Abdul Rahman Katanani aime tordre les fils barbelés et marteler la tôle ondulée, des matériaux “évidents” pour ce Palestinien, né dans le camp de Sabra où il vit toujours. Exposé à la galerie Saleh Barakat, l’artiste y propose notamment deux installations magistrales. La première reconstitue les rues d’un camp palestinien, que des miroirs reflètent à l’infini ; la seconde, une immense vague métallique dont le déferlement semble comme suspendu, nous confronte aux sentiments d’enfermement et de violence que tout Palestinien, vivant au Liban, intériorise.
« Les réfugiés palestiniens vivent dans l’ombre », explique l’artiste. Seuls peut-être les enfants, dont de graciles silhouettes sont aussi exposées, parviennent à échapper à ce sentiment d’étouffement. « Comme cette petite fille cherchant à s’envoler, ils poursuivent leurs rêves », dit-il à leur propos.
Katanani aborde aussi des questions politiques tant la vie d’un Palestinien s’avère tributaire d’enjeux qui le dépassent. Katanani réalise ainsi une série de neuf portraits découpés dans les couvercles de barils de pétrole de différents hommes politiques arabes. Une manière de rappeler que leurs décisions ont toujours d’énormes répercussions sur le quotidien de la population.
Mais la pièce maîtresse de cette exposition reste l’immense vague de fils barbelés que l’artiste a patiemment tissée huit mois durant. Il lui a insufflé mouvement et lumière. Un mouvement qui « dit que quelque chose est possible ». Pour les curieux en tous les cas, l’expérience est non seulement possible, elle est saisissante.
Laurence NAHAS
Saleh Barakat Gallery, Clemenceau, jusqu’au 4 janvier 2020. Tél. 01/365615.