À 89 ans, un homme éprouve souvent le besoin de tirer les conclusions d’une longue vie. Le grand écrivain américain James Salter n’échappe pas à la règle. Mais dans son nouveau roman (et premier depuis 1979), “Et rien d’autre”, il mêle à la nostalgie d’un temps passé, presque périmé, une vitalité adolescente – la soif de vivre – de son personnage principal. Et c’est tout l’art de ce roman d’osciller entre ces deux pôles contraires.
Dans ce livre vedette de la rentrée littéraire, James Salter vagabonde dans la vie de Philip Bowman, qui grandit sans père dans une modeste famille du New Jersey. Bowman a deux obsessions, qui l’accompagneront au long de sa vie : la littérature et l’amour. Embauché par un éditeur, il découvre ce milieu très fermé, fait de maisons indépendantes, encore dirigées par ceux qui les ont fondées. Bowman s’y sent comme un poisson dans l’eau et sa réussite s’avère rapide. Reste l’amour, ou plutôt le sexe, dont il camoufle son besoin sous une certaine sentimentalité (il “aime” à chaque fois qu’il rencontre une femme alors que le narrateur ne nous décrit qu’une “attraction physique”). L’échec d’un premier mariage, l’éblouissement de la passion physique et le goût amer de la trahison sont quelques-uns des moments de cette vie, dédiée à la chasse au bonheur. Pourtant, on ne peut que se demander en refermant le livre : tout ça pour ça ? Comme si le héros de “Et rien d’autre” aurait pu réussir mieux son existence. Il lui aura manqué peut-être d’un peu plus d’implications pour réussir sa vie, ses histoires d’amour comme son métier d’éditeur. Et c’est peut-être ce que dit d’entrée de jeu le titre de ce roman : une vie est forcément décevante quand on regarde en arrière.