Cofondateur et CEO de Sindicatum Sustainable Resources, Assaad Razzouk a fait des énergies renouvelables son fonds de commerce et son cheval de bataille. Ses positions sur l’environnement et le réchauffement climatique lui ont valu d’être classé parmi les 20 chefs d’entreprise les plus influents au monde sur Twitter. Parcours d’un ancien banquier d’affaires converti au vert.
Dans le top 20 des CEO les plus influents sur le réseau Twitter, le Libano-Britannique Assaad Razzouk côtoie le PDG d’Apple, Tim Cook, le milliardaire Bill Gates, le fondateur de Tesla Motors, Elon Musk, Rupert Murdoch ou encore le candidat à la présidentielle américaine Donald Trump. À la 17e place, avec plus de 111 000 followers et 7 600 tweets depuis 2011, il s’offre même le luxe d’être devant la PDG de Yahoo!, Marissa Mayer (19e). Ce classement a été établi à partir d’un indice d’influence – basé sur la quantité et la qualité des tweets effectués entre janvier et août 2015 – réalisé par une équipe de Twitter encadrée par un professeur de l’Insead, David Dubois. Ce dernier en a conclu que « les dirigeants qui attirent le plus l’attention sur eux-mêmes ou sur leurs marques dans les médias sociaux sont ceux qui partagent leurs causes, expriment leurs espoirs et leurs ambitions, et interagissent avec leurs followers ». Ses convictions, Assaad Razzouk n’hésite pas à les partager, et pas seulement en 140 caractères. Cet ancien banquier d’affaires de 52 ans s’exprime régulièrement sur les dangers du réchauffement climatique et dénonce la responsabilité de l’industrie des énergies fossiles à travers son compte Twitter, mais aussi dans des tribunes publiées par le Middle East Institute, The Independent, The Huffington Post, The Ecologist, Corporate Knights, Eco-Business et autres. Il préside également l’Association pour l’investissement durable et responsable en Asie (ASrIA).
En tant que PDG de Sindicatum Sustainable Resources, une société basée à Singapour qui finance, développe et gère des projets d’énergies renouvelables en Asie, Assaad Razzouk prêche pour sa paroisse. Il assure toutefois que son engagement va au-delà de ses intérêts. « Au départ, je me suis lancé dans ce domaine pour des motivations financières, reconnaît-il. Mais aujourd’hui je suis animé par la volonté d’agir, à mon échelle, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et les dégâts sur la planète. Lorsqu’on travaille dans les pays émergents d’Asie, on ne peut pas rester indifférent aux conséquences de la pollution, que ce soit sur la santé humaine ou sur l’environnement. Ce qui a commencé comme une opportunité d’affaires a fini par devenir une passion », ajoute-t-il. Une passion qu’il a découverte sur le tard, après une carrière dans la finance entamée aux États-Unis, où il débarque de son Liban natal à l’âge de 20 ans.
De la finance aux énergies propres
Après des études à l’université de Syracuse suivies d’un MBA à Columbia, Assaad Razzouk débute au sein du cabinet PwC à New York, puis déménage à Londres en 1993, pour rejoindre le groupe financier japonais Nomura. Il y occupera successivement les fonctions de directeur pour le Moyen-Orient, directeur des services financiers et la technologie, et chef adjoint de la division de la finance d’entreprise (Global Corporate Finance) jusqu’en 2002. « Ce métier m’a exposé à des pays et des secteurs d’activité très variés, raconte-t-il. J’ai découvert l’économie verte au début des années 2000 dans le cadre d’une mission avec une maison de courtage japonaise spécialisée dans les crédits de carbone. »
Cet outil financier est l’un des mécanismes prévu par le protocole de Kyoto pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en favorisant les investissements dans des technologies moins polluantes. En se fixant des quotas d’émissions, les pays leur ont donné une valeur. « L’idée était de donner un prix aux externalités négatives des industries polluantes », explique Assaad Razzouk. Le crédit carbone ou “droit à polluer” – qui correspond à une tonne de CO2 non émise – peut être échangé sur des marchés réglementés, ou sur des marchés non encadrés, appelés “marchés volontaires” fonctionnant sur le principe d’une vente directe entre acheteur et vendeur.
En 2005, la première année de négociation, le marché du carbone est évalué par la Banque mondiale à 11 milliards de dollars. Un an plus tard, il atteint 30 milliards de dollars, puis 64 milliards en 2007.
Flairant l’opportunité, Assaad Razzouk réunit des investisseurs, dont 80 % d’acteurs institutionnels européens et américains, et fonde Sindicatum Carbon Capital, une société basée à Londres qui vise à développer des projets d’énergie propre pour générer notamment des crédits de carbone. L’entreprise se tourne naturellement vers les pays émergents d’Asie où les besoins sont importants et le niveau d’émissions très élevé. Son premier projet est une usine de transformation des déchets en énergie en Thaïlande, qui traite 6 000 tonnes de déchets par jour. L’installation récupère le biogaz dégagé par la plus grande décharge du pays (composé essentiellement de méthane, un gaz à effet de serre) pour produire de l’électricité d’une part et des crédits de carbone de l’autre. Le même principe est ensuite appliqué en Chine, dans la province de Shanxi, où le méthane est capté à partir des mines de charbon.
Le marché du carbone, un “désastre”
Si la demande d’énergie propre se développe, le marché du carbone en revanche ne tient pas ses promesses. Les quotas d’émissions n’étaient déjà pas très restrictifs au départ. Après la crise financière de 2008 et le ralentissement de l’économie mondiale, l’offre devient encore plus abondante et les prix s’effondrent, passant de 20 dollars la tonne en moyenne en 2008 à 5 dollars en 2012. « Le marché du carbone a été un vrai désastre, commente Assaad Razzouk. Nous avons été rapidement désillusionnés. Faute de régulations suffisantes, il a permis à certaines entreprises de s’enrichir, sans réussir à induire un changement de comportement chez les principaux pollueurs. Pour inciter les industriels à réduire leurs émissions, le prix de la tonne devrait être de plus de 40 dollars, alors qu’il se situe entre 0 et 10 dollars aujourd’hui selon les marchés. À l’exception de quelques marchés comme celui de la Californie, et on espère celui du futur marché chinois, la volonté politique a clairement manqué. Heureusement, Sindicatum avait dès le départ misé sur un modèle de revenu mixte. »
Les crédits carbone ne génèrent plus aujourd’hui que 10 % des revenus du groupe, le reste provenant de la production d’électricité, qui entre-temps a explosé. Sentant sans doute le vent tourner, Sindicatum a très vite étendu ses activités à d’autres énergies renouvelables (biomasse, solaire, bagasse...), se développant à travers ses filiales dans l’ensemble de la région d’Asie du Sud et du Sud-Est : en Malaisie, en Indonésie, en Inde, aux Philippines… Pour se rapprocher de ses clients, elle déménage son siège à Singapour en 2009. Deux ans plus tard, Sindicatum Carbon Capital devient Sindicatum Sustainable Resources, un nom « qui décrit mieux ce que nous faisons », dit l’entreprise dans un communiqué de presse publié à l’époque.
La demande asiatique
« Il y a une très forte demande aujourd’hui en Asie pour les énergies renouvelables, notamment en Chine, où les gens meurent de la pollution, affirme Assaad Razzouk. Ce secteur est économiquement rentable, si l’on prend en compte les externalités négatives des énergies fossiles, insiste-t-il. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les énergies fossiles sont subventionnées à hauteur de 5 000 milliards de dollars par an, dont 600 milliards de subventions directes, le reste étant les coûts estimés sur la santé et l’environnement. Les énergies renouvelables, elles, ne bénéficient que de 150 milliards de dollars de subventions par an. C’est une distorsion scandaleuse, d’où l’importance de sensibiliser l’opinion publique. »
Sindicatum Sustainable Resources a levé à ce jour 300 millions de dollars de capitaux et 200 millions de dettes pour financer une vingtaine de projets, directement ou à travers des acquisitions. Fin 2014, Sindicatum détenait un portefeuille d’actifs dans les énergies propres de 208 mégawatts (MW), avec 400 MW en développement. La société ne publie pas ses résultats annuels, mais selon son fondateur elle compte près de 300 employés dans sept pays et génère environ 50 millions de dollars par an de chiffre d’affaires. « Nos comptes seront publics bientôt, lorsque nous serons cotés en Bourse », déclare son PDG. En juin 2015, Sindicatum Sustainable Resources a fait une demande de cotation auprès de la Bourse de New York d’un véhicule “yieldco”, qui signifie littéralement “société de rendement”. Ce type de structure est prisé par les investisseurs, car il assure des dividendes stables et élevés à ses actionnaires. Il est souvent utilisé par les producteurs d’énergies renouvelables dont les revenus dépendent largement de contrats à long terme passés avec des collectivités locales ou des compagnies d’électricité. L’introduction aura lieu « dès que les conditions du marché le permettront », assure Assaad Razzouk.
En tant que PDG de Sindicatum Sustainable Resources, une société basée à Singapour qui finance, développe et gère des projets d’énergies renouvelables en Asie, Assaad Razzouk prêche pour sa paroisse. Il assure toutefois que son engagement va au-delà de ses intérêts. « Au départ, je me suis lancé dans ce domaine pour des motivations financières, reconnaît-il. Mais aujourd’hui je suis animé par la volonté d’agir, à mon échelle, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et les dégâts sur la planète. Lorsqu’on travaille dans les pays émergents d’Asie, on ne peut pas rester indifférent aux conséquences de la pollution, que ce soit sur la santé humaine ou sur l’environnement. Ce qui a commencé comme une opportunité d’affaires a fini par devenir une passion », ajoute-t-il. Une passion qu’il a découverte sur le tard, après une carrière dans la finance entamée aux États-Unis, où il débarque de son Liban natal à l’âge de 20 ans.
De la finance aux énergies propres
Après des études à l’université de Syracuse suivies d’un MBA à Columbia, Assaad Razzouk débute au sein du cabinet PwC à New York, puis déménage à Londres en 1993, pour rejoindre le groupe financier japonais Nomura. Il y occupera successivement les fonctions de directeur pour le Moyen-Orient, directeur des services financiers et la technologie, et chef adjoint de la division de la finance d’entreprise (Global Corporate Finance) jusqu’en 2002. « Ce métier m’a exposé à des pays et des secteurs d’activité très variés, raconte-t-il. J’ai découvert l’économie verte au début des années 2000 dans le cadre d’une mission avec une maison de courtage japonaise spécialisée dans les crédits de carbone. »
Cet outil financier est l’un des mécanismes prévu par le protocole de Kyoto pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en favorisant les investissements dans des technologies moins polluantes. En se fixant des quotas d’émissions, les pays leur ont donné une valeur. « L’idée était de donner un prix aux externalités négatives des industries polluantes », explique Assaad Razzouk. Le crédit carbone ou “droit à polluer” – qui correspond à une tonne de CO2 non émise – peut être échangé sur des marchés réglementés, ou sur des marchés non encadrés, appelés “marchés volontaires” fonctionnant sur le principe d’une vente directe entre acheteur et vendeur.
En 2005, la première année de négociation, le marché du carbone est évalué par la Banque mondiale à 11 milliards de dollars. Un an plus tard, il atteint 30 milliards de dollars, puis 64 milliards en 2007.
Flairant l’opportunité, Assaad Razzouk réunit des investisseurs, dont 80 % d’acteurs institutionnels européens et américains, et fonde Sindicatum Carbon Capital, une société basée à Londres qui vise à développer des projets d’énergie propre pour générer notamment des crédits de carbone. L’entreprise se tourne naturellement vers les pays émergents d’Asie où les besoins sont importants et le niveau d’émissions très élevé. Son premier projet est une usine de transformation des déchets en énergie en Thaïlande, qui traite 6 000 tonnes de déchets par jour. L’installation récupère le biogaz dégagé par la plus grande décharge du pays (composé essentiellement de méthane, un gaz à effet de serre) pour produire de l’électricité d’une part et des crédits de carbone de l’autre. Le même principe est ensuite appliqué en Chine, dans la province de Shanxi, où le méthane est capté à partir des mines de charbon.
Le marché du carbone, un “désastre”
Si la demande d’énergie propre se développe, le marché du carbone en revanche ne tient pas ses promesses. Les quotas d’émissions n’étaient déjà pas très restrictifs au départ. Après la crise financière de 2008 et le ralentissement de l’économie mondiale, l’offre devient encore plus abondante et les prix s’effondrent, passant de 20 dollars la tonne en moyenne en 2008 à 5 dollars en 2012. « Le marché du carbone a été un vrai désastre, commente Assaad Razzouk. Nous avons été rapidement désillusionnés. Faute de régulations suffisantes, il a permis à certaines entreprises de s’enrichir, sans réussir à induire un changement de comportement chez les principaux pollueurs. Pour inciter les industriels à réduire leurs émissions, le prix de la tonne devrait être de plus de 40 dollars, alors qu’il se situe entre 0 et 10 dollars aujourd’hui selon les marchés. À l’exception de quelques marchés comme celui de la Californie, et on espère celui du futur marché chinois, la volonté politique a clairement manqué. Heureusement, Sindicatum avait dès le départ misé sur un modèle de revenu mixte. »
Les crédits carbone ne génèrent plus aujourd’hui que 10 % des revenus du groupe, le reste provenant de la production d’électricité, qui entre-temps a explosé. Sentant sans doute le vent tourner, Sindicatum a très vite étendu ses activités à d’autres énergies renouvelables (biomasse, solaire, bagasse...), se développant à travers ses filiales dans l’ensemble de la région d’Asie du Sud et du Sud-Est : en Malaisie, en Indonésie, en Inde, aux Philippines… Pour se rapprocher de ses clients, elle déménage son siège à Singapour en 2009. Deux ans plus tard, Sindicatum Carbon Capital devient Sindicatum Sustainable Resources, un nom « qui décrit mieux ce que nous faisons », dit l’entreprise dans un communiqué de presse publié à l’époque.
La demande asiatique
« Il y a une très forte demande aujourd’hui en Asie pour les énergies renouvelables, notamment en Chine, où les gens meurent de la pollution, affirme Assaad Razzouk. Ce secteur est économiquement rentable, si l’on prend en compte les externalités négatives des énergies fossiles, insiste-t-il. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les énergies fossiles sont subventionnées à hauteur de 5 000 milliards de dollars par an, dont 600 milliards de subventions directes, le reste étant les coûts estimés sur la santé et l’environnement. Les énergies renouvelables, elles, ne bénéficient que de 150 milliards de dollars de subventions par an. C’est une distorsion scandaleuse, d’où l’importance de sensibiliser l’opinion publique. »
Sindicatum Sustainable Resources a levé à ce jour 300 millions de dollars de capitaux et 200 millions de dettes pour financer une vingtaine de projets, directement ou à travers des acquisitions. Fin 2014, Sindicatum détenait un portefeuille d’actifs dans les énergies propres de 208 mégawatts (MW), avec 400 MW en développement. La société ne publie pas ses résultats annuels, mais selon son fondateur elle compte près de 300 employés dans sept pays et génère environ 50 millions de dollars par an de chiffre d’affaires. « Nos comptes seront publics bientôt, lorsque nous serons cotés en Bourse », déclare son PDG. En juin 2015, Sindicatum Sustainable Resources a fait une demande de cotation auprès de la Bourse de New York d’un véhicule “yieldco”, qui signifie littéralement “société de rendement”. Ce type de structure est prisé par les investisseurs, car il assure des dividendes stables et élevés à ses actionnaires. Il est souvent utilisé par les producteurs d’énergies renouvelables dont les revenus dépendent largement de contrats à long terme passés avec des collectivités locales ou des compagnies d’électricité. L’introduction aura lieu « dès que les conditions du marché le permettront », assure Assaad Razzouk.
Un Libanais en colère Marié à Roula Khalaf, rédactrice en chef adjointe du Financial Times, et père de deux enfants, Assaad Razzouk vit entre Singapour et Londres. Il trouve tout de même le temps de passer au Liban, quatre fois par an. Même s’il a quitté le pays du Cèdre il y a 30 ans, il se dit fièrement libanais, mais « un Libanais en colère ». « Je suis atterré quand je vois l’intérêt suscité par le potentiel gazier et pétrolier du pays, alors que les énergies renouvelables, malgré leur abondance, sont totalement délaissées », affirme-t-il. Pour Sindicatum, le marché libanais, comme l’ensemble du Moyen-Orient, est jugé trop petit. Assaad Razzouk affirme toutefois avoir présenté, lors de la conférence de la diaspora organisée en mai dernier par le ministère des Affaires étrangères (Lebanese Diaspora Energy), un projet d’un milliard de dollars permettant au Liban d’avoir de l’eau et de l’énergie propre. « Nous n’avons jamais été contactés », déplore-t-il. Son engagement au Liban consiste à soutenir sa mère Sana el-Solh dans son combat en faveur des droits de la femme et des personnes handicapées à travers al-Amal Institute for the Disabled, une ONG créée par feue Mounira el-Solh, l’une des premières femmes au Liban et au Moyen-Orient à avoir été candidate au Parlement (en 1960, 1964 et 1968). |
Une galerie à Singapour pour défendre l’art du Moyen-Orient Assaad Razzouk a fondé en 2012 Sana Gallery, la première galerie d’art contemporain à Singapour et en Asie, dédiée à l’art du Moyen-Orient. « C’est un projet purement culturel », déclare-t-il d’emblée. La demande en Asie pour les artistes de la région est très limitée, « car les Asiatiques ne comprennent pas notre culture ». « Ce projet vise justement à changer l’image qu’ils ont du Moyen-Orient, duquel ils ne connaissent que la guerre et le terrorisme », poursuit-il, en soulignant qu’aucun des 22 pays du monde arabe n’a un centre culturel à l’étranger. Même dans leur propre région, les artistes arabes souffrent du manque de visibilité. « À Los Angeles il y a 100 musées dédiés aux artistes locaux, contre cinq dans l’ensemble du Moyen-Orient », déplore-t-il. Ce contexte contribue, selon lui, à plafonner les prix des artistes arabes. « Une œuvre d’art doit valoir au moins 10 millions de dollars pour faire partie des collections mondiales. On en est encore très loin dans la région. Les collections sont dominées à 70 % par l’art occidental et à 25 % par l’art chinois, le reste du monde se partageant les 5 % restants. » |