L’accélération relative de la croissance cette année – qui devrait grimper à 3,8 % en 2016 – est portée par un rebond dans les pays avancés, où les prévisions de croissance sont de 2,4 %, contre 1,8 % l’an dernier et 1,4 % en 2013. Cette tendance contraste avec un fléchissement économique, pour la cinquième année consécutive, dans les pays émergents, où les prévisions tablent sur une croissance de 4,3 % en 2015, contre 5 % il y a deux ans.
C’est l’une des principales “fractures” de l’année, qui s’ajoute aux divergences des politiques monétaires au sein des économies développées (lire par ailleurs).
États-Unis : fin de l’ère du “Quantitative Easing”
La dynamique des pays avancés est notamment portée par la croissance américaine, qui a avoisiné 4 % en moyenne pendant les trois derniers trimestres de 2014 et devrait s’établir à 3,1 % cette année. Elle est soutenue par les “résidus” de la politique monétaire expansionniste (“Quantitative Easing”) lancée par la Réserve fédérale en 2008, qui a pris fin en début d’année, à la lumière de plusieurs facteurs encourageants, dont notamment le recul du chômage. Ce dernier a chuté à 5,5 % en février, un niveau proche de la moyenne historique. Avec la fin du QE, les agents guettent la hausse annoncée du taux directeur de la Fed. Initialement prévue pour le deuxième trimestre de l’année en cours, celle-ci ne devrait intervenir qu’à la fin du troisième trimestre, selon certains analystes.
« La croissance s’est certes améliorée, mais elle est encore loin des niveaux d’avant-crise tandis que des paramètres liés à l’emploi évoluent plus lentement que le taux de chômage », souligne l’économiste Paul Doueihy pour expliquer ces atermoiements.
« Le taux de participation de la population active reste, en effet, en dessous de 63 %, tandis que le ratio emplois/population a légèrement dépassé 59 % », contre des ratios respectivement de 66 % et 63 % à la veille de la crise internationale, précise-t-il.
En outre, l’inflation resterait inférieure à l’objectif de 2 % pour 2015 et 2016, ce qui repousse l’échéance de relèvement des taux.
Europe : la BCE à l’offensive
Alors qu’aux États-Unis, les trois QE successifs ont porté leurs fruits, le Vieux Continent, hanté par le spectre de la déflation (-0,3 % sur 12 mois en février), s’est résolu à lancer un plan d’assouplissement quantitatif après de longs mois de tergiversation, dans l’espoir de conjurer la récession et le risque de baisse des prix. Lancé en mars par la Banque centrale européenne (BCE), ce programme de rachat massif d’obligations porte sur l’injection de 60 milliards d’euros par mois sur le marché jusqu’en septembre 2016 au plus tôt, soit une enveloppe minimale de 1 100 milliards d’euros.
Les séquelles de la crise financière et de la crise dans la zone euro restent visibles dans beaucoup de pays. Selon le FMI, « la fragilité des banques et l’endettement élevé du secteur public, des entreprises ou des ménages continuent de peser sur les dépenses et la croissance ». À cela s’ajoute l’actuel bras de fer entre l’Eurogroupe et la gauche radicale Syriza, au pouvoir depuis janvier, qui a fait ressurgir les craintes d’une sortie grecque de l’euro – “Grexit” – et de nouvelles turbulences au sein de la zone. Les négociations avec Athènes n’ont pas abouti à un accord, privant le pays d’une tranche d’aide vitale de 7,2 milliards d’euros. Les tensions géopolitiques continuent d’être vives, malgré l’accord conclu en février dernier à Minsk pour mettre fin à la crise ukrainienne.
Mais en dépit de ces facteurs négatifs, les perspectives s’améliorent dans l’ensemble de la zone, même si l’investissement privé reste faible – à l’exception de l’Allemagne, de l’Irlande et de l’Espagne. Le FMI table sur une croissance de 1,5 % cette année et 1,6 % en 2016, contre 0,9 % en 2014. La croissance devrait s’accélérer en Allemagne (1,6 %), en France (1,2 %), en Italie (0,5 %) et surtout en Espagne (2,5 %). « Ces pronostics positifs découlent de trois facteurs : la politique accommodante de la BCE, la baisse du prix du pétrole ainsi que de l’affaiblissement de l’euro qui devraient essentiellement profiter à l’investissement et à la consommation », souligne Paul Doueihy. Encore faut-il que l’injection massive de liquidités soit canalisée dans le crédit. Les banques européennes restent en effet assez prudentes, au vu des taux d’endettement élevés dans la zone, tempère l’économiste.
Japon : des “Abenomics” au “Bazooka”
Dans l’archipel nippon, les effets des “Abenomics” se sont révélés moins efficaces que le QE américain. Ce vaste programme lancé par le Premier ministre Shinzo Abe fin 2012, basé sur une relance budgétaire couplée à une politique monétaire expansionniste, a même eu des retombées néfastes, le pays affichant une croissance négative l’an dernier de -0,1 %. Celle-ci a été pénalisée par une contraction de la consommation, plus importante que prévu, due à la hausse de la TVA en avril 2014, l’une des mesures fiscales phares du plan.
En 2015, l’activité économique devrait toutefois renouer avec la croissance, soutenue par l’affaiblissement du yen, la baisse des prix pétroliers ainsi qu’un nouveau round d’assouplissement monétaire, plus volumineux que prévu, dans l’espoir de donner un coup de fouet à une économie chancelante. Annoncé en octobre dernier par la Banque du Japon, le “Bazooka”, surnom donné au plan, vise à augmenter la base monétaire à 80 000 milliards de yens par an, contre 60 000 à 70 000 milliards auparavant.
La croissance devrait ainsi passer de -0,1 % à 1 % en 2015 et à 1,2 % en 2016, selon le FMI. « Celle-ci reste toutefois faible. Le Japon traîne la patte depuis vingt ans, en raison de l’ascension économique d’autres acteurs, dont la Chine, ainsi que la corruption », souligne Paul Doueihy.
Pays émergents : l’hémorragie se poursuit
Par contraste, la croissance des pays émergents, qui représentent plus de 70 % de la croissance mondiale, devrait être plus faible cette année, principalement à cause de la dégradation des perspectives de quelques grands pays en développement. L’un des premiers concernés, la Chine devrait voir sa croissance tomber à 6,8 % en 2015 et à 6,3 % en 2016 – contre une moyenne de plus de 9 % sur les trente dernières années.
En Amérique latine, les trajectoires sont également nuancées, mais la croissance devrait globalement ralentir, pour la quatrième année consécutive, à 0,9 %, contre une moyenne de 4,2 % sur la période 2004-13, avant de remonter à 2 % en 2016, selon le FMI.
Au Brésil, les perspectives sont assombries par la sécheresse, un durcissement de la politique macroéconomique et un manque de confiance du secteur privé, lié en partie à l’enquête Petrobas (sur la corruption, ayant visé 54 responsables, dont des politiques). La croissance devrait ainsi se contracter de 1 %, selon les prévisions du FMI. Au Venezuela, une forte contraction est au rendez-vous (-7 %), en raison de la fonte des cours de l’or noir tandis qu’au Mexique, une croissance de 3 % est attendue pour l’année en cours.
Dans la Communauté des États indépendants (CEI), les perspectives se sont considérablement détériorées. En Russie notamment, une contraction de 3,8 % du PIB pointe à l’horizon, sous l’effet d’une baisse du prix du pétrole et des sanctions internationales, qui accentuent les faiblesses structurelles du pays, avec pour conséquence une forte dépréciation du rouble.
En Afrique en revanche, notamment la zone subsaharienne, la croissance reste vigoureuse, même si elle devrait tomber à 4,5 % cette année, contre 5 % en 2014, selon le FMI, à cause de la baisse des prix des produits de base et les séquelles de l’épidémie “Ebola” dans certains pays. La chute du prix du pétrole aura, en outre, un impact assez important sur les pays exportateurs de pétrole de la région, dont le Nigeria (4,8 %, contre 6,3 % en 2014).
C’est l’une des principales “fractures” de l’année, qui s’ajoute aux divergences des politiques monétaires au sein des économies développées (lire par ailleurs).
États-Unis : fin de l’ère du “Quantitative Easing”
La dynamique des pays avancés est notamment portée par la croissance américaine, qui a avoisiné 4 % en moyenne pendant les trois derniers trimestres de 2014 et devrait s’établir à 3,1 % cette année. Elle est soutenue par les “résidus” de la politique monétaire expansionniste (“Quantitative Easing”) lancée par la Réserve fédérale en 2008, qui a pris fin en début d’année, à la lumière de plusieurs facteurs encourageants, dont notamment le recul du chômage. Ce dernier a chuté à 5,5 % en février, un niveau proche de la moyenne historique. Avec la fin du QE, les agents guettent la hausse annoncée du taux directeur de la Fed. Initialement prévue pour le deuxième trimestre de l’année en cours, celle-ci ne devrait intervenir qu’à la fin du troisième trimestre, selon certains analystes.
« La croissance s’est certes améliorée, mais elle est encore loin des niveaux d’avant-crise tandis que des paramètres liés à l’emploi évoluent plus lentement que le taux de chômage », souligne l’économiste Paul Doueihy pour expliquer ces atermoiements.
« Le taux de participation de la population active reste, en effet, en dessous de 63 %, tandis que le ratio emplois/population a légèrement dépassé 59 % », contre des ratios respectivement de 66 % et 63 % à la veille de la crise internationale, précise-t-il.
En outre, l’inflation resterait inférieure à l’objectif de 2 % pour 2015 et 2016, ce qui repousse l’échéance de relèvement des taux.
Europe : la BCE à l’offensive
Alors qu’aux États-Unis, les trois QE successifs ont porté leurs fruits, le Vieux Continent, hanté par le spectre de la déflation (-0,3 % sur 12 mois en février), s’est résolu à lancer un plan d’assouplissement quantitatif après de longs mois de tergiversation, dans l’espoir de conjurer la récession et le risque de baisse des prix. Lancé en mars par la Banque centrale européenne (BCE), ce programme de rachat massif d’obligations porte sur l’injection de 60 milliards d’euros par mois sur le marché jusqu’en septembre 2016 au plus tôt, soit une enveloppe minimale de 1 100 milliards d’euros.
Les séquelles de la crise financière et de la crise dans la zone euro restent visibles dans beaucoup de pays. Selon le FMI, « la fragilité des banques et l’endettement élevé du secteur public, des entreprises ou des ménages continuent de peser sur les dépenses et la croissance ». À cela s’ajoute l’actuel bras de fer entre l’Eurogroupe et la gauche radicale Syriza, au pouvoir depuis janvier, qui a fait ressurgir les craintes d’une sortie grecque de l’euro – “Grexit” – et de nouvelles turbulences au sein de la zone. Les négociations avec Athènes n’ont pas abouti à un accord, privant le pays d’une tranche d’aide vitale de 7,2 milliards d’euros. Les tensions géopolitiques continuent d’être vives, malgré l’accord conclu en février dernier à Minsk pour mettre fin à la crise ukrainienne.
Mais en dépit de ces facteurs négatifs, les perspectives s’améliorent dans l’ensemble de la zone, même si l’investissement privé reste faible – à l’exception de l’Allemagne, de l’Irlande et de l’Espagne. Le FMI table sur une croissance de 1,5 % cette année et 1,6 % en 2016, contre 0,9 % en 2014. La croissance devrait s’accélérer en Allemagne (1,6 %), en France (1,2 %), en Italie (0,5 %) et surtout en Espagne (2,5 %). « Ces pronostics positifs découlent de trois facteurs : la politique accommodante de la BCE, la baisse du prix du pétrole ainsi que de l’affaiblissement de l’euro qui devraient essentiellement profiter à l’investissement et à la consommation », souligne Paul Doueihy. Encore faut-il que l’injection massive de liquidités soit canalisée dans le crédit. Les banques européennes restent en effet assez prudentes, au vu des taux d’endettement élevés dans la zone, tempère l’économiste.
Japon : des “Abenomics” au “Bazooka”
Dans l’archipel nippon, les effets des “Abenomics” se sont révélés moins efficaces que le QE américain. Ce vaste programme lancé par le Premier ministre Shinzo Abe fin 2012, basé sur une relance budgétaire couplée à une politique monétaire expansionniste, a même eu des retombées néfastes, le pays affichant une croissance négative l’an dernier de -0,1 %. Celle-ci a été pénalisée par une contraction de la consommation, plus importante que prévu, due à la hausse de la TVA en avril 2014, l’une des mesures fiscales phares du plan.
En 2015, l’activité économique devrait toutefois renouer avec la croissance, soutenue par l’affaiblissement du yen, la baisse des prix pétroliers ainsi qu’un nouveau round d’assouplissement monétaire, plus volumineux que prévu, dans l’espoir de donner un coup de fouet à une économie chancelante. Annoncé en octobre dernier par la Banque du Japon, le “Bazooka”, surnom donné au plan, vise à augmenter la base monétaire à 80 000 milliards de yens par an, contre 60 000 à 70 000 milliards auparavant.
La croissance devrait ainsi passer de -0,1 % à 1 % en 2015 et à 1,2 % en 2016, selon le FMI. « Celle-ci reste toutefois faible. Le Japon traîne la patte depuis vingt ans, en raison de l’ascension économique d’autres acteurs, dont la Chine, ainsi que la corruption », souligne Paul Doueihy.
Pays émergents : l’hémorragie se poursuit
Par contraste, la croissance des pays émergents, qui représentent plus de 70 % de la croissance mondiale, devrait être plus faible cette année, principalement à cause de la dégradation des perspectives de quelques grands pays en développement. L’un des premiers concernés, la Chine devrait voir sa croissance tomber à 6,8 % en 2015 et à 6,3 % en 2016 – contre une moyenne de plus de 9 % sur les trente dernières années.
En Amérique latine, les trajectoires sont également nuancées, mais la croissance devrait globalement ralentir, pour la quatrième année consécutive, à 0,9 %, contre une moyenne de 4,2 % sur la période 2004-13, avant de remonter à 2 % en 2016, selon le FMI.
Au Brésil, les perspectives sont assombries par la sécheresse, un durcissement de la politique macroéconomique et un manque de confiance du secteur privé, lié en partie à l’enquête Petrobas (sur la corruption, ayant visé 54 responsables, dont des politiques). La croissance devrait ainsi se contracter de 1 %, selon les prévisions du FMI. Au Venezuela, une forte contraction est au rendez-vous (-7 %), en raison de la fonte des cours de l’or noir tandis qu’au Mexique, une croissance de 3 % est attendue pour l’année en cours.
Dans la Communauté des États indépendants (CEI), les perspectives se sont considérablement détériorées. En Russie notamment, une contraction de 3,8 % du PIB pointe à l’horizon, sous l’effet d’une baisse du prix du pétrole et des sanctions internationales, qui accentuent les faiblesses structurelles du pays, avec pour conséquence une forte dépréciation du rouble.
En Afrique en revanche, notamment la zone subsaharienne, la croissance reste vigoureuse, même si elle devrait tomber à 4,5 % cette année, contre 5 % en 2014, selon le FMI, à cause de la baisse des prix des produits de base et les séquelles de l’épidémie “Ebola” dans certains pays. La chute du prix du pétrole aura, en outre, un impact assez important sur les pays exportateurs de pétrole de la région, dont le Nigeria (4,8 %, contre 6,3 % en 2014).