La deuxième édition de la conférence BDL Accelerate a été l’occasion pour la Banque centrale de promouvoir sa politique de soutien aux start-up, deux ans après l’introduction de la circulaire 331.
Sur le site de BDL Accelerate, les organisateurs n’hésitent pas à qualifier le Liban de « hub international pour les start-up ». « C’est un peu exagéré par rapport à la réalité actuelle du marché », commente l’un des participants. Mais cette communication agressive semble avoir porté ses fruits : l’événement qui s’est tenu les 10 et 11 décembre au Forum de Beyrouth a officiellement attiré 6 000 participants, une centaine d’intervenants et 200 exposants.
Motif de l’enthousiasme : la circulaire 331. Ce mécanisme mis en place par la Banque du Liban en août 2013 encourage les banques libanaises à investir jusqu’à 3 % de leurs fonds propres dans des start-up de l’économie de la connaissance, directement ou à travers des fonds d’investissements. Cela représentait, au moment de la promulgation de la circulaire, une enveloppe théorique de 400 millions de dollars pour développer un secteur qui a longtemps souffert de la rareté des fonds.
« À défaut de pouvoir agir sur d’autres leviers, comme l’infrastructure, l’instabilité, ou les lourdeurs administratives, la Banque centrale a levé à travers la circulaire 331 l’un des principaux obstacles rencontrés par les entrepreneurs technologiques : l’accès au financement », se félicite Marianne Howayek, directrice du bureau exécutif de la BDL et responsable du BDL Accelerate. Pour Paul Chucrallah, qui gère Berytech Fund II, l’information véhiculée par cette circulaire a eu un impact psychologique immédiat. « Avant la 331, un jeune ingénieur n’envisageait même pas de créer son entreprise au Liban, il se tournait naturellement vers l’émigration. Aujourd’hui, il croit à cette possibilité et cela stimule l’innovation », ajoute-t-il.
Les fonds se substituent aux banques
Au niveau financier, en revanche, le changement a été moins radical. Les entrepreneurs n’ont pas vu les portes des banques s’ouvrir à eux, malgré le schéma très incitatif proposé par la BDL. Cette dernière offre aux banques intéressées des crédits à 0 % devant être consacrés à l’achat de bons du Trésor. Les intérêts dégagés sur ces titres permettent de couvrir 75 % du montant investi dans les start-up. Les banques n’encourent donc un risque effectif que sur 25 % de l’investissement, tout en endossant 50 % de la plus-value réalisée au moment de la sortie du capital, à parts égales avec la Banque centrale.
« Malgré un modèle très intéressant, les banques restent réticentes à entrer directement au capital des sociétés, car ce n’est pas leur métier de base », explique Fouad Rahme, le directeur de BLC Invest, l’une des seules banques, avec al-Mawarid, à avoir franchi le pas. « Les start-up sont un monde à part, avec leur propre façon de penser, leur terminologie et leur mode de valorisation. La BLC Bank a développé des compétences dans ce domaine, parce que nous avons un PDG qui croit à ce secteur, poursuit-il. Mais la plupart de nos concurrents n’ont pas jugé opportun de créer un département spécialisé pour des investissements qui ne représentent finalement que 3 % de leur capital. Ils ont préféré passer par des fonds de capital-risque. Du coup, l’offre est passée de 60 banques potentielles à quelques capital-investisseurs. »
Selon Marianne Howayek, six fonds ont été créés jusque-là dans le cadre de la 331. Début décembre, ces entités avaient levé 186 millions de dollars auprès des banques, contre 11,5 millions levés directement par sept start-up. « Avec l’arrivée prévue de nouveaux acteurs, les montants alloués à travers la circulaire vont totaliser 260 à 280 millions de dollars, affirme la responsable. Cette enveloppe sera déboursée sur plusieurs années, car nous ne voulons pas créer une bulle. » La plupart des fonds annoncent en effet des périodes d’investissements de quatre ou cinq ans. « Les sommes injectées jusque-là dans les start-up s’élèvent entre 40 et 50 millions de dollars, mais le rythme d’investissement devrait s’accélérer dans les mois à venir », ajoute-t-elle.
Des opportunités d’investissement limitées
Encore faut-il trouver des débouchés. « La 331 a permis aux fonds de lever de l’argent beaucoup plus facilement, mais en aval, les opportunités d’investissement au Liban restent relativement limitées », tempère Walid Hanna, associé gérant de MEVP, dont relève Impact, le premier fonds autorisé dans le cadre de la 331.
Les liquidités abondantes sur le marché libanais attirent de plus en plus d’acteurs, dont certains étrangers comme par exemple l’hispano-koweïtien Cedar Mundi. « La circulaire encourage la création de nouveaux fonds qui se placent le plus souvent sur le même créneau, à savoir l’émission de séries A et B, correspondant aux deux premières augmentations de capital. Le risque est d’assister à une surenchère », prévient-il. Selon lui, les start-up prometteuses sont tellement convoitées qu’elles sont parfois surpayées. « Cela les sert à court terme, mais les pénalise à plus long terme en retardant les sorties. »
Les débouchés sont d’autant plus restreints que les entreprises ne sont pas toutes prêtes à se plier aux exigences juridiques de la circulaire 331, notamment celle d’être incorporées en tant que société anonyme libanaise. « L’objectif de la BDL est de soutenir l’économie et l’emploi au Liban, explique Marianne Howayek. Nous sommes donc très vigilants sur les montages juridiques afin d’éviter toute évasion fiscale. » Un objectif louable, mais perçu parfois comme un frein par les sociétés qui cherchent à attirer aussi des investisseurs étrangers. L’une des plus grandes success-story libanaises, la plate-forme de musique en ligne Anghami est par exemple enregistrée aux îles Caïmans. Elle n’a pas bénéficié de la 331, mais elle compte parmi ses partenaires, aux côtés de MEVP, la première chaîne du monde arabe MBC et l’opérateur saoudien Mobily. « En règle générale, à un certain stade de leur évolution, les start-up ont tout intérêt, pour les émissions de titres de séries B et C, à lever des fonds “intelligents”, c’est-à-dire associés à un réseau et à des synergies potentielles. Et cela ne se trouve qu’auprès de grands groupes régionaux », souligne Walid Hanna. « Pour permettre aux entrepreneurs libanais de démarrer, puis d’atteindre ce niveau, la BDL devrait canaliser l’argent vers le capital d’amorçage et les séries A, ainsi que les incubateurs et les accélérateurs qui sont à la base du développement de l’écosystème. Il faut donner le temps et les moyens aux start-up libanaises de grandir », plaide-t-il.
Un argument auquel est sensible la Banque centrale. Selon Marianne Howayek, la BDL a récemment autorisé deux fonds spécialisés dans le capital d’amorçage, tandis que 7,2 millions de dollars ont été placés dans des incubateurs, accélérateurs, boot camps, etc. La circulaire régissant l’investissement dans ces institutions, qui est garanti par la BDL à 100 %, a été récemment amendée pour leur permettre d’acquérir jusqu’à 5 % du capital des start-up qu’elles hébergent, à condition de partager ensuite leurs bénéfices avec la BDL. « Nous sommes en train de construire tout un écosystème et cela prend du temps, reconnaît Marianne Howayek. On ne sera peut-être pas la prochaine Sillicon Valley, mais je suis certaine qu’on pourra concurrencer des places émergentes comme l’Espagne, la Turquie ou l’Iran », conclut-elle.
Motif de l’enthousiasme : la circulaire 331. Ce mécanisme mis en place par la Banque du Liban en août 2013 encourage les banques libanaises à investir jusqu’à 3 % de leurs fonds propres dans des start-up de l’économie de la connaissance, directement ou à travers des fonds d’investissements. Cela représentait, au moment de la promulgation de la circulaire, une enveloppe théorique de 400 millions de dollars pour développer un secteur qui a longtemps souffert de la rareté des fonds.
« À défaut de pouvoir agir sur d’autres leviers, comme l’infrastructure, l’instabilité, ou les lourdeurs administratives, la Banque centrale a levé à travers la circulaire 331 l’un des principaux obstacles rencontrés par les entrepreneurs technologiques : l’accès au financement », se félicite Marianne Howayek, directrice du bureau exécutif de la BDL et responsable du BDL Accelerate. Pour Paul Chucrallah, qui gère Berytech Fund II, l’information véhiculée par cette circulaire a eu un impact psychologique immédiat. « Avant la 331, un jeune ingénieur n’envisageait même pas de créer son entreprise au Liban, il se tournait naturellement vers l’émigration. Aujourd’hui, il croit à cette possibilité et cela stimule l’innovation », ajoute-t-il.
Les fonds se substituent aux banques
Au niveau financier, en revanche, le changement a été moins radical. Les entrepreneurs n’ont pas vu les portes des banques s’ouvrir à eux, malgré le schéma très incitatif proposé par la BDL. Cette dernière offre aux banques intéressées des crédits à 0 % devant être consacrés à l’achat de bons du Trésor. Les intérêts dégagés sur ces titres permettent de couvrir 75 % du montant investi dans les start-up. Les banques n’encourent donc un risque effectif que sur 25 % de l’investissement, tout en endossant 50 % de la plus-value réalisée au moment de la sortie du capital, à parts égales avec la Banque centrale.
« Malgré un modèle très intéressant, les banques restent réticentes à entrer directement au capital des sociétés, car ce n’est pas leur métier de base », explique Fouad Rahme, le directeur de BLC Invest, l’une des seules banques, avec al-Mawarid, à avoir franchi le pas. « Les start-up sont un monde à part, avec leur propre façon de penser, leur terminologie et leur mode de valorisation. La BLC Bank a développé des compétences dans ce domaine, parce que nous avons un PDG qui croit à ce secteur, poursuit-il. Mais la plupart de nos concurrents n’ont pas jugé opportun de créer un département spécialisé pour des investissements qui ne représentent finalement que 3 % de leur capital. Ils ont préféré passer par des fonds de capital-risque. Du coup, l’offre est passée de 60 banques potentielles à quelques capital-investisseurs. »
Selon Marianne Howayek, six fonds ont été créés jusque-là dans le cadre de la 331. Début décembre, ces entités avaient levé 186 millions de dollars auprès des banques, contre 11,5 millions levés directement par sept start-up. « Avec l’arrivée prévue de nouveaux acteurs, les montants alloués à travers la circulaire vont totaliser 260 à 280 millions de dollars, affirme la responsable. Cette enveloppe sera déboursée sur plusieurs années, car nous ne voulons pas créer une bulle. » La plupart des fonds annoncent en effet des périodes d’investissements de quatre ou cinq ans. « Les sommes injectées jusque-là dans les start-up s’élèvent entre 40 et 50 millions de dollars, mais le rythme d’investissement devrait s’accélérer dans les mois à venir », ajoute-t-elle.
Des opportunités d’investissement limitées
Encore faut-il trouver des débouchés. « La 331 a permis aux fonds de lever de l’argent beaucoup plus facilement, mais en aval, les opportunités d’investissement au Liban restent relativement limitées », tempère Walid Hanna, associé gérant de MEVP, dont relève Impact, le premier fonds autorisé dans le cadre de la 331.
Les liquidités abondantes sur le marché libanais attirent de plus en plus d’acteurs, dont certains étrangers comme par exemple l’hispano-koweïtien Cedar Mundi. « La circulaire encourage la création de nouveaux fonds qui se placent le plus souvent sur le même créneau, à savoir l’émission de séries A et B, correspondant aux deux premières augmentations de capital. Le risque est d’assister à une surenchère », prévient-il. Selon lui, les start-up prometteuses sont tellement convoitées qu’elles sont parfois surpayées. « Cela les sert à court terme, mais les pénalise à plus long terme en retardant les sorties. »
Les débouchés sont d’autant plus restreints que les entreprises ne sont pas toutes prêtes à se plier aux exigences juridiques de la circulaire 331, notamment celle d’être incorporées en tant que société anonyme libanaise. « L’objectif de la BDL est de soutenir l’économie et l’emploi au Liban, explique Marianne Howayek. Nous sommes donc très vigilants sur les montages juridiques afin d’éviter toute évasion fiscale. » Un objectif louable, mais perçu parfois comme un frein par les sociétés qui cherchent à attirer aussi des investisseurs étrangers. L’une des plus grandes success-story libanaises, la plate-forme de musique en ligne Anghami est par exemple enregistrée aux îles Caïmans. Elle n’a pas bénéficié de la 331, mais elle compte parmi ses partenaires, aux côtés de MEVP, la première chaîne du monde arabe MBC et l’opérateur saoudien Mobily. « En règle générale, à un certain stade de leur évolution, les start-up ont tout intérêt, pour les émissions de titres de séries B et C, à lever des fonds “intelligents”, c’est-à-dire associés à un réseau et à des synergies potentielles. Et cela ne se trouve qu’auprès de grands groupes régionaux », souligne Walid Hanna. « Pour permettre aux entrepreneurs libanais de démarrer, puis d’atteindre ce niveau, la BDL devrait canaliser l’argent vers le capital d’amorçage et les séries A, ainsi que les incubateurs et les accélérateurs qui sont à la base du développement de l’écosystème. Il faut donner le temps et les moyens aux start-up libanaises de grandir », plaide-t-il.
Un argument auquel est sensible la Banque centrale. Selon Marianne Howayek, la BDL a récemment autorisé deux fonds spécialisés dans le capital d’amorçage, tandis que 7,2 millions de dollars ont été placés dans des incubateurs, accélérateurs, boot camps, etc. La circulaire régissant l’investissement dans ces institutions, qui est garanti par la BDL à 100 %, a été récemment amendée pour leur permettre d’acquérir jusqu’à 5 % du capital des start-up qu’elles hébergent, à condition de partager ensuite leurs bénéfices avec la BDL. « Nous sommes en train de construire tout un écosystème et cela prend du temps, reconnaît Marianne Howayek. On ne sera peut-être pas la prochaine Sillicon Valley, mais je suis certaine qu’on pourra concurrencer des places émergentes comme l’Espagne, la Turquie ou l’Iran », conclut-elle.
Les prix du BDL Accelerate - ReAble, la start-up naissante. Avec son application financière spécialement conçue pour les autistes, ReAble a remporté 10 000 dollars, soit le premier prix de la compétition organisée dans le cadre du BDL Accelerate et destinée aux start-up naissantes (“early stage”). Le cofondateur Émile Sawaya, dont le frère est autiste, a dit cibler avec son projet 35 millions d’autistes dans le monde. - Medsuite, la meilleure idée. Le concours des start-up au stade de l’idée (“idea stage”), doté d’un premier prix de 5 000 dollars, a été remporté par Medsuite, une application qui permet de géolocaliser les médecins et les centres de soins les plus proches, et de transmettre ses coordonnées GPS à la Croix-Rouge ou aux hôpitaux en cas d’urgence. Berytech investit dans 12 start-up Lancé en février dernier et doté de 51,5 millions de dollars, Berytech Fund II a annoncé ses premiers investissements dans 12 start-up pour un total de 20 millions de dollars. Les bénéficiaires : Instabeat, appareil de mesure des performances de natation (4 millions de dollars). Loop, partage de scooters électriques (2,5 millions). CCC, communications IP (2 millions). Mobinets, maintenance opérationnelle de réseaux télécoms (2 millions). et3arraf, site de rencontre en ligne (2 millions). Cinemoz, vidéo à la demande (2 millions en partenariat avec BLC). Ounousa, média en ligne destiné aux femmes (2 millions). Scriptr.io, service de cloud pour les objets connectés (1,5 million). Slighter, briquet d’accompagnement au sevrage tabagique (900 000). Atbaki, recettes en langue arabe (600 000). Appdater, information en continu (500 000). Yalla Play, jeux sur Internet (300 000). Impact a investi 5 millions de dollars Le fonds Impact, lancé en 2014 par MEVP et doté d'un capital de 70 millions de dollars, a confirmé avoir réalisé cinq nouveaux investissements depuis avril pour un total de 5 millions de dollars. Les sociétés concernées : Scriptr.io, (2 millions). Implify, gestion de données pour les banques (1,5 million). Fadel Partners, gestion de propriété intellectuelle (1 million). Vbout, plate-forme marketing (500 000). Meacor, technologie cardiaque (montant non communiqué). |