Le plus vieux vignoble du Nouveau Monde parie sur l’œnotourisme. Visite et dégustation guidées.

Une fin d’après-midi sur la terrasse du domaine de Thelema, dans la région viticole de Stellenbosch, la “capitale” des vins d’Afrique du Sud, à siroter l’assemblage viognier roussane 2013 alors qu’on admire les couleurs d’un ciel crépusculaire… Voilà pourquoi on part visiter les vignobles d’Afrique du Sud, voilà aussi pourquoi on rêve d’y rester.
À Thelema, on peut parler d’un “vignoble manucuré” tant un soin scrupuleux a été apporté aux détails. Thomas Weeb fait les honneurs de cette propriété d’une cinquantaine d’hectares, fondée par son père en 1983. « On est ici sur un vignoble de montagne entre 350 et 650 mètres d’altitude », assure-t-il. Malgré une bonne pluviométrie (autour de 450 à 600 mm), liée au climat continental de la région, la propriété irrigue au goutte-à-goutte. « Nous avons étudié les besoins de nos vignes et y répondons de façon à créer les meilleures conditions pour le meilleur vin. » Thelema, comme les autres propriétés, profite des recherches de l’Université de Stellenbosch, dédiée à la vigne. C’est là qu’a d’ailleurs été créé le cépage pinotage, croisement de pinot et de cinsault, aujourd’hui emblématique de la production d’Afrique du Sud.
Le pays de Nelson Mandela a su faire de son vignoble un argument touristique : l’industrie accueille les visiteurs du monde entier. Pour un droit d’entrée modeste (7 à 10 dollars en moyenne par propriété), chacun peut s’installer plusieurs heures dans les caveaux de dégustation.
Créé au XVIIe siècle par les colons européens – en particulier des huguenots ayant fui la France après la révocation de l’édit de Nantes –, ce vignoble est devenu le septième du monde. À l’époque de l’apartheid (l’industrie vinicole demeure cependant toujours le fait de propriétaires blancs), il est resté coupé du monde, les vignerons fabriquant souvent des vins et des brandys, assez grossiers.
Pour mener leur révolution post-apartheid, la plupart ont parié sur l’œnotourisme et le tandem “vin et gastronomie”.
Un pari gagnant aujourd’hui : 60 à 70 % de la production s’écoule sur le marché local. Parmi les dégustations les plus originales, celle proposée par le domaine de Lanzerac, dans la région de Stellenbosch : très touristique, il propose une dégustation “chocolats-vins”. On garde encore vivace le souvenir de son Pinotage associé à son Lanzerac Chocolate Dipped Cherry ou de son Cabernet-Sauvignon accompagné Milk Cape Malay Chocolate, épicé à la noix de muscade !
Cette révolution œnotouristique, on la voit également à l’œuvre dans la région de Franschhoek, là où les Français se regroupèrent au moment de leur installation. Ce n’est d’ailleurs pas le seul héritage français : l’Afrique du Sud a aussi gardé un goût prononcé pour ses cépages comme le sémillon, ou le sauvignon, des blancs qui figurent parmi ses grandes réussites.
Dans cette région, Rupert Wines vous plonge dans le siècle dernier tant son “manoir” de style renaissance hollandaise évoque les splendeurs passées. Boschendal, une propriété vieille de plus de 300 ans de quelque 2 000 hectares, vaut également le détour !
Ce voyage ne serait pas complet sans une virée du côté des fermes ancestrales de Constantia, dans la région du Cap, qui offre un joli prétexte à des marches dans des paysages sauvages.
Parmi les visites marquantes, le domaine de Buitenverwachting, un nom quasi imprononçable, qui signifie “au-delà de vos attentes”. « Ce qui nous distingue peut-être ? Une forme d’attachement à la terre, une fidélité sans bornes aux projets de l’entreprise », explique Hermann Kirschbaum, la soixantaine, entré jeune dans l’équipe, aujourd’hui œnologue en chef. Chez eux, il faut essayer le sauvignon blanc, ainsi que le mousseux, méthode “Cap classique” (méthode champenoise en fait), fabriqué à moins de 10 000 bouteilles. On ne repartira pas non plus de Constantia sans un arrêt à Steenberg, l’un de nos coups de cœur dont les vins sont superbes, en particulier les blancs.
Enfin, pour un dernier adieu à ces paysages grandioses, on conseille un tour à Klein Constantia, une propriété de 145 hectares, dont la vigne plonge dans la péninsule du Cap. Un verre de son fameux liquoreux à la main, on comprend alors mieux pourquoi les Afrikanders se sont tellement acharnés à vouloir rester ici !
Carnet de route

Rouge

Thelema, Merlot Reserve 2013
On devine à peine les 20 mois d’élevage en bois. Fin et élégant, le nez laisse percevoir des fruits mûrs, des odeurs de feuilles de tabac, bois de cèdres. En bouche, rien ne dépasse : tannins ronds, finale bien lisse. Un manteau de velours et de douceur. À conserver 10 à 15 ans.
www.thelema.co.za

Groot Constantia, Pinotage 2014
Fruits mûrs de cerises noires et de pruneaux en abondance avec des nuances de vanille et des notes lactées. Frais et charnu en bouche, il est harmonieux et équilibré. Typique du cépage et de la région.
www.grootconstantia.co.za

Vergelegen, DNA (Réserve) 2012
Derrière ce DNA, se cache les initiales du directeur et de l’œnologue. Après 16 mois en barriques, cet assemblage de cabernet franc, de merlot et de cabernet-sauvignon joue sur des harmonies d’épices, de tabac, de fruits secs et pains d’épices… On pourrait se croire chez quelque vendeur d’épices en Inde. Tannins fondus, vin charnu et puissant.
www.vergelegen.co.za

Blanc

Steenberg, Sémillon 2014
Un vin sans artifice ni maquillage, d’une grande pureté. Un côté iodé qui se mélange à des notes de verveines et de mélisse. La minéralité perdure en bouche pour se terminer sur une finale tendue et citronnée d’une bonne longueur beurrée.
www.steenbergfarm.com

Klein Constantia, Vin de Constance 2011
Élaboré à partir de muscat à petits grains, ce liquoreux développe des notes de pains d’épices, de pâte d’amande et d’écorce d’orange. La bouche est généreuse, suave, l’élevage en barriques est à peine décelable.
Grande élégance.
www.kleinconstantia.com

Delaire Graff, Chenin Blanc 2014
Élevé en barriques dix mois, ce chenin blanc est une jolie délicatesse. Un nez de fruits exotiques que réveillent des notes d’amande et de pain grillé. Harmonieux en bouche, il vous quitte sur une finale mielleuse et minérale.
La force de la douceur, dit-on.
www.delaire.co.za