle social et un système fiscal assez lourds », souligne Nassib Ghobril.
En outre, « le risque de faible inflation existe réellement. La désinflation compétitive pourrait toutefois profiter à l’économie européenne », comme cela a été le cas au Japon et en France dans les années 1980 et 1990, estime de son côté Paul Doueihy. Celle-ci avait permis à l’Hexagone de renouer avec l’équilibre commercial à la veille de l’introduction de la monnaie unique, mais elle n’a pas que des avantages. La désinflation, longtemps défendue par l’ancien directeur de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, peut nuire à la consommation et par conséquent pour la croissance. En outre, la conjoncture actuelle en Europe diffère de celle qui prévalait au Japon. L’archipel nippon n’a jamais connu de chômage de masse lorsqu’il avait été entraîné dans une longue phase de stagnation et de déflation, selon le prix Nobel d’économie, Paul Krugman.
Un assouplissement monétaire, y compris à l’aide de mesures non conventionnelles, est ainsi fortement souhaitable, selon le FMI. Celui-ci permettrait de soutenir l’activité et d’atteindre l’objectif de stabilité des prix.
La BCE, dont le but est de maintenir un taux d’inflation proche de 2 %, « est toutefois embarrassée par son mandat qui ne permet pas à la base le rachat d’obligations, mais elle pourrait imaginer sa propre formule de quantitative easing », souligne Paul Doueihy. Selon l’économiste, « les Européens ne possèdent pas les moyens de relance conjoncturels qu’ont les Américains ou les Asiatiques, alors que leurs problèmes sont aussi structurels qu’ailleurs ». « Il n’est ni dans leur culture ni dans leur moyen de déprécier leur monnaie, comme le font les Chinois, ou d’avoir recours à des mesures non conventionnelles sur le plan monétaire. À cela s’ajoute l’absence aujourd’hui de toute marge budgétaire leur permettant de relancer l’économie par un effet de levier », ajoute-t-il.
Japon : dans l’attente des effets de l’Abenomics
Sur l’archipel nippon, la situation n’est guère meilleure qu’en Europe. La croissance prévue est de 1,4 % cette année, selon le FMI, en baisse de 0,3 % par rapport aux prévisions de janvier 2014. Le programme Abenomics, qui consiste en un plan massif de relance budgétaire et monétaire et de réformes structurelles, doit encore se traduire par une augmentation de la demande privée intérieure afin d’atteindre le double objectif d’une plus forte croissance et d’un enrayement de la déflation chronique. Or, les récentes réformes introduites par le gouvernement, notamment la hausse de la taxe sur la consommation (de 5 % à 8 % au deuxième trimestre de 2014 et à 10 % au quatrième trimestre de 2015), risquent de retarder, voire de contrecarrer les effets escomptés. Ce durcissement budgétaire en 2014-15, qui représente environ 1 % du PIB, devrait peser sur la croissance.
Néanmoins, certains moteurs devraient se renforcer, notamment l’investissement privé et les exportations, étant donné l’accélération de la croissance dans les pays partenaires et la dépréciation du yen au cours des 12 derniers mois. Tokyo compte en effet sur les exportations, moteur historique de l’économie nippone, pour compenser toute éventuelle baisse de la demande intérieure qui résulterait de la hausse de la taxe sur la consommation. En revanche, si les exportations ne repartent pas et que la demande intérieure baisse plus que prévu en avril et en mai, la Banque du Japon pourrait assouplir sa politique dès juin ou juillet, estiment des experts à Citigroup.
Pour le FMI, il est essentiel de mettre en œuvre les deux volets restants du programme Abenomics (réformes structurelles et plans de rééquilibrage budgétaire au-delà de 2015) pour atteindre l’objectif d’inflation et accélérer durablement la croissance. Celle-ci devrait atteindre seulement 1 % en 2015, selon les derniers pronostics.
« Le problème du Japon réside dans le fait qu’il se fait progressivement dépasser par la Corée du Sud et la Chine, en termes d’innovation et de progrès technologie, en sus de l’avantage comparatif qu’ont ces pays en termes de coûts », souligne Nassib Ghobril. C’est ce qui explique, selon lui, le ralentissement “structurel” de la croissance nippone.
Pays émergents : entre ralentissement chinois et risques géopolitiques
Dans les pays émergents, l’inversion des flux de capitaux, dans le sillage du début du durcissement monétaire américain, a augmenté les risques liés au financement extérieur et à des dépréciations monétaires. Le coût du capital a en outre augmenté, ce qui devrait peser sur l’investissement et la croissance. Celle-ci devrait progresser timidement, à 4,9 % en 2014, contre 4,7 % l’an dernier, selon le FMI.
Trois événements majeurs ont en effet caractérisé l’environnement général des économies émergentes au cours des douze derniers mois : l’annonce par la Réserve fédérale américaine de son intention de mettre fin à son programme de Quantitative Easing, qui a provoqué des turbulences monétaires sur certains marchés émergents, notamment les “Fragile Five” (Turquie, Brésil, Afrique du Sud, Inde, Indonésie), la crise en Ukraine, avec ses retombées sur la Russie et l’Europe de l’Est, et le ralentissement prévu de la croissance chinoise. Celle-ci devrait reculer à 7,5 % en 2014 et 7,3 % en 2015, contre 7,7 % en 2012 et 2013, selon les prévisions du FMI. « L’inversion des flux de capitaux se conjugue à deux autres facteurs qui pèsent également sur la croissance dans ces pays : le ralentissement de l’activité d’emprunt et les craintes concernant le système bancaire parallèle (shadow banking) », souligne Nassib Ghobril. « En outre, les risques géopolitiques ont augmenté dans certains pays, notamment en Ukraine et en Thaïlande », ajoute-t-il.
Dans plusieurs pays émergents, l’activité a d’ailleurs été inférieure aux prévisions initiales, même si ces économies continuent de représenter plus de deux tiers de la croissance mondiale. Selon le FMI, la croissance dans la sphère émergente devrait profiter de l’augmentation des exportations vers les pays avancés. Mais elle sera largement disparate. Les pays émergents d’Asie continueront de bénéficier de taux de croissance relativement soutenus, avec des prévisions de 6,7 % en 2014 et 6,8 % en 2015, sous l’effet de l’augmentation de la demande extérieure et de l’affaiblissement des monnaies. En revanche, les économies d’Amérique latine, confrontées récemment à de fortes pressions sur les marchés, devront croître à un rythme de 2,5 % cette année, contre 2,7 % en 2013.
Parmi les pays les plus touchés, le Brésil devrait afficher une croissance de 1,8 % en 2014, tandis que l’Argentine et le Venezuela devraient croître à un rythme de 0,5 % et -0,5 %, respectivement. En revanche, la croissance devrait s’affermir au Mexique, à 3 % en 2014 et 3,5 % en 2015, sous l’effet de vastes réformes structurelles et l’accélération de la croissance américaine.
Selon le FMI, dans les pays où l’inflation ou les risques de dépréciation monétaire sont encore relativement élevés, il serait nécessaire de continuer de durcir la politique monétaire.
Les marchés financiers restent volatils En dépit de perspectives économiques plutôt optimistes, les marchés financiers restent assez volatils. Si les indicateurs globaux tendent vers une amélioration, plusieurs poussées de turbulences financières ayant eu lieu depuis octobre 2013 « laissent entrevoir les considérables ajustements qu’il reste à accomplir, tandis que les réformes financières sont incomplètes et que le système financier reste exposé », souligne le dernier rapport sur la stabilité financière dans le monde (Global Financial Stability Report, GFSR). La transition en cours aux États-Unis, en sus des risques géopolitiques liés à l’Ukraine, pourrait avoir des retombées sur la stabilité financière internationale. Une normalisation plus rapide que prévu de la politique monétaire américaine risque d’entraîner de nouvelles turbulences. Cela conduirait, selon le rapport, à des ajustements difficiles dans certains pays émergents, déjà confrontés à un ralentissement général, avec un risque de contagion et de tensions financières généralisées. Selon l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P), les systèmes bancaires turc et sud-africain sont les plus vulnérables au resserrement monétaire actuellement en cours aux États-Unis. L’“asymétrie systémique de liquidité” dans ces pays, qui implique une discordance entre l’ampleur potentielle des sorties de capitaux et la capacité des institutions locales à en assurer l’intermédiation, pourrait contraindre les autorités à injecter des liquidités sur certains marchés en difficulté pour préserver le bon fonctionnement des marchés obligataires et monétaires locaux, souligne le rapport. Dans la zone euro, si les marchés ont sensiblement amélioré leur attitude à l’égard des banques et des États en difficulté, des efforts restent à déployer pour assainir davantage les bilans des banques, dans le cadre d’un examen crédible de la qualité de leurs actifs et de liquider les établissements qui ne sont plus viables. Le rapport sur les “Perspectives de l’économie mondiale” du FMI met en outre l’accent sur la nécessité de recapitaliser les banques fragiles afin de rétablir la confiance et de relancer le crédit. D’autres mesures s’imposent, en parallèle, pour améliorer le fonctionnement des circuits du crédit non bancaire et du financement en fonds propres. La première moitié de l’année 2014 restera toutefois marquée, dans les annales de la zone euro, par le retour de la Grèce sur les marchés, pour la première fois depuis son exclusion il y a quatre ans. Une émission de dette souveraine d’un montant de 3 milliards d’euros sur cinq ans, à un taux de 4,95 %, a été souscrite à hauteur de près de 20 milliards d’euros, le 10 avril, marquant un retour en force de la confiance parmi les investisseurs. Au Japon, le retour à une normalisation financière n’est pas encore au rendez-vous. Les premières phases du plan de réformes mis en place en décembre 2012 par le Premier ministre Shinzo Abe ont globalement réussi à altérer les anticipations déflationnistes, mais cela ne s’est pas encore traduit par des gains en termes de stabilité financière, selon le GFSR. En revanche, en Chine, la situation diffère des pays développés et émergents, en dépit du recul de la croissance. Les autorités de Pékin vont devoir gérer une transition sans heurts vers une plus grande discipline des marchés financiers, notamment avec la suppression des garanties implicites, note le rapport. |