En 2010, la Syrie produisait environ 380 000 barils de pétrole brut et 24 millions de mètres cubes de gaz par jour.
La production pétrolière était concentrée dans deux régions, l’une autour de la ville de Deir ez-Zor, où les compagnies étrangères les plus importantes, telles Shell et Total, opéraient et d’où environ un tiers du pétrole était extrait, et l’autre plus au nord, autour des villes de Hassaké et Qamishli, d’où était extrait le pétrole lourd syrien principalement par la société publique Syrian Petroleum Company et de plus petits opérateurs étrangers.
Au printemps 2013, des groupes armés rebelles divers ainsi que le Front al-Nosra qui est affilié à el-Qaëda se sont emparés d’une partie de la ville de Deir ez-Zor et de ses alentours, y compris de nombreux champs pétrolifères. Pendant plusieurs mois le contrôle de ces champs a été partagé par ces groupes mais aussi par des tribus locales dont les motivations étaient autant, si ce n’est plus, liées à l’appât du gain que représentait le contrôle des champs pétrolifères qu’à la lutte contre le régime syrien.
De manière logique, de nombreux conflits s’en sont suivis créant une lutte entre tous les groupes pour l’accaparement de cette ressource.
Dans la région du Nord-Est, autour de Hassaké et de Qamishli, le transfert s’est effectué de manière plus douce et graduelle entre le régime et les forces kurdes du PYD. C’est maintenant ce dernier qui gère les champs pétrolifères de la région, en coordination plus ou moins étroite avec Damas.
La mainmise de l’État islamique
À la suite d’âpres batailles, l’État islamique a graduellement développé son emprise sur toute la région de Deir ez-Zor, évinçant d’abord son principal rival, le Front al-Nosra, puis les groupes rebelles formellement affiliés à l’Armée syrienne libre (ALS) et enfin les différentes tribus. Depuis la mi-2014, l’EI contrôle tous les champs pétrolifères de la région, de la frontière irakienne jusqu’à la ville de Raqqa.
Depuis lors, les estimations sur les niveaux de production de ces champs contrôlés par l’État islamique varient selon les analystes même si le chiffre de 40 000 barils/jour est repris le plus souvent – en 2010 la région de Deir ez-Zor produisait environ 130 000 barils/jour.
Une étude publiée cet été par un média syrien spécialisé sur la région donne une estimation plus élevée sur la production actuelle, environ 56 000 barils/jour. Cette étude détaillée fournit des chiffres pour chacun des principaux champs pétrolifères. Ainsi, de Omar et des différents champs associés l’EI extrairait environ 19 000 b/j, alors que Tanak et ses champs associés produiraient environ 22 700 b/j. Avant les sanctions internationales imposées à la fin 2011, ces champs étaient gérés par la société anglo-néerlandaise Royal Dutch Shell qui en extrayait près de 100 000 b/j – en 1996, lors de leur pic de production, durant le court boom pétrolier syrien des années 1990, c’était 400 000 b/j qui en sortaient.
En plus des champs pétrolifères, l’EI gère également des champs gaziers et des usines de traitement de gaz dont l’importante centrale DEZGAS, aussi appelée par les Syriens Conoco du nom de l’entreprise américaine qui l’a construite.
Les différentes installations pétrolières de la région continuent d’être gérées par le personnel syrien de la Syrian Petroleum Company et de ses joint-ventures avec les entreprises internationales. Payés pour certains par le gouvernement syrien qui justifie son geste par la nécessité de préserver les installations, ces employés sont souvent originaires de la région.
La commercialisation et la distribution du pétrole
La commercialisation du pétrole de l’EI est source de tous les débats et polémiques, chacun des camps du conflit syrien et de ses parrains régionaux et internationaux accusant les autres parties de tirer bénéfice de leurs liens avec l’organisation takfiriste.
Ce débat a pris plus d’ampleur après que l’armée de l’air turque a abattu un chasseur russe, Moscou accusant la Turquie de tirer bénéfice de ce commerce, ce à quoi Ankara a répondu en accusant un homme d’affaires à la double nationalité syrienne et russe, George Haswani, d’être un intermédiaire entre l’EI et le gouvernement syrien. En décembre, M. Haswani a été placé sur une liste noire américaine pour son rôle présumé d’intermédiaire entre le gouvernement et l’EI – l’Union européenne avait placé M. Haswani sur sa liste noire dès mars 2015.
Sur la base des informations disponibles auprès des sources les plus sérieuses, l’État islamique vend son pétrole à des intermédiaires et des commerçants qui l’achètent directement des champs d’où le pétrole est extrait, le transportent avec des camions-citernes et le revendent sur divers marchés, à l’intérieur des régions tenues par l’EI, c’est-à-dire l’est syrien, en Irak, dans les régions du Nord contrôlées par l’opposition et, moins souvent, dans les régions contrôlées par le régime ainsi qu’en Turquie. À partir du moment où le pétrole est livré à ces commerçants, l’EI ne semble plus impliqué dans la distribution du pétrole.
Il n’est donc pas établi que l’EI a un accord formel avec les autorités syriennes pour la vente de pétrole brut même s’il apparaît peu probable que celles-ci ne connaissent pas l’origine du pétrole qui arrive dans leurs régions à partir de Deir ez-Zor. Le gouvernement turc ne semble pas non plus impliqué directement dans ce commerce.
C’est dans le secteur gazier que la coopération entre les autorités syriennes et l’EI semble plus tangible. Le ministre du Pétrole syrien, Solaiman al-Abbas, n’a ainsi pas hésité à admettre lors d’une conférence de presse que la récente augmentation du rationnement électrique à Damas était due à l’arrêt de la production dans l’usine de gaz de DEZGAS qui est pourtant sous contrôle de l’EI. M. Abbas avait aussi ajouté que l’une des priorités de son ministère était de continuer à assurer la sécurité de l’oléoduc qui transportait du pétrole de la région de Hassaké, sous contrôle du PYD kurde, jusqu’à la raffinerie de Homs. Cet oléoduc traverse des régions entièrement sous contrôle de l’État islamique.
Le prix du baril de brut vendu par l’EI varie sur la base de plusieurs facteurs tels la qualité du brut ou les prix mondiaux. En octobre 2015, le baril se vendait entre 15 et 40 dollars – sur les marchés mondiaux il s’échangeait à environ 50 dollars à la même période.
En termes de revenus, l’EI empocherait environ 1,5 million de dollars par jour de ses ventes de pétrole, soit 45 millions de dollars par mois et 540 millions par an.
Les attaques changent la donne
Depuis la mi-novembre la coalition internationale dirigée par les États-Unis a intensifié ses attaques contre les installations pétrolières contrôlées par l’EI. Jusque-là, les attaques n’avaient visé qu’une faible partie de ces infrastructures afin de ne pas les endommager sur le long terme, mais les Américains disent maintenant que l’objectif est de détruire huit champs pétrolifères en particulier, dont Omar et Tanak, ainsi que deux tiers des raffineries afin d’assécher les finances de l’EI. Par ailleurs des dizaines de camions-citernes ont été visés y compris, plus récemment, par l’aviation russe.
L’une des conséquences de ces attaques va sans aucun doute être une baisse drastique des revenus de l’organisation takfirie. Cependant, elles vont également créer des victimes collatérales : la population et l’économie syriennes.
À court terme, l’approvisionnement de produits pétroliers sur le marché va être perturbé, entraînant une pénurie, une hausse des prix des produits pétroliers et donc du coût des transports, ce qui va tirer l’inflation vers le haut. À long terme, la destruction de ces installations va paralyser l’industrie pétrolière à Deir ez-Zor et mettre en danger l’une des principales sources d’activité économique du pays, ainsi que les recettes fiscales et en devises pour tout futur gouvernement syrien.
Les responsables américains cités par la presse de leur pays affirment qu’ils veulent éviter d’endommager ces actifs à un point où ils ne seront plus susceptibles d’être utilisés à l’avenir. Il est cependant difficile à juger du degré de précision des frappes et il est probable que si la destruction des capacités de production de pétrole de l’EI venait à être confirmée, la Syrie perdrait pour longtemps l’une des principales sources de richesse de son économie.
La production pétrolière était concentrée dans deux régions, l’une autour de la ville de Deir ez-Zor, où les compagnies étrangères les plus importantes, telles Shell et Total, opéraient et d’où environ un tiers du pétrole était extrait, et l’autre plus au nord, autour des villes de Hassaké et Qamishli, d’où était extrait le pétrole lourd syrien principalement par la société publique Syrian Petroleum Company et de plus petits opérateurs étrangers.
Au printemps 2013, des groupes armés rebelles divers ainsi que le Front al-Nosra qui est affilié à el-Qaëda se sont emparés d’une partie de la ville de Deir ez-Zor et de ses alentours, y compris de nombreux champs pétrolifères. Pendant plusieurs mois le contrôle de ces champs a été partagé par ces groupes mais aussi par des tribus locales dont les motivations étaient autant, si ce n’est plus, liées à l’appât du gain que représentait le contrôle des champs pétrolifères qu’à la lutte contre le régime syrien.
De manière logique, de nombreux conflits s’en sont suivis créant une lutte entre tous les groupes pour l’accaparement de cette ressource.
Dans la région du Nord-Est, autour de Hassaké et de Qamishli, le transfert s’est effectué de manière plus douce et graduelle entre le régime et les forces kurdes du PYD. C’est maintenant ce dernier qui gère les champs pétrolifères de la région, en coordination plus ou moins étroite avec Damas.
La mainmise de l’État islamique
À la suite d’âpres batailles, l’État islamique a graduellement développé son emprise sur toute la région de Deir ez-Zor, évinçant d’abord son principal rival, le Front al-Nosra, puis les groupes rebelles formellement affiliés à l’Armée syrienne libre (ALS) et enfin les différentes tribus. Depuis la mi-2014, l’EI contrôle tous les champs pétrolifères de la région, de la frontière irakienne jusqu’à la ville de Raqqa.
Depuis lors, les estimations sur les niveaux de production de ces champs contrôlés par l’État islamique varient selon les analystes même si le chiffre de 40 000 barils/jour est repris le plus souvent – en 2010 la région de Deir ez-Zor produisait environ 130 000 barils/jour.
Une étude publiée cet été par un média syrien spécialisé sur la région donne une estimation plus élevée sur la production actuelle, environ 56 000 barils/jour. Cette étude détaillée fournit des chiffres pour chacun des principaux champs pétrolifères. Ainsi, de Omar et des différents champs associés l’EI extrairait environ 19 000 b/j, alors que Tanak et ses champs associés produiraient environ 22 700 b/j. Avant les sanctions internationales imposées à la fin 2011, ces champs étaient gérés par la société anglo-néerlandaise Royal Dutch Shell qui en extrayait près de 100 000 b/j – en 1996, lors de leur pic de production, durant le court boom pétrolier syrien des années 1990, c’était 400 000 b/j qui en sortaient.
En plus des champs pétrolifères, l’EI gère également des champs gaziers et des usines de traitement de gaz dont l’importante centrale DEZGAS, aussi appelée par les Syriens Conoco du nom de l’entreprise américaine qui l’a construite.
Les différentes installations pétrolières de la région continuent d’être gérées par le personnel syrien de la Syrian Petroleum Company et de ses joint-ventures avec les entreprises internationales. Payés pour certains par le gouvernement syrien qui justifie son geste par la nécessité de préserver les installations, ces employés sont souvent originaires de la région.
La commercialisation et la distribution du pétrole
La commercialisation du pétrole de l’EI est source de tous les débats et polémiques, chacun des camps du conflit syrien et de ses parrains régionaux et internationaux accusant les autres parties de tirer bénéfice de leurs liens avec l’organisation takfiriste.
Ce débat a pris plus d’ampleur après que l’armée de l’air turque a abattu un chasseur russe, Moscou accusant la Turquie de tirer bénéfice de ce commerce, ce à quoi Ankara a répondu en accusant un homme d’affaires à la double nationalité syrienne et russe, George Haswani, d’être un intermédiaire entre l’EI et le gouvernement syrien. En décembre, M. Haswani a été placé sur une liste noire américaine pour son rôle présumé d’intermédiaire entre le gouvernement et l’EI – l’Union européenne avait placé M. Haswani sur sa liste noire dès mars 2015.
Sur la base des informations disponibles auprès des sources les plus sérieuses, l’État islamique vend son pétrole à des intermédiaires et des commerçants qui l’achètent directement des champs d’où le pétrole est extrait, le transportent avec des camions-citernes et le revendent sur divers marchés, à l’intérieur des régions tenues par l’EI, c’est-à-dire l’est syrien, en Irak, dans les régions du Nord contrôlées par l’opposition et, moins souvent, dans les régions contrôlées par le régime ainsi qu’en Turquie. À partir du moment où le pétrole est livré à ces commerçants, l’EI ne semble plus impliqué dans la distribution du pétrole.
Il n’est donc pas établi que l’EI a un accord formel avec les autorités syriennes pour la vente de pétrole brut même s’il apparaît peu probable que celles-ci ne connaissent pas l’origine du pétrole qui arrive dans leurs régions à partir de Deir ez-Zor. Le gouvernement turc ne semble pas non plus impliqué directement dans ce commerce.
C’est dans le secteur gazier que la coopération entre les autorités syriennes et l’EI semble plus tangible. Le ministre du Pétrole syrien, Solaiman al-Abbas, n’a ainsi pas hésité à admettre lors d’une conférence de presse que la récente augmentation du rationnement électrique à Damas était due à l’arrêt de la production dans l’usine de gaz de DEZGAS qui est pourtant sous contrôle de l’EI. M. Abbas avait aussi ajouté que l’une des priorités de son ministère était de continuer à assurer la sécurité de l’oléoduc qui transportait du pétrole de la région de Hassaké, sous contrôle du PYD kurde, jusqu’à la raffinerie de Homs. Cet oléoduc traverse des régions entièrement sous contrôle de l’État islamique.
Le prix du baril de brut vendu par l’EI varie sur la base de plusieurs facteurs tels la qualité du brut ou les prix mondiaux. En octobre 2015, le baril se vendait entre 15 et 40 dollars – sur les marchés mondiaux il s’échangeait à environ 50 dollars à la même période.
En termes de revenus, l’EI empocherait environ 1,5 million de dollars par jour de ses ventes de pétrole, soit 45 millions de dollars par mois et 540 millions par an.
Les attaques changent la donne
Depuis la mi-novembre la coalition internationale dirigée par les États-Unis a intensifié ses attaques contre les installations pétrolières contrôlées par l’EI. Jusque-là, les attaques n’avaient visé qu’une faible partie de ces infrastructures afin de ne pas les endommager sur le long terme, mais les Américains disent maintenant que l’objectif est de détruire huit champs pétrolifères en particulier, dont Omar et Tanak, ainsi que deux tiers des raffineries afin d’assécher les finances de l’EI. Par ailleurs des dizaines de camions-citernes ont été visés y compris, plus récemment, par l’aviation russe.
L’une des conséquences de ces attaques va sans aucun doute être une baisse drastique des revenus de l’organisation takfirie. Cependant, elles vont également créer des victimes collatérales : la population et l’économie syriennes.
À court terme, l’approvisionnement de produits pétroliers sur le marché va être perturbé, entraînant une pénurie, une hausse des prix des produits pétroliers et donc du coût des transports, ce qui va tirer l’inflation vers le haut. À long terme, la destruction de ces installations va paralyser l’industrie pétrolière à Deir ez-Zor et mettre en danger l’une des principales sources d’activité économique du pays, ainsi que les recettes fiscales et en devises pour tout futur gouvernement syrien.
Les responsables américains cités par la presse de leur pays affirment qu’ils veulent éviter d’endommager ces actifs à un point où ils ne seront plus susceptibles d’être utilisés à l’avenir. Il est cependant difficile à juger du degré de précision des frappes et il est probable que si la destruction des capacités de production de pétrole de l’EI venait à être confirmée, la Syrie perdrait pour longtemps l’une des principales sources de richesse de son économie.