C’est l’une des révélations de la rentrée littéraire française : publié fin août, ce premier ouvrage de la romancière d’origine iranienne, Négar Djavadi, a vite gagné son public : soutenu par les libraires, encensé par la critique, il a déjà été réimprimé quatre fois. S’il touche à ce point, c’est sans doute parce qu’il est question d’exil et de cultures : celle que l’on quitte lorsqu’on s’échappe ; celle que l’on adopte pour mieux tenter d’oublier son “moi” d’avant. Mais dans ce “voyage vers”, une part de soi-même s’efface : dans ce roman en tout cas, l’intégration rime avec “désorientalisation”. C’est tout l’enjeu de l’odyssée qui nous est ici retracée, celle de Kimiâ Sadr, fille d’opposants au chah d’Iran (puis à l’ayatollah Khomeyni), contrainte de s’exiler en France, à 11 ans, avec sa famille au début des années 1980.
Le roman débute à l’hôpital Cochin, à Paris, quand l’héroïne patiente dans la salle d’accueil pour une consultation en fertilité. Une “attente prétexte” à laisser son esprit vagabonder autour de l’histoire de sa famille : l’arrière-grand-père et ses 52 épouses dans un pays où l’on n’inscrivait pas les filles sur les arbres généalogiques… Les oncles numérotés de 1 à 6… Les parents opposants… “Désorientale” balance ainsi entre le Téhéran des années 1970 et la France d’aujourd’hui, entre ses milles et un visages de l’Iran de naguère et le récit personnel d’une femme à la recherche de sa place, en France, dans une société qui regarde un rien de travers ceux qui ne sont pas clairement identifiables.
Scénariste de 49 ans, Négar Djavadi a mis beaucoup d’elle-même et des siens dans ce premier récit, mais “Désorientale” n’est pas autobiographique. Car si corrélations il y a entre la vie de la romancière et celle de son héroïne, ce qui nous touche c’est davantage ce récit “hybride” entre l’aveu intime et le récit familial.
“Désorientale”, Négar Djavadi, édition Liana Lévi, 352 pages,
23 dollars.