Quand il s’agit d’art, la présence de maîtres céramistes – en clair des potiers – n’est en général guère mise en avant. La vox populi n’y voyant finalement que de “jolis ustensiles”, à la limite des accessoires de cuisine ou d’ornementation. Pourtant, des maîtres céramistes ont fini par s’imposer comme le Japonais Kaneko, connu pour ses bleus laiteux ou marines, voire turquoises. Au Liban, l’on commence aussi à voir valider le travail de certains potiers, en l’occurrence même de potières : Simone Fattal (1942) a ainsi fait l’objet l’an passé d’une très belle exposition solo à la Galerie Tanit (Mar Mikhaël). Aujourd’hui, c’est au tour d’une autre grande figure de la céramique libanaise de se trouver sous les feux de la rampe : 38 œuvres de Dorothy Salhab-Kazimi (1942-1990), une artiste passée par l’école danoise (elle a été l’élève de Gutte Eriksen) puis anglaise (elle fut aussi la disciple du très grand Bernard Leach), sont exposées à la Galerie Alice Mogabgab (Sassine). « Elle fut une artiste authentique et raffinée au goût très sûr », lit-on dans le livre que les éditions Antoine lui consacrent. Jusqu’à 26 février, la galerie Mogabgab présente pots, tasses et autres pichets, issus de la collection de Sami Karkabi que la galerie a rachetée. « Pour l’heure, je ne vends pas ces pièces », précise d’ailleurs la galeriste qui souhaitait d’abord « rendre hommage » à l’artiste oubliée. « Aucune exposition de son travail n’avait eu lieu depuis 1991. » Dans son quotidien, l’artiste utilisait des argiles locales qu’elle façonnait manuellement au tour. « L’argile, disait-elle, est une chose très vivante. J’essaie d’être honnête avec ce matériau, de l’étirer et d’explorer son potentiel sans le compromettre. Il y a une énergie et un mouvement extraordinaires ; ça vous prend dans le ventre. » Pour qui aime la glaise, l’œuvre de Dorothy Salhab-Kazimi est sans conteste une vraie découverte.
Galerie Alice Mogabgab, 03/210424, jusqu’au 26 février.