Amateurs de whiskies, si vous cherchez un lieu de pèlerinage, rendez-vous dans le Speyside. Car cette petite région, à la pointe de l’Écosse, est le cœur battant des whiskies. Le Speyside regroupe une cinquantaine de distilleries de malts, soit une bonne moitié du parc écossais. La rivière Spey, qui a donné son nom à la région, la traverse du sud au nord, mais d’autres cours l’irriguent, constituant, pour le spécialiste, autant de sous-régions : la Livet, l’Avon, la Fiddich, la Lossie, la Deveron… L’eau, en effet, est un élément essentiel de la fabrication des malts et sa qualité détermine souvent le caractère de ces alcools. Historiquement, les premiers producteurs de whiskies se sont regroupés ici : il faut dire que la plupart, qui distillaient en fraude, ont trouvé dans ce “petit comté” un lieu où le paysage se prêtait merveilleusement à la dissimulation. Lorsque la distillation fut réglementée, après 1827, le Speyside commençait déjà à être connu. Succès aidant, on assista alors à une explosion du nombre de distilleries : ainsi, une bourgade comme Rothes, dans la région du Moray, sur les bords du Spey, compte pas moins de cinq distilleries (Glen Spey, Glenrothes, Glen Grant, Caperdonich et Speyburn). Si une vallée se distingue dans le Speyside, c’est bien celle de Glenlivet, au bord de la rivière éponyme. Aujourd’hui, en plus de la marque The Glenlivet une petite trentaine de distilleries peuvent accoler le terme “Glenlivet” à leur nom, même si certaines ne se situent pas à proximité immédiate de cette rivière ! Selon les amateurs, les whiskies du Speyside se distinguent par leurs notes fruitées : on évoque souvent des arômes de fruits blancs ou rouges et leur caractère rond et doux. Parmi les plus réputés, citons les mythiques Balvenie, Glenfiddich, Glenlivet, Macallan, Mortlach, ainsi que certaines petites distilleries, comme Benriach, Benromach, Glendronach ou encore Glenrothes. Vous en retrouvez une bonne partie dans notre sélection.

The Glenlivet
On dit qu’il y a deux façons de “vendre” son whisky : en pariant sur le passé et la tradition, ou bien en exaltant l’innovation et la science… C’est la méthode Glenlivet,
n° 1 aux États-Unis : première distillerie du Speyside à obtenir une licence en 1824, elle a propulsé le whisky dans la modernité avec des eaux-de-vie plus qualitatives et légères que les anciennes gnôles des distilleries clandestines. Deuxième producteur mondial, elle appartient au géant Chivas Bros (Pernod-Ricard). Avec une demande en hausse, sa production n’a plus le temps de vieillir : son 12 ans est remplacé par Founder Reserve, un sans compte d’âge. De cette marque, les connaisseurs aiment les single casks, les éditions limitées et la gamme Nàdurra (non filtrée à froid).

Glenlivet Founder Reserve, 40 %
Founder’s Reserve rend hommage à Georges Smith, le créateur de cette distillerie, et ne présente pas d’indication d’âge. Le bouquet est sur la poire avec des notes de caramel et de crème de lait. La bouche est fraîche et vivace, très fluide, présentant des saveurs délicates d’anis et d’orange coupée. La texture est chaleureuse, aucune sécheresse, juste de la rondeur et de la douceur. Une très belle réussite ; un excellent rapport qualité/prix.
33,80 $

Deveron
Après Aberfeldy, Craigellachie et Aultmore, Bacardi-Martini poursuit son sans-faute en sortant de l’ombre la production de la distillerie Macduff (1860), sous le nom de (Glen) Deveron. Cette distillerie des  Speyside, se trouve à proximité de la rivière Deveron (d’où son nom), laquelle se jette ensuite dans l’océan. Elle élabore trois malts (10, 12 et 18 ans) à tendance “ultramaritimes”. Une thématique qu’on retrouve également dans le choix de la belle bouteille bleu océan, le flacon du 12 ans d’âge. Jusque-là, Deveron était produit pour être vendu très jeune dans les blends.

Deveron, 12 ans, 40 %
Au nez, un bouquet délicat, minéral et aérien sur des notes de pommes vertes et de craie. Rien qu’à le sentir, on y devine toute la fraîcheur et toute la “gaieté” dont sa dégustation nous récompense. Au palais, on retrouve des notes de beurre caramélisé et de pommes en compotes. Il fait preuve d’une belle complexité, d’un fruité tannique, œuvre des fûts de Xérès dans lesquels il vieillit. Mais on y débusque aussi un côté salé, presque métallique, en final, qui renforce sa vivacité. Orignal, avec beaucoup de peps ! On le conseille vivement !  
41 $

Aultmore
Fondée en 1895-1896 par Alexander Edward, Aultmore, aujourd’hui propriété du groupe Bacardi, la distillerie ne servait qu’à alimenter les blends du groupe. Mais Bacardi-Martini l’a récemment promu au rang de distillerie pur malt. Aultmore est désormais distribué en 12, 21 et 25 ans. Elle mise sur un âge clairement affiché pour se faire connaître du grand public, à rebours de la tendance sans mention d’âge. Autre originalité, Aultmore est présenté en version réduite à 46 % et non à 43 % ou 40 % comme c’est la norme en Écosse ces dernières années.

Aultmore Of The Foggie Moss, 12 ans d’âge, 46 %
Une appellation énigmatique pour ce malt à la couleur pâle (aucune adjonction de caramel n’a été faite). Son nom provient de la source dite de Foggie Moss, qui alimente la distillerie. Son nez joue sur la douceur, avec des notes de pommes vertes et d’herbes coupées. Le tout entouré d’une touche finale de noisette et de poire. La bouche est sur les agrumes finement épicées et une touche finale légèrement asséchante. Aultmore est un malt très fluide, sa fraîcheur lui permet d’être accessible à un large panel de consommateurs. Les femmes, en particulier, pourraient l’aimer pour cette délicatesse revendiquée.
43 $

Aberlour
Si on connaît mal au Liban la marque Aberlour (prononcer “aberlaoweur”), ce sont pourtant les malts préférés des Français, premiers consommateurs (en volume) de single malts au monde. Dans le giron de Pernod-Ricard depuis une quarantaine d’années, elle a été fondée en 1879 par James Fleming, un marchand de grain. Sa devise ? Un très glorieux “Let the deed show” (laissez parler les actes) qui en marketing se traduit par un positionnement ultrapremium et une gamme sophistiquée avec autant de références distribuées en supermarchés que chez les cavistes. Les Aberlour sont des malts ronds, au fruité épicé, très reconnaissables, à la maturation variée, pour moitié en ex-fûts de Xérès importés d’Espagne et pour l’autre en fûts de bourbon.

Aberlour, 10 ans, 43 %
Avec un élevage successif dans des fûts de bourbon puis de sherry oloroso, Aberlour est une valeur sûre pour ceux qui cherchent un single malt moderne et accessible. Des notes de miel de conifères (pin) s’associent à des effluves de compote de pommes et de toffee, ce bonbon emblème des boîtes de Quality Street. Au palais, on retrouve une touche crémeuse, boisée, qui titille la langue sur des saveurs de noisette et de fruits secs. La bouche reste fraîche et vivace avec une finale soyeuse et maltée.
45,30 $

Glenfiddich
Créée en 1887, la distillerie est située à Dufftown en plein cœur du Speyside. Leader incontesté (dans le monde et au Liban), Glenfiddich reste une maison indépendante, propriété depuis sa création de la famille Grant. Elle possède sa propre tonnellerie et une source d’eau naturelle qui garantissent une qualité et un style constants. En 1963, elle a sorti son premier single malt officiel : 4 000 caisses furent vendues en moins d’un an. Aujourd’hui la maison en écoule près de 14 millions de litres… Elle produit un single malt fin, le plus souvent avec un finish en ex-fûts de Xérès. En octobre dernier, un Glenfiddich, daté de 1937, a été vendu 85 000 dollars à Londres lors d’une vente aux enchères.

Glenfiddich, 15 ans, 40 %
Dans la gamme, on apprécie particulièrement ce 15 ans d’âge, élevé dans des fûts européens et américains (anciens et nouveaux). Il est ensuite vieilli selon la méthode Solera, qui consiste en un empilement de barriques sur plusieurs hauteurs, à la manière de ce qui se pratique pour les vins de Xérès. Cette méthode lui permet de s’affiner et de s’adoucir. Ambrée, le premier nez se veut floral mais cède ensuite sa place à des sensations de miel et d’épices douces, qui lui confèrent une belle profondeur. La bouche onctueuse se termine sur une finale chaleureuse avec une touche de cannelle et de muscade. Classique, mais très agréable !
56 $

The Balvenie
Seules quelques distilleries écossaises peuvent se vanter d’appartenir à la même famille depuis leur création. C’est le cas de The Balvenie qu’on présente souvent comme un “grand cru” du Speyside. La distillerie malte toujours une partie de son orge cultivée dans les champs voisins puis la sèche dans son impressionnant kiln (“séchoir”) où quelques mottes de tourbe lui donnent une touche accrue d’authenticité. Il est vieilli dans des fûts travaillés à la tonnellerie adjacente à la distillerie.

The Balvenie, Double Wood, 12 ans, 43 %
Petite sœur de Glenfiddich, Balvenie joue la séduction et la douceur. Ce 12 ans est élevé dans deux types de fûts : vieilli en fûts de bourbon, il est ensuite affiné un an dans des fûts de sherry oloroso. Ce qui lui fournit une plus large palette d’arômes et de saveurs. Ambrée, son premier nez est marqué par des fruits à chair blanche. Quand la seconde note monte, elle nous accroche sur des arômes d’écorces d’orange et de pain d’épices, typiques de l’élevage en sherry. La bouche est ronde avec un côté épicé, très fruits secs (noisettes). La finale est chaude, légèrement sèche.
60 $

The Singleton of Dufftown
C’est en 1896, dans la ville de Dufftown, que la distillerie, qui porte en fait le nom de Glendullan, a été fondée. Rachetée en 1926, elle ferme ses portes en 1940. 1947 la voit réémerger : son nouveau propriétaire construit même un second bâtiment pour augmenter la production. Finalement, en 1985, Glendullan devient la propriété de Guiness et passe dans le giron de Diageo en 1997. Récemment, Diageo, qui n’a pas encore de marque leader parmi les single malts, a annoncé vouloir faire de Singleton son pur sang. Changement de packaging, simplification de la gamme… Pour Diageo, il s’agit d’un flacon qui permet aux curieux de faire leur début sur le segment des malts.

The Singleton, 15 ans, 40 %
Un terme vient vite quand on le déguste : fluidité. On la doit à un élevage équilibré (fûts américains et européens). Du début à la fin, ce Singleton reste fidèle à sa ligne maîtresse de fraîcheur et d’harmonie. Des notes de poires, de moka et de biscuits, le tout légèrement relevé d’une pointe fumée. La bouche est sur les épices avec un côté anisé et une finale cendrée bien agréable.
63 $

The Glenrothes
Construite en 1878, la distillerie appartient au groupe Berry Bros & Rudd. Si son whisky est vendu en single malt, on le retrouve dans certains blends comme Cutty Sark. Jusqu’aux années 1990, la distillerie proposait une seule mise en bouteilles (12 ans). En 1994, elle décide de commercialiser un nouveau flacon très trapu, avec, pour la première fois, l’inscription d’un millésime. Il s’agissait alors du 1979. Une petite révolution, qui remet en cause la notion d’âge adoptée par une majorité et le lien perçu entre “l’âge” et la “maturité” aromatique d’un whisky chez les consommateurs. Mais, davantage que l’année, c’est le choix des fûts (du chêne espagnol) qui est déterminant dans le profil aromatique de cette maison, marquée par les épices, les agrumes et le chêne.

Glenrothes Select Reserve, 43 %
Récompensée par une double médaille d’or lors du San Francisco Spirit Awards de 2007, Select Reserve propose un assemblage de malts de plusieurs années de distillation. Produite à 30 000 bouteilles, la marque parie sur l’élégance : des notes de noisettes, de noix de macadamia montent au nez en même temps que celles de fruits mûrs. Le palais est joliment épicé avec une sensation lactée et une touche de noix de coco et de zeste d’orange. Léger et crémeux.
70 $

Cardhu
Une distillerie de femmes ! Dans le monde macho du whisky, cette singularité donne envie d’essayer ! C’est en effet à Elizabeth Cumming que l’on doit la distillerie actuelle de Cardhu (“rocher noir”, en gaélique). En 1885, elle fit construire une nouvelle distillerie (l’ancienne, fondée par son père, John, avait brûlé) qu’elle nomme Cardow et qu’elle agrandit en 1887 avant de la vendre en 1893 à la société Johnnie Walker and Sons Ltd, qui cherchait à sécuriser son approvisionnement. La capacité de production de la distillerie est augmentée et, en 1980, Cardow devient Cardhu. Alors qu’elle est populaire en Europe (n° 1 en Espagne), ses propriétaires décident au début des années 2000 d’en faire un blended malt, ce qui provoque les foudres des puristes. Diageo revient alors à la “formule première” et a depuis élargi la gamme avec une édition limitée Cask Strength et plus récemment un 18 ans.

Cardhu, 15 ans, 40 %
Une robe ambrée à reflets rougeoyants ! Le nez est un rien fermé à la première approche, mais s’ouvre peu à peu pour révéler un monde de douceur : effluves de vanille, de figues séchées et d’épices douces. Le palais continue sur cette même élégance avec des notes légèrement épicées de gingembre et de clou de girofle. La finale est chaleureuse, marquée par le bois. Très bien construit.
76 $

Tamdhu
Située tout près de la rivière Spey, l’historien Alfred Barnard voyait en elle « la distillerie la plus moderne et au meilleur design de son temps » à la fin du XIXe siècle. Fermée en 2009, elle a été relancée en 2011 par le groupe familial Ian Macleod Distillers. Tamdhu a réussi son retour avec ce single malt élevé d’abord en fûts de sherry oloroso puis vieilli en chêne européen et américain. La production reste encore confidentielle mais se veut emblématique de la région avec un mélange d’épices et de fruité.

Tamdhu, 10 ans, 40 %
Présenté dans un magnifique flacon Art déco, ce 10 ans d’âge se distingue par des effluves de fruits rouges (cerises noires) et de noyaux. Un palais très doux avec des saveurs de figues séchées et d’amandes grillées. Soyeux, il se termine sur une belle trame huileuse. Au Liban, on trouve également certains malts de la série “The Ten”, une gamme créée par la Maison du Whisky à partir d’un lot de barriques Tamdhu. Numérotés de 0 à 9, ces flacons proposent des malts léger (0) ou tourbé et profond (9). The Ten n° 8 joue sur la fraîcheur et la sucrosité, avec des notes de fruits, de miel, de spéculos et de raisins secs. Comme le nez, la bouche reste élégante et beurrée. Des malts pour les curieux.
77 $

Royal Brackla
Fondée en 1812, Royal Brackla a été la première distillerie à recevoir un agrément royal à l’instigation de Guillaume IV en 1835. Cet honneur permit au capitaine Guillaume Fraser, fondateur de la distillerie, d’apposer au nom de sa “petite fabrique” le terme “royal”. Plus tard, il utilisa cette distinction en sous-titrant son whisky : « The King’s Own Whisky. » Malgré ces nobles auspices, Royal Brackla a connu moult déboires : fermée plusieurs fois, la fabrique est passée de « producteur de malts distingués » à « fournisseur de blends » avant que Bacardi-Martini ne mise sur ses malts pour entrer sur le marché. Royal Brackla fait partie de ces “Last Great Malts of Scotland” des distilleries Dewar. Comprenez : des petites pépites que le groupe met enfin en avant.

Royal Brackla, 16 ans, 40 %
Voici un single malt riche et opulent ! Des notes de cannelle et de crème brûlée confèrent à son nez un aspect “enveloppant”. Une sensation de chaleur même, qui vous saisit rien qu’en le portant au nez. En bouche, on retrouve ces notes épicées de gingembre et de vanille avec une pointe chocolatée en plus. Très complexe, il reste longtemps en bouche. Un malt de grand caractère qui conviendra à merveille aux amateurs de cigare.
127 $

The Macallan
À la seule évocation des barriques de sherry (Xérès), le nom The Macallan s’impose aux amateurs. Avec, dans leur mémoire olfactive, des réminiscences de notes d’orange confite, de chocolat, voire de brou de noix. Macallan a même signé un contrat avec une tonnellerie de Jerez afin de garantir son approvisionnement en fûts de chêne espagnol, imprégnés (“seasoned”) pendant près de deux ans avec un Xérès oloroso sec avant de servir au vieillissement des malts. Macallan est la seule distillerie à avoir un “master of wood”, spécialisé dans le choix des fûts avant même leur tout premier remplissage.

Maccallan, Rare Cask, 43 %
Pour cette nouvelle édition de Rare Cask, Macallan propose quelques exemplaires en vente au Liban. C’est un assemblage de malts “non âgés”, issus de seize différents types de fûts de sherry (espagnol), neufs souvent et aux maturités diverses. Embouteillé à 43 %, il est d’une très belle couleur ambrée (aucun additif n’est pourtant employé). Son nez présente une sucrosité orientale, soit un mélange de notes d’orange, de chocolat, de fruits secs et de muscade, typiques du chêne espagnol. Au palais, les épices (cannelle) montent en force avec un boisé maîtrisé. Nez séduisant. Cette édition reste une des fiertés de la marque.
250 $