Vous avez aimé Captain Fantastic, le film américain qui mettait en scène l’odyssée d’une famille survivaliste, forcée de sortir des forêts ? Vous adorerez “Into the Forest” (1996), le roman de l’Américaine Jean Hegland, récemment traduit en français par les éditions Gallmeister. Ici, encore, il est question de contre-utopies, une tendance déjà ancienne de la littérature américaine, qui se plaît souvent à positionner l’humanité dans des paysages de fin du monde.
Pourtant, ici, l’apocalypse n’est nullement le cœur du roman “Dans la forêt”. Tout au plus, sait-on que « quelque chose est survenu » : guerres ? Terrorisme ? Catastrophe nucléaire ? Épidémies ? Sans doute, un peu de tout cela, par vagues successives jusqu’à mettre en péril les “humaines fraternités” et cette “modernité” qu’on croyait synonyme de progrès et de paix.
Malgré le danger, une famille a choisi de rester dans sa maison natale, en Caroline du Nord. À la mort des parents, ne restent que les deux sœurs : Nell, 17 ans, dont nous lisons ici le journal intime, et Eva, 18 ans. Scolarisées à domicile, elles vivent depuis leur enfance à cinquante kilomètres de la ville ou de leurs voisins les plus proches, dont les sépare une forêt de sapins et de séquoias. Avant que « tout ne s’effondre », l’une ambitionnait d’entrer à Harvard, l’autre de vivre de sa musique. Depuis, leur vie s’écoule à s’occuper des poules, cultiver le potager, rationner la nourriture… Routine interrompue deux fois par le séjour d’un ami et l’irruption brutale d’un inconnu.
Une expérience extrême d’autarcie, magnifiquement restituée, où il s’agit autant de domestiquer la nature environnante que de dompter sa propre animalité…
“Dans la forêt” (“Into the Forest”), de Jean Hegland, traduit
de l’anglais (États-Unis) par Josette Chicheportiche, Gallmeister, 302 p., 25 dollars.