En 2012, le photographe Ziad Antar (1978) nous régalait de paysages évanescents comme flottant dans les limbes de ce monde. Il s’agissait d’“Expired” : une série de photographies, réalisées à partir de négatifs périmés, datant de la guerre “civile”, que le jeune photographe avait retrouvés à Saïda, sa ville natale.
L’alchimie dégradée de ces films donnait d’étranges résultats une fois les clichés tirés : tachetés ou striés, ils avaient la fragilité des choses revenues d’entre les morts. « J’aime l’imperfection », confiait-il en 2012 au quotidien The National. Il faut croire qu’il continue à vouer au flou un amour immodéré. Car sa nouvelle exposition, “After Images”, qui se tient jusqu’au 15 mars, va aux limites de l’exercice. Nul ne sait très bien ce que ces images aux contours à peine esquissés, mais à la lumière omniprésente, représentent. Pas même peut-être Ziad Antar, qui réfléchit pourtant à ce travail depuis 2010 lorsqu’il lut pour la première fois “La Bible vient d’Arabie” de l’historien Kamal Salibi, un essai qui situe l’origine de l’ancien testament dans la région d’Asir en Arabie saoudite. À travers ces photos, Ziad Antar cherche lui aussi à retrouver des traces passées. Ici, les “premiers pas” d’un monde – notre civilisation – née “quelque part” dans la région. «“After Images” n’est pas un projet documentaire visant à corroborer ou saborder la thèse de Kamal Salibi. Au contraire, ce travail tente de comprendre la nature du mythe : est-il un possible récit historique ? » écrit le photographe dans le communiqué de presse. En tous les cas, c’est un récit « impossible à documenter »… à moins de se contenter comme ici de sensations visuelles limitées. Comme dans “Expired”, il est question de désintégration. Mais il y a quelque chose de plus apaisé dans cette série. Mis en scène par Hans Ulrich Obrist, codirecteur de la fameuse Serpentine Gallery de Londres, l’exposition s’appuie également sur des textes du poète saoudien Yahya Amqassim.
Beirut Exhibition Center, Beirut Waterfront, du 1er au 15 mars 2016.