Entretien avec Akram Zaatari, artiste et cofondateur de la Fondation arabe pour l’image
Comment avez-vous conçu votre dernière installation, “PhotographicCurrency”, présentée à La Vitrineà Gemmayzé?
Cela fait de longues années que je travaille sur le fonds du studio de Hachem el-Madani, un photographe qui a ouvert son atelier en 1953 à Saïda. Un aspect de son travail m’a toujours intrigué : ses photographies d’artisans courtepointiers de la vieille ville Saïda. Au début des années 1950, Hachem el-Madani les faisait poser avec les courtepointes qu’ils confectionnaient. La Vitrine s’est révélée être le bon format pour ce projet, plutôt performatif, puisque les photographies de Hachem el-Madani entendent aussi “donner du travail” à la nouvelle génération de courtepointiers. J’ai, par exemple, retrouvé Abdo, le fils de l’un de ces artisans photographiés, à qui j’ai demandé de réaliser des dessus de lit identiques aux anciens modèles. La Vitrine en présente une différente toutes les deux semaines à côté des photos originales de Madani et du numéro de téléphone de l’artisan d’aujourd’hui.
Pourquoi avez-vous souhaité raconter une histoire autour de cette tradition?
Je suis né à Saïda et même si j’en suis parti pour Beyrouth en 1983 c'est un espace auquel je me sens toujours étroitement lié. C’est le terrain de ma pratique et de mes recherches, ma contribution à l’histoire si je puis dire. Je pense d’ailleurs que ce lieu a, d’une certaine façon, besoin de moi.
Qu’en est-il de la dimension économique du projet ?
Cela a toujours constitué un des aspects de mon travail sur les archives de Madani. Aujourd’hui plus personne ne commande de courtepointes traditionnelles, dont les techniques et les motifs sont en train de disparaître comme ce fameux design “Tawoos” dont on m’a beaucoup parlé, mais que je n’ai jamais vu !
Cette rareté donne une valeur marchande à ces photos, véritable monnaie vivante comme le souligne le titre de l’exposition.
Photographic Currency d’Akram Zaatari, à La Vitrine, rue Pasteur, jusqu’au 15 novembre.