Les dégâts matériels que les assureurs pourraient être amenés à indemniser à Beyrouth sont considérables. Pour y faire face, les compagnies comptent sur le soutien de leurs réassureurs.
La pression s’accentue sur les assureurs, à l’heure de faire le bilan des dégâts matériels causés par la double explosion de mardi au port de Beyrouth. Bâtiments et marchandises pulvérisés au port, vitres brisées et murs effondrés dans la capitale, voitures écrasées… L’ampleur des destructions est considérable.
« En tant qu’assureurs, nous n’avons jamais fait face une telle catastrophe », affirme un professionnel du secteur, qui préfère ne pas être cité. Le mohafez de Beyrouth, Marwan Abboud, a évalué le montant total des pertes entre trois à cinq milliards de dollars, bien que cette estimation encore très approximative ne concerne pas uniquement des biens couverts.
Les réclamations déjà présentées sont pour l’instant relativement peu nombreuses mais devraient augmenter dans les prochains jours. La compagnie Fidelity affirme ainsi en avoir reçu moins de 200. « Mais nous nous attendons à recevoir plus de 500 dossiers », selon Imad Abou Chakra, en charge de la distribution des polices non-vie de la compagnie.
Les assurances IARD (incendies, accidents et risques divers) sur les locaux, les équipements, les stocks ou véhicules, souscrites majoritairement par le secteur privé, sont les principales concernées. « Nous envoyons nos experts sur place pour les sinistres les plus importants et concernant les dégâts moindres, comme les bris de vitres, nous demandons aux assurés de prendre eux-mêmes des photos », explique Imad Abou Chakra.
L’avenir de ces réclamations est cependant suspendu à l’aboutissement de l’enquête sur les causes de l’explosion. Selon les contrats, tous les types d’évènements ne sont en effet pas couverts. « La clause de violence politique qui couvre par exemple les attentats et la guerre ne fait pas partie des polices standards et n’est pas incluse par défaut dans les polices d’assurances », explique l’actuaire Ronald Chidiac, spécialiste du secteur. Dans une moindre mesure, les explosions provoquées par des produits chimiques sont aussi parfois aussi exclues.
La commission d’enquête administrative présidée par le Premier ministre Hassan Diab devrait en théorie rendre son rapport en début de semaine prochaine. « Une fois ses conclusions présentées et toutes les factures en main, deux à trois semaines sont nécessaires pour mener à bien le processus d’indemnisation », affirme Imad Abou Chakra, de Fidelity. Mais encore faut-il que ses conclusions soient claires, estime Ronald Chidiac : « Sinon le processus d’indemnisation des réassureurs pourrait être retardé de plusieurs années ». Or, face à l’ampleur des dégâts, les professionnels libanais du secteur comptent sur le soutien des réassureurs. « J’espère que l’enquête à elle seule va permettre de lancer le processus mais ce n’est pas certain ; il est probable le règlement des indemnités passe finalement par une décision concertée entre tous les acteurs du secteur », estime un assureur, sous couvert d’anonymat.
L’assureur du port de Beyrouth, MedGulf, devrait pour sa part lancer sa propre expertise, indique le président de l’Association des compagnies d’assurances libanaises (Acal), Elie Torbey. « Cette enquête parallèle devrait permettre de convaincre les réassureurs », espère-t-il.
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Pour les assurés, l’autre grand inconnue concerne le taux que change auquel seront versées ces indemnités. Taux officiel, « lollar » au taux de la Banque du Liban ou dollar… ces modalités de paiement auront un impact considérable sur la capacité des souscripteurs à obtenir un remboursement satisfaisant des montants engagés pour les travaux de réparation. « Il est peu probable que des « dollars frais » soient versés », affirme Elie Torbey. « Selon les modalités de paiement des primes, les assurés doivent s’attendre à toucher soit des « lollars », soit des livres libanaises. », prévient-il.