Séance de rattrapage pour ce remarquable premier livre “Les Pêcheurs” de l’écrivain nigérian Chigozie Obioma, paru la rentrée passée. Lecteur boulimique, la trame de ce roman vient à l’auteur alors qu’il traîne le spleen de son pays et de sa famille à Chypre, où il étudie. « Je sentais monter en moi la nostalgie de l’adolescence, du sentiment d’appartenance à une fratrie », explique-t-il dans une interview en 2016. Quelques grands livres sont ses références : “Sa Majesté des mouches” de William Golding et inévitablement “L’Attrape-cœurs” de Salinger. Mais si “Les Pêcheurs” emprunte au genre du roman d’apprentissage, ce récit épuré se veut aussi une allégorie politique de l’histoire contemporaine du Nigeria. « De la même façon qu’il y a des tragédies grecques, ou shakespeariennes, “Les Pêcheurs” est selon moi une tragédie igbo (l’ethnie dont il est issu, NDLR). Cette forme littéraire ne me semble pas du tout périmée, notamment pour évoquer des sociétés telles que celle d’où je viens, où la spiritualité et les superstitions continuent à jouer un rôle très important », ajoute-t-il dans ce même entretien.
L’histoire est aussi simple que dramatique : livrés à eux-mêmes depuis le départ du père, muté dans une autre ville, les quatre frères Aqwe voient leur avenir – faire de bonnes études au Canada et devenir des “hommes importants” – voler en éclats un jour de 1996, quand un prophète fou leur assène une terrible nouvelle : leur aîné sera assassiné par l’un d’entre eux. Quinze années plus tard, devenu adulte, le quatrième fils, Benjamin, se souvient et raconte, retrouvant la voix du petit garçon qu’il était alors.
De l’Afrique, Chigozie Obioma a su intégrer le fantastique et un rythme du récit qu’on croirait accorder aux battements du cœur (ou au trépignement des pieds sur le sol). Après Chimamanda Ngozi Adichie (“Americanah”, 2015), Lucy Mushita (“Chinongwa”, 2012) ou encore Taiye Selasi (“Le ravissement des innocents”, 2015), cette génération d’auteurs africains, abreuvés de culture américaine – ces “Afropolitains” comme Selasi se plaît à les définir – est en train de révolutionner notre façon de penser le roman anglophone.
“Les Pêcheurs”, traduit de l’anglais (Nigeria) par Serge Chauvin, éd. de l’Olivier, 304 p., 22 dollars.
L’histoire est aussi simple que dramatique : livrés à eux-mêmes depuis le départ du père, muté dans une autre ville, les quatre frères Aqwe voient leur avenir – faire de bonnes études au Canada et devenir des “hommes importants” – voler en éclats un jour de 1996, quand un prophète fou leur assène une terrible nouvelle : leur aîné sera assassiné par l’un d’entre eux. Quinze années plus tard, devenu adulte, le quatrième fils, Benjamin, se souvient et raconte, retrouvant la voix du petit garçon qu’il était alors.
De l’Afrique, Chigozie Obioma a su intégrer le fantastique et un rythme du récit qu’on croirait accorder aux battements du cœur (ou au trépignement des pieds sur le sol). Après Chimamanda Ngozi Adichie (“Americanah”, 2015), Lucy Mushita (“Chinongwa”, 2012) ou encore Taiye Selasi (“Le ravissement des innocents”, 2015), cette génération d’auteurs africains, abreuvés de culture américaine – ces “Afropolitains” comme Selasi se plaît à les définir – est en train de révolutionner notre façon de penser le roman anglophone.
“Les Pêcheurs”, traduit de l’anglais (Nigeria) par Serge Chauvin, éd. de l’Olivier, 304 p., 22 dollars.