Pourquoi la communauté internationale veut-elle imposer l’échange d’informations fiscales ?
Ce mécanisme vise à lutter contre les excès de l’optimisation fiscale. Lorsqu’il a le choix entre deux cadres légaux, le contribuable a le droit de retenir le plus avantageux pour lui du point de vue fiscal. Mais il n’a pas le droit d’établir des relations fictives avec des sociétés écrans ou des prête-noms, ou de créer des structures spécifiques dans le seul objectif d’échapper aux impôts dans l’un ou l’autre des pays concernés. La frontière entre l’optimisation fiscale, en principe tolérée, et la fraude ou l’évasion fiscale, en principe prohibées, a longtemps été floue, et beaucoup d’entreprises en ont abusé allègrement au cours des dernières décennies. Des montages aux apparences légales et des mécanismes juridiques de faveur, mis en place dans les pays à fiscalité clémente notamment en matière de délocalisation, ont permis à des contribuables de contourner à la fois les lois fiscales internes et les conventions bilatérales. Ces conventions, qui visent à éviter les doubles impositions, se sont transformées en instrument privilégié d’évasion “légalisée”, privant nombre de pays de recettes fiscales importantes. Cela a poussé l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, à imposer de nouvelles normes en matière de transparence et d’échange d’informations.
En quoi consistent ces nouvelles normes ?
L’OCDE a commencé par imposer l’échange d’informations à la demande avant d’opter, à partir de 2014, pour l’échange automatique et réciproque d’informations, baptisé “Common Reporting Standard” (CRS). Cette nouvelle norme, que les pays devront appliquer en adhérant au Multilateral Competent Authority Agreement (MCAA), vise à mettre en place un système intergouvernemental d’échanges standardisés annuels et automatiques (et non plus simplement à la demande) d’informations relatives aux comptes et aux actifs financiers des non-résidents. Il suppose donc que le critère de résidence soit bien défini et que les législations des pays concernés aient mis en place un mécanisme de garantie et de protection de la confidentialité des informations recueillies. Il cible les institutions financières, ainsi que les entités non financières pour débusquer les vrais bénéficiaires des actifs ou ceux qui les contrôlent par le biais de trusts ou de prête-noms, à travers la technique dite du “look-through”. Les informations financières qu’il englobe sont larges et portent sur les revenus en tout genre (capitaux mobilier, immobiliers, investissement ou d’activités) ainsi que les intérêts et les relevés, et soldes de comptes bancaires. L’application pratique se fait soit sur la base de conventions fiscales bilatérales ou d’accord d’échange d’informations fiscales, soit par le biais, dans un premier temps, du MAC (Convention on Mutual Administrative Assistance in Tax Matters) qui permet une transmission sans condition d’informations sur demande et, dans un second temps, du MCAA qui est une convention cadre pour l’échange automatique une fois que le Liban aura rempli toutes les conditions suspensives à cet effet, et auxquelles le Liban s’est engagé à adhérer d’ici à 2018.
Le mécanisme imaginé par l’OCDE est inspiré en grande partie des standards et des règlements mis en place par les États-Unis à partir de 2010, et connus sous le diminutif de Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act).
Le mécanisme américain, Fatca, est appliqué au Liban depuis 2014. Quelles sont ses implications ?
La Fatca exige des banques et de l’ensemble de ce qu’elle définit comme des institutions financières étrangères – compagnies d’assurances et fonds d’investissement compris – de lever le voile sur les comptes des clients de nationalité américaine ou qualifiés de US Persons, et de les signaler au fisc américain, l’IRS (Internal Revenue Service), sous peine de pénalités. La primauté du dollar et de la place financière américaine dans le système international offre en effet aux États-Unis des possibilités de sanctions très lourdes, comme les retenues à la source d’impôts de 30 %, l’interdiction de transiter par des institutions financières américaines ou de détenir des actifs américains, etc. À la demande de l’IRS, les institutions financières étrangères doivent identifier les clients américains ou pouvant être considérés comme des US Persons, selon des critères définis par la Fatca.
Dans un premier temps, ces institutions ont fait signer à leurs clients un formulaire niant ou confirmant leurs liens avec les États-Unis. Elles ont ensuite demandé à ceux qui sont concernés l’autorisation de lever le secret bancaire sur leur compte par le biais d’un document écrit signé préalablement (Waiver). Cette autorisation leur permet de transmettre à l’IRS – si les conditions de seuil et de critère sont réunis – les informations requises, soit leur nom, leur numéro d’identification fiscal (Tax ID Number ou TIN), les numéros de leurs comptes courants et de titres mobiliers, leurs soldes ainsi que l’évolution de leur patrimoine financier, à travers les revenus perçus et l’identification de leur origine. La Fatca ne s’applique cependant qu’aux comptes bancaires des individus (personnes physiques) supérieurs à 50 000 dollars et à 250 000 dollars pour les sociétés.
De nombreuses personnes sont concernées par la Fatca et assujetties à une obligation de déclaration et de transparence, parfois sans le savoir. Il suffit pour être considéré comme une US Person d’avoir une adresse de correspondance ou une résidence aux États-Unis, un lieu de naissance américain, un numéro de téléphone américain, un ordre de paiement permanent vers les États-Unis, un encaissement de revenu provenant des États-Unis, ou une procuration attribuée à une personne avec une adresse aux États-Unis. Sont aussi concernés ceux qui ont été physiquement présents aux États-Unis plus de 183 jours par an. Par exemple, un Libanais résidant à Dubaï, qui envoie de l’argent chaque mois à son fils libanais étudiant à Boston par un virement permanent à partir de son agence bancaire locale, correspond, en principe et selon les critères précités, à la définition d’une US Person.
Quelles différences entre la Fatca et les nouvelles normes du Forum mondial, parfois baptisées Gatca en anglais pour la rime ?
Les deux mécanismes émanent d’un même souci et visent le même objectif de lutte contre l’impunité fiscale. Ils adoptent aussi la même approche stratégique, en obligeant les tiers dépositaires ou gérants de fonds et de valeurs à communiquer des informations sur leurs clients sous peine de mesures de rétorsion très graves. Ils visent plus ou moins à obtenir les mêmes informations financières.
Néanmoins, les points de divergence sont nombreux. Le premier, le plus important, est au niveau de l’approche. Celle du Forum mondial est institutionnelle, elle repose sur des rapports d’État à État qui tiennent compte de la souveraineté nationale et des législations internes, avec l’objectif de convaincre l’État concerné de se joindre aux efforts de lutte contre l’évasion fiscale.
Dans le cadre de la Fatca en revanche, le rapport se noue soit entre l’IRS et les autorités compétentes du pays concerné, à qui les institutions financières doivent fournir les informations, soit entre l’IRS et les institutions financières elles-mêmes, comme c’est le cas au Liban. Ignorant la souveraineté financière du Liban, le fisc américain a négocié directement et séparément avec chaque banque au lieu de passer par le gouvernement, ou au moins la Banque centrale, qui ont d’ailleurs tous deux laissé faire. Étant donné la dollarisation de l’économie libanaise, les banques étaient forcées de coopérer sous peine d’être inscrites sur liste noire, et de perdre leur réputation et leurs relations avec les banques correspondantes.
D’autre part, dans les normes du Forum mondial, l’échange à la demande ou automatique est réciproque, contrairement à la Fatca où le transfert d’informations est unilatéral au profit de l’IRS sauf si l’échange s’inscrit dans le cadre d’une convention fiscale liant les États-Unis à l’État concerné.
De plus, dans le cadre du Forum mondial, la levée du secret bancaire est réglementée et protégée, et n’implique pas le déposant, tandis que dans la Fatca, le secret bancaire peut être éludé par la seule volonté du déposant et parfois (comme au Liban) à son insu en présence d’un Waiver.
En revanche, le système américain assure une meilleure protection de la confidentialité des informations. Il n’applique pas la méthode du “look through” et les revenus faisant l’objet d’échange d’informations ne sont pas aussi nombreux que dans le cadre du Forum mondial. D’après certains experts, cela pourrait favoriser le transfert de fonds et d’actifs des places financières ayant adhéré au Forum mondial vers ou en provenance des États-Unis.
Ce mécanisme vise à lutter contre les excès de l’optimisation fiscale. Lorsqu’il a le choix entre deux cadres légaux, le contribuable a le droit de retenir le plus avantageux pour lui du point de vue fiscal. Mais il n’a pas le droit d’établir des relations fictives avec des sociétés écrans ou des prête-noms, ou de créer des structures spécifiques dans le seul objectif d’échapper aux impôts dans l’un ou l’autre des pays concernés. La frontière entre l’optimisation fiscale, en principe tolérée, et la fraude ou l’évasion fiscale, en principe prohibées, a longtemps été floue, et beaucoup d’entreprises en ont abusé allègrement au cours des dernières décennies. Des montages aux apparences légales et des mécanismes juridiques de faveur, mis en place dans les pays à fiscalité clémente notamment en matière de délocalisation, ont permis à des contribuables de contourner à la fois les lois fiscales internes et les conventions bilatérales. Ces conventions, qui visent à éviter les doubles impositions, se sont transformées en instrument privilégié d’évasion “légalisée”, privant nombre de pays de recettes fiscales importantes. Cela a poussé l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, à imposer de nouvelles normes en matière de transparence et d’échange d’informations.
En quoi consistent ces nouvelles normes ?
L’OCDE a commencé par imposer l’échange d’informations à la demande avant d’opter, à partir de 2014, pour l’échange automatique et réciproque d’informations, baptisé “Common Reporting Standard” (CRS). Cette nouvelle norme, que les pays devront appliquer en adhérant au Multilateral Competent Authority Agreement (MCAA), vise à mettre en place un système intergouvernemental d’échanges standardisés annuels et automatiques (et non plus simplement à la demande) d’informations relatives aux comptes et aux actifs financiers des non-résidents. Il suppose donc que le critère de résidence soit bien défini et que les législations des pays concernés aient mis en place un mécanisme de garantie et de protection de la confidentialité des informations recueillies. Il cible les institutions financières, ainsi que les entités non financières pour débusquer les vrais bénéficiaires des actifs ou ceux qui les contrôlent par le biais de trusts ou de prête-noms, à travers la technique dite du “look-through”. Les informations financières qu’il englobe sont larges et portent sur les revenus en tout genre (capitaux mobilier, immobiliers, investissement ou d’activités) ainsi que les intérêts et les relevés, et soldes de comptes bancaires. L’application pratique se fait soit sur la base de conventions fiscales bilatérales ou d’accord d’échange d’informations fiscales, soit par le biais, dans un premier temps, du MAC (Convention on Mutual Administrative Assistance in Tax Matters) qui permet une transmission sans condition d’informations sur demande et, dans un second temps, du MCAA qui est une convention cadre pour l’échange automatique une fois que le Liban aura rempli toutes les conditions suspensives à cet effet, et auxquelles le Liban s’est engagé à adhérer d’ici à 2018.
Le mécanisme imaginé par l’OCDE est inspiré en grande partie des standards et des règlements mis en place par les États-Unis à partir de 2010, et connus sous le diminutif de Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act).
Le mécanisme américain, Fatca, est appliqué au Liban depuis 2014. Quelles sont ses implications ?
La Fatca exige des banques et de l’ensemble de ce qu’elle définit comme des institutions financières étrangères – compagnies d’assurances et fonds d’investissement compris – de lever le voile sur les comptes des clients de nationalité américaine ou qualifiés de US Persons, et de les signaler au fisc américain, l’IRS (Internal Revenue Service), sous peine de pénalités. La primauté du dollar et de la place financière américaine dans le système international offre en effet aux États-Unis des possibilités de sanctions très lourdes, comme les retenues à la source d’impôts de 30 %, l’interdiction de transiter par des institutions financières américaines ou de détenir des actifs américains, etc. À la demande de l’IRS, les institutions financières étrangères doivent identifier les clients américains ou pouvant être considérés comme des US Persons, selon des critères définis par la Fatca.
Dans un premier temps, ces institutions ont fait signer à leurs clients un formulaire niant ou confirmant leurs liens avec les États-Unis. Elles ont ensuite demandé à ceux qui sont concernés l’autorisation de lever le secret bancaire sur leur compte par le biais d’un document écrit signé préalablement (Waiver). Cette autorisation leur permet de transmettre à l’IRS – si les conditions de seuil et de critère sont réunis – les informations requises, soit leur nom, leur numéro d’identification fiscal (Tax ID Number ou TIN), les numéros de leurs comptes courants et de titres mobiliers, leurs soldes ainsi que l’évolution de leur patrimoine financier, à travers les revenus perçus et l’identification de leur origine. La Fatca ne s’applique cependant qu’aux comptes bancaires des individus (personnes physiques) supérieurs à 50 000 dollars et à 250 000 dollars pour les sociétés.
De nombreuses personnes sont concernées par la Fatca et assujetties à une obligation de déclaration et de transparence, parfois sans le savoir. Il suffit pour être considéré comme une US Person d’avoir une adresse de correspondance ou une résidence aux États-Unis, un lieu de naissance américain, un numéro de téléphone américain, un ordre de paiement permanent vers les États-Unis, un encaissement de revenu provenant des États-Unis, ou une procuration attribuée à une personne avec une adresse aux États-Unis. Sont aussi concernés ceux qui ont été physiquement présents aux États-Unis plus de 183 jours par an. Par exemple, un Libanais résidant à Dubaï, qui envoie de l’argent chaque mois à son fils libanais étudiant à Boston par un virement permanent à partir de son agence bancaire locale, correspond, en principe et selon les critères précités, à la définition d’une US Person.
Quelles différences entre la Fatca et les nouvelles normes du Forum mondial, parfois baptisées Gatca en anglais pour la rime ?
Les deux mécanismes émanent d’un même souci et visent le même objectif de lutte contre l’impunité fiscale. Ils adoptent aussi la même approche stratégique, en obligeant les tiers dépositaires ou gérants de fonds et de valeurs à communiquer des informations sur leurs clients sous peine de mesures de rétorsion très graves. Ils visent plus ou moins à obtenir les mêmes informations financières.
Néanmoins, les points de divergence sont nombreux. Le premier, le plus important, est au niveau de l’approche. Celle du Forum mondial est institutionnelle, elle repose sur des rapports d’État à État qui tiennent compte de la souveraineté nationale et des législations internes, avec l’objectif de convaincre l’État concerné de se joindre aux efforts de lutte contre l’évasion fiscale.
Dans le cadre de la Fatca en revanche, le rapport se noue soit entre l’IRS et les autorités compétentes du pays concerné, à qui les institutions financières doivent fournir les informations, soit entre l’IRS et les institutions financières elles-mêmes, comme c’est le cas au Liban. Ignorant la souveraineté financière du Liban, le fisc américain a négocié directement et séparément avec chaque banque au lieu de passer par le gouvernement, ou au moins la Banque centrale, qui ont d’ailleurs tous deux laissé faire. Étant donné la dollarisation de l’économie libanaise, les banques étaient forcées de coopérer sous peine d’être inscrites sur liste noire, et de perdre leur réputation et leurs relations avec les banques correspondantes.
D’autre part, dans les normes du Forum mondial, l’échange à la demande ou automatique est réciproque, contrairement à la Fatca où le transfert d’informations est unilatéral au profit de l’IRS sauf si l’échange s’inscrit dans le cadre d’une convention fiscale liant les États-Unis à l’État concerné.
De plus, dans le cadre du Forum mondial, la levée du secret bancaire est réglementée et protégée, et n’implique pas le déposant, tandis que dans la Fatca, le secret bancaire peut être éludé par la seule volonté du déposant et parfois (comme au Liban) à son insu en présence d’un Waiver.
En revanche, le système américain assure une meilleure protection de la confidentialité des informations. Il n’applique pas la méthode du “look through” et les revenus faisant l’objet d’échange d’informations ne sont pas aussi nombreux que dans le cadre du Forum mondial. D’après certains experts, cela pourrait favoriser le transfert de fonds et d’actifs des places financières ayant adhéré au Forum mondial vers ou en provenance des États-Unis.