Le ministère du Travail a publié mardi une circulaire présentant ses directives pour le déconfinement des entreprises. Communiquées tardivement, elles sont pour l’instant appliquées à la carte par le secteur privé.
Un grand flou planait, il y a encore quelques jours, sur les mesures préventives à mettre en place contre le Covid-19 dans le cadre de la stratégie de déconfinement progressif des entreprises, lancée le 27 mars par le gouvernement. Le ministère du Travail a cependant en partie remédié à ce manque en publiant sur son site internet une circulaire listant un ensemble de huit directives.
Ce document appelle notamment chaque société à nommer en son sein un « coordinateur » sur les questions liées coronavirus. Son rôle doit être de s’assurer que l’entreprise dispose de tous les contacts de ses collaborateurs afin de les prévenir rapidement en cas de détection d’un cas suspect. Le ministère recommande d’ailleurs la vérification de la température à l’entrée du lieu de travail, la fièvre constituant l’un des symptômes possibles de la maladie.
Le ministère invite également la direction des entreprises à établir « un plan de réduction des contacts » promouvant le télétravail en rotation et, en cas d’impossibilité, limitant les contacts à moins de 1,5 mètres entre collègues. Les entreprises pourront avoir recourt à l’établissement d’un « sens unique de circulation » dans leurs locaux afin d’éviter les bousculades.
Concernant les équipements de protection, le ministère du Travail recommande d’en porter en permanence mais ne précise pas si leur coût doit revenir à l’entreprise ou au salarié. Le gel hydroalcoolique et des désinfectants appropriés pour les équipes de ménage doivent en revanche être fournis par l’employeur.
Le ministère rappelle d’autre part les gestes barrière et invite les entreprises à y sensibiliser leurs équipes. La ventilation des bureaux est enfin également recommandée et la cigarette « à éviter », probablement afin d’éviter les attroupements dans un même espace.
Ces recommandations arrivent toutefois tard, de nombreuses entreprises ayant déjà rouvertes ces deux dernières semaines. Elles ne sont pas non plus suffisamment détaillées pour prendre en compte les différentes réalités du travail propre à chaque secteur. En conséquence, certaines entreprises ont recours à leurs propres sources d’informations quand d’autres tâtonnent encore quant aux mesures à prendre.
Le télétravail pas toujours privilégié
Le groupe industriel Malia s’est notamment appuyé depuis le 4 mai sur les mesures déjà en place dans deux de ses usines Cosmaline et Pharmaline, restées ouvertes pendant le confinement pour fabriquer des désinfectants et des médicaments, pour remettre en ordre de marche ses autres sites de production. « Nous distribuons des masques, des écrans faciaux, des gants et des produits désinfectants à nos ouvriers », explique Joanne Chehab, la PDG du groupe de plus de 700 employés. « Nous avons également dessiné des marquages au sol indiquant des distances de sécurité de 1,5 mètre autour de chaque poste de travail ». Des mesures ont également été prises dans les bureaux du groupe : « Des tours de trente minutes sont pris pour la cantine afin de limiter les contacts », explique ente autres la cheffe d’entreprise. Le groupe, qui encourage fortement ses employés à venir au bureau plutôt qu’à télétravailler, n’envisage pas de modifier ce dispositif.
Le groupe d’investissement spécialiste des nouvelles technologies Resource Group a finalisé, lui, cette semaine sa stratégie en vue d'une réouverture de ses locaux après le 24 mai. Celle-ci s’inspire des directives du ministère du Travail, mais aussi des recommandations de l’OMS, de celles de l’agence fédérale américaine CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) et des directives générales publiées par le ministère de la Santé début février. « Les employés seront encouragés à prendre les escaliers et l’utilisation des ascenseurs devra être limitée à leur capacité maximale de deux personnes », explique la responsable communication Ghina Ramadan. « Nous allons encourager le télétravail et les rotations pour la présence dans les bureaux, instaurées de fait par la circulation alternée , afin mieux respecter les distances de sécurité », ajoute-t-elle. Les employés et visiteurs se verront également prendre leur température à l’entrée.
Lire aussi: A bord d’un camion-clinique de dépistage du Covid-19 au Liban
Le relevé de température n’est cependant pas une mesure appliquée dans toutes les entreprises. Nadim Chammas, gérant de trois boutiques de mode masculine – Slowear, Trunk et 1969 - qui ont rouvert leurs portes partiellement depuis le 30 avril n’a pour l’instant pas recours à cette mesure. Il met en revanche à disposition de ses clients et de ses huit employés des masques et du gel hydroalcoolique. « Je préfère faire appel à la responsabilité individuelle », explique-t-il. Les surfaces exposées, comme les poignées de portes, sont nettoyées régulièrement et les vêtements mis à l’écart pendant plusieurs heures avant chaque mise en rayon. « Ces mesures sont le fruit de nos propres recherches et des informations communiquées par nos fournisseurs », explique Nadim Chammas.
Un manque de traçabilité
Le fait que chaque entreprise utilise ses propres sources d’information donne cependant parfois lieu à des pratiques discutables. Le gérant d’un complexe balnéaire articule ainsi sa stratégie de réouverture, à partir du 8 juin, autour d’une étude du gouvernement américain présentée fin avril à Washington, sur la capacité de la chaleur et des rayons UV à affaiblir le virus dans l’air et sur les surfaces. « Avant l’arrivée des clients les serviettes et transats seront exposés durant minimum trois heures au soleil, qui est le meilleur désinfectant naturel », explique ainsi le gérant. Or les résultats et la méthodologie de cette étude n’ont pour l’instant pas été publiés par les scientifiques et l’OMS continue d’avertir sur son site que « s'exposer au soleil ou à des températures supérieures à 25 °C n’empêche pas de contracter la maladie ».
Lire aussi: L’épidémie de Covid-19 devrait coûter 43 à 58 millions de dollars au système de santé
Le ministère du Travail comme la plupart des entreprises interrogées par Le Commerce du Levant n’avaient, enfin, pas établi de processus permettant de retracer les contacts humains, dans l’entreprise et avec ses partenaires, en cas de détection en interne d’un cas positif. « C’est effectivement un point sur lequel nous ne nous sommes pas penchés, reconnaît un spécialiste de la distribution qui a déjà rouvert ses portes, les caméras de sécurité peuvent nous aider en dernier recours pour retracer les contacts mais il pourrait être utile de les cartographier au préalable ».