Qui payera les frais médicaux des patients atteints du coronavirus admis dans les hôpitaux privés ? Incapable de supporter seul le coût de la crise sanitaire, l’État demande aux compagnies d’assurances de mettre la main au pot, et aux hôpitaux privés de faire des efforts. Mais les négociations piétinent et les deux parties se renvoient la responsabilité du blocage.
Normalement, « si une maladie est déclarée « pandémie » par l’Organisation mondiale de la santé, il revient à l’État de supporter tous les coûts liés à l’hospitalisation des patients concernés », rappelle d’emblée le président de l’Association des compagnies d'assurances au Liban (ACAL), Elie Torbey. C’est le cas du Covid-19, que l’Organisation mondiale de la santé a officiellement qualifié de « pandémie » le 11 mars dernier. Mais l’Etat, qui doit déjà prendre en charge les 1,8 million de Libanais qui n’ont aucune couverture maladie (ni CNSS, ni assurances privées, ni caisses professionnelles), demande aux compagnies d’assurances de mettre la main au pot, et aux hôpitaux privés de faire des efforts.
Pour le moment, près de 55 % des assurés sont couverts en cas d’hospitalisation, selon les chiffres communiqués par la Commission de contrôle des assurances (ICC). « Certaines compagnies ont des contrats qui n’ont pas de clauses excluant les pandémies, d’autres ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne les prendront pas en compte. Il y a aussi les travailleurs étrangers qui sont couverts, quelle que soit leur compagnie d’assurance », indique la commission, qui est placée sous la tutelle du ministère de l’Économie. Près de 466.000 personnes seraient donc couvertes contre les risques liés au coronavirus, sur un total de 840.000 polices d’assurances émises, selon les chiffres de l’ICC.
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Mais quid des 374.000 autres ? Des négociations sont en cours entre les assureurs et les hôpitaux privés sous la supervision du ministère de l’Économie, mais les discussions piétinent et les deux parties se renvoient la responsabilité du blocage. Plusieurs formules ont été proposées, mais aucune n’a remporté l’adhésion des différentes parties. Les assureurs ont d’abord proposé au départ de contribuer à un fonds commun de cinq millions de dollars, une somme jugée insuffisante, avant d’envisager une enveloppe de 15 millions de dollars, équivalente à 3,75 % du montant total des primes versées en 2019.
Les compagnies ont finalement proposé de déterminer un nombre maximal de clients à prendre en charge et de fixer un plafond de 35 millions de livres libanaises (environ 23 000 dollars au taux officiel) pour chaque patient, en s’alignant sur les tarifs de remboursement de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
Une tarification que les hôpitaux privés estiment bien trop basse. « Chaque patient coûterait entre 900.000 et 2,5 millions de livres libanaises (entre 600 et 1 777 dollars au taux officiel) selon d’une part la sévérité des cas (moyenne, grave ou critique) et d’autre part l’hôpital où il serait admis », affirme le président du syndicat des propriétaires des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, en soulignant que ce montant inclus les frais des équipements de protection jetable, les médicaments, et les honoraires des médecins.
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Pour Elie Torbey, ce prix est « excessif et similaire à celui d’une hospitalisation en première classe dans ces hôpitaux. Une proposition inacceptable compte tenu de la phase difficile que traverse le pays ». En se basant sur la grille de la CNSS, les assureurs visent un forfait hospitalier compris entre 350.000 et 1,1 million de livres libanaises (entre 233 et 733 dollars au taux officiel).
Sleiman Haroun, lui, met en avant les coûts additionnels et les investissements réalisés par les hôpitaux pour faire face à l’épidémie. « Afin de pouvoir accueillir des patients atteints de coronavirus, nous avons dû payer environ 30 000 dollars par chambre pour assurer l’isolation de chaque patient (filtres, pression négative, …). L’équipement de protection du personnel hospitalier (gants, lunettes de protection, masques chirurgicaux et autres jetables) nous coute également 30 dollars par personne et doit être changé après chaque visite ! La tarification de la CNSS ne prend pas compte ces charges supplémentaires ». Sans parler du manque à gagner subit par le report des actes médicaux non essentiels.
De son côté, la CNSS dit étudier « à la demande du syndicat des hôpitaux, la possibilité de revoir la grille des tarifs », selon son directeur général, Mohammad Karaki. Ce à quoi Elie Torbey rétorque : « quoi qu’il advienne nous nous alignerons à la CNNS». A suivre…