Depuis la mi-novembre, le secteur immobilier connaît une soudaine dynamique. La crise financière a encouragé certains épargnants à investir dans l’immobilier et le foncier, comme en témoigne la multiplication des ventes ces dernières semaines.
La peur d’un “haircut” sur les dépôts et d’une dévaluation officielle de la livre libanaise, renforcée par l’instauration d’un contrôle des capitaux officieux, pousse de plus en plus de Libanais à se tourner vers l’immobilier pour sauver leurs économies et anticiper une éventuelle faillite du pays.
Les petits budgets se tournent vers l’immobilier résidentiel, privilégiant les petites superficies qu’ils espèrent pouvoir louer plus facilement. La majorité des investissements varie entre 250 000 et 500 000 dollars. L’investissement immobilier locatif est devenu au fil des semaines l’un des meilleurs moyens de sécuriser un capital avec une rentabilité de 3 à 5 % par an.
Une aubaine pour des propriétaires qui cherchaient à vendre leur appartement depuis plusieurs mois. « J’ai reçu de très nombreux appels pour mon appartement de deux chambres à coucher, loué jusqu’en 2021 à 2 000 dollars par mois, charges incluses. Finalement, je l’ai vendu à 500 000 dollars, ce qui assure au futur propriétaire une rentabilité d’environ 4 % par an», explique l’ancien propriétaire d’un appartement autour de la place Sassine.
Ce regain d’intérêt pour la pierre est aussi une bonne nouvelle pour les promoteurs qui ont un stock important d’invendus. Certains appartements qui étaient boudés depuis plusieurs années sont redevenus attractifs aux yeux de clients en panique.
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« Nous sommes en train d’écouler notre stock dans les projets qui sont presque terminés, et sur lesquels nous devons rembourser nos emprunts. La demande a explosé ces derniers jours. Par exemple, dans le projet Urban Dreams, qui se trouve à la corniche du Fleuve, nous avons eu autant de visites en une semaine qu’en deux ans », explique Michel Georr, le CEO de la société CGI (Conseil et gestion immobilière).
Ainsi, selon plusieurs sources, des dizaines d’appartements ont été vendus au cours des dernières semaines. Certaines transactions concernent des biens qui étaient en négociation avant le début des manifestations. La crise financière n’a fait qu’accélérer les démarches.
« Nous avons vendu une dizaine d’appartements en trois semaines à la rue Pasteur, un projet résidentiel à Gemmayzé et plusieurs négociations sont en cours pour Urban Dreams », confirme Michel Georr.
Les acheteurs cherchent en général les meilleures opportunités, et pour les séduire certains vendeurs offrent des rabais intéressants. Par exemple, un promoteur, qui demandait 4 500 dollars le m2 pour ses bureaux à Achrafié en 2017, les propose désormais à 3 000 dollars le m2. À Ras Beyrouth, un appartement qui était à 4 600 dollars le m2 est aujourd’hui à 4100 dollars le m2.
Mais tous les propriétaires n’ont pas la même stratégie. Certains, au contraire, sont devenus moins flexibles, d’autant que certains acheteurs sont tellement paniqués qu’ils ne prennent pas le temps de négocier.
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« Nous avions un appartement au centre-ville affiché à 1,2 million. Son propriétaire était prêt à le céder cet été à un million, pourtant il vient de le vendre à 1,150 million. Idem à Achrafié où nous essayions de vendre un appartement à 460 000 dollars. Depuis des mois, nous n’avions aucune demande. Puis soudainement le propriétaire a reçu des dizaines de demandes de la part d’agents immobiliers. Il a donc décidé d’augmenter son prix à 520 000 dollars et il a trouvé un acheteur », raconte un agent, qui ajoute qu’un propriétaire vient d’augmenter de 15 % ses prix à Ras Beyrouth après avoir vendu une dizaine d’appartements en deux mois. Par conséquent, l’évolution des prix varie d’un immeuble à l’autre en fonction de la situation financière du propriétaire. Si Michel Georr affirme «avoir maintenu les prix », les propriétaires endettés, eux, accordent des rabais de 20 à 30 % par rapport à un à deux ans.
L’immobilier de bureaux et les locaux commerciaux offrent également des opportunités. « Nous sommes en négociation pour un local à Achrafié d’une cinquantaine de mètres carrés à 145 000 dollars avec un locataire qui paie 1 000 dollars par mois», raconte une agente immobilière.
Le foncier intéresse les gros portefeuilles
Le marché foncier bénéficie lui aussi d’un regain d’intérêt, plusieurs parcelles ayant été vendues ces derniers jours. Le foncier intéresse surtout les gros portefeuilles, qui veulent sortir leur capital des banques, ou ceux qui veulent profiter de la situation pour faire de bonnes affaires. Les banques sont très actives sur le marché et tentent de vendre leurs propriétés à leurs clients de peur qu’ils déplacent leur épargne ailleurs. «Certaines proposent même les immeubles où elles ont leur bureau et leur agence » souffle un agent.
Au centre-ville de Beyrouth, plusieurs biens ont trouvé preneur. Selon nos informations, deux immeubles de bureaux et quatre parcelles avec des surfaces constructibles de plus de 12 000 m2 ont été vendus. Des transactions foncières ont été réalisées également à Ras Beyrouth et à Mar Mikhaël.
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Si les opportunités foncières ne manquent pas, il ne faut pas croire que toutes les parcelles sont bradées. Les négociations sont âpres et le bras de fer entre les propriétaires et les acheteurs potentiels est tendu.
« Chaque semaine, nous avons des propriétés qui sont retirées du marché, les propriétaires préférant garder leur parcelle que d’encaisser un chèque dont ils n’ont aucune garantie qu’ils vont pouvoir en profiter. Nous avions par exemple une parcelle à vendre depuis plus d’un an à 4,5 millions de dollars à Hamra. Nous avons reçu il y a quelques jours une offre de 4,1 millions payables au Liban. Le propriétaire a accepté puis 24 heures plus tard, après réflexion, il a décidé de garder son terrain. Il a estimé qu’il n’avait pas d’intérêt à vendre maintenant alors que sa banque lui donne à peine 500 dollars par semaine », raconte un agent immobilier qui a voulu rester anonyme.