Jodi McCarthy vient de passer 18 ans derrière les barreaux, autant dire la moitié de sa vie. Libérée sous conditionnelle à 35 ans, elle est bien décidée à regarder vers l’avenir. Sauf qu’avant de rejoindre sa famille en Virginie-Occidentale, elle s’est promis de récupérer Ricky qu’elle veut arracher aux griffes de son père violent. Un premier détour qui la ramène droit vers le passé et risque bien de l’entraîner trop loin. C’est qu’on ne recommence pas sa vie, on la poursuit, avec son lot de mauvais choix et d’impasses. Voilà ce qu’elle apprendra, qu’il n’y a pas de réparation possible.
Sur sa route, elle croise Miranda, mère de trois enfants qui fuit, elle aussi, un mari violent. Entre les deux femmes naît une passion qui prendra les allures d’un road movie à la “Thelma et Louise”. Direction, les Appalaches où Jodi a été élevée par sa grand-mère. Tous ensemble, ils s’installent dans la cabane de son enfance au cœur des bois, formant sinon une famille, du moins une tribu. La nature ici n’est pas qu’un décor sauvage, lieu de ressourcement pour chacun des personnages aux trajectoires heurtées, elle a une fonction rédemptrice en même temps qu’elle-même est menacée par l’avidité des hommes.
Mais ce retour aux sources s’avérera plus complexe qu’il n’y paraissait sur le papier : le terrain que Jodi croyait posséder a été vendu aux enchères, les terres alentours rachetées par des compagnies de gaz sont exploitées à coup de fracturation hydraulique, des dealers et proxénètes s’en mêlent. L’intrigue se noue sur fond de préoccupations écologiques. Servie par une écriture en empathie avec ses personnages, Sugar Run réussit le pari d’écrire le portrait d’une Amérique qui n’a que faire des déshérités, comme de la nature.