Lorsqu’il est sorti, il y a quelques mois, en anglais, le quotidien londonien The Guardian évoquait « l’hypothèse d’un livre culte » pour ce premier roman à succès (déjà paru dans 34 pays pour un contrat de deux millions de dollars), signé Emma Cline, une jeune Américaine de 27 ans. Culte, vraiment ? Il faut dire que “Les Girls” du titre évoquent en partie les seventies, version Woodstock, et l’univers de la secte de Charles Manson, qui assassina sauvagement la comédienne Sharon Tate et quatre de ses amis en 1974. Cette trame n’est cependant que la ligne “media vocce” d’un roman bâti davantage sur le mal-être de l’adolescence féminine et du modèle des banlieues américaines. En cela, rien d’original : une Laura Kasischke, par exemple, a su superbement recréer ce “vide existentiel” de l’adolescence autant que celui des banlieues.
Mais Cline apporte une âpreté nouvelle, un désenchantement supplémentaire, en bâtissant son roman sur un aller-retour narratif entre aujourd’hui et les seventies lorsque son personnage principal, Evie Boyd, n’était encore qu’une adolescente. « Tout ce temps consacré à me préparer, à lire des articles qui m’apprenaient que la vie n’était en réalité qu’une salle d’attente, jusqu’à ce que quelqu’un vous remarque, les garçons l’avaient consacré à devenir eux-mêmes. » Evie, 14 ans, est le rejeton de parents de la classe moyenne. Divorcés, son père a fichu le camp avec une jeunette et sa mère, qui lui inspire une “honte nouvelle”, court désespérément après l’incandescence d’une vie qui s’étiole déjà. Le chemin d’Evie, désœuvrée, croise celui d’une bande de loosers flamboyantes « aussi racées et inconscientes que des requins qui fendent les flots » pour reprendre une de ces magnifiques trouvailles littéraires de l’ouvrage. Elles vivent en hippies dans un ranch, pillent pour se nourrir et couchent toutes avec le “chef de meute”, un certain Russell aux charmes très “mansoniens”. Bien sûr, Evie veut les rejoindre et elle aussi regarder Russell les yeux brillants d’amour. « Leurs rires étaient un reproche à ma solitude. » Avec une attention aiguë portée au monde de l’adolescence, “The Girls” décortique les mécanismes de pourrissement d’une société qui bascule vers le crime et le sang.
“The Girls”, Emma Cline, Quai Voltaire, La Table ronde, 331 pages, 2016, 22 dollars.
Mais Cline apporte une âpreté nouvelle, un désenchantement supplémentaire, en bâtissant son roman sur un aller-retour narratif entre aujourd’hui et les seventies lorsque son personnage principal, Evie Boyd, n’était encore qu’une adolescente. « Tout ce temps consacré à me préparer, à lire des articles qui m’apprenaient que la vie n’était en réalité qu’une salle d’attente, jusqu’à ce que quelqu’un vous remarque, les garçons l’avaient consacré à devenir eux-mêmes. » Evie, 14 ans, est le rejeton de parents de la classe moyenne. Divorcés, son père a fichu le camp avec une jeunette et sa mère, qui lui inspire une “honte nouvelle”, court désespérément après l’incandescence d’une vie qui s’étiole déjà. Le chemin d’Evie, désœuvrée, croise celui d’une bande de loosers flamboyantes « aussi racées et inconscientes que des requins qui fendent les flots » pour reprendre une de ces magnifiques trouvailles littéraires de l’ouvrage. Elles vivent en hippies dans un ranch, pillent pour se nourrir et couchent toutes avec le “chef de meute”, un certain Russell aux charmes très “mansoniens”. Bien sûr, Evie veut les rejoindre et elle aussi regarder Russell les yeux brillants d’amour. « Leurs rires étaient un reproche à ma solitude. » Avec une attention aiguë portée au monde de l’adolescence, “The Girls” décortique les mécanismes de pourrissement d’une société qui bascule vers le crime et le sang.
“The Girls”, Emma Cline, Quai Voltaire, La Table ronde, 331 pages, 2016, 22 dollars.