Il y avait foule ce mercredi matin devant le portail du collège des Frères Mont La Salle, à Gemmayzé. Dans ce quartier dévasté par la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, ils étaient nombreux à attendre l'aide humanitaire d'urgence envoyée au Liban et distribuée par l'armée libanaise.
« Je ne sais pas d’où vient l’aide. Je sais que dans les cartons, il y a des produits alimentaires comme du riz, de l’huile, de la farine, des spaghettis, ainsi que des produits de nettoyage », raconte la capitaine chargée de superviser la distribution. « Nous avons reçu l’ordre d'intervenir dans les régions adjacentes au port », ajoute-t-elle.
Une mission plutôt bien perçue par la population. « Nous faisons confiance à l’armée, c'est l'une des seules institutions publiques où la corruption n’est pas largement répandue », affirme une habitante du quartier qui vit désormais sans fenêtres. « Je vis en plein air, je fais du camping ! », plaisante-t-elle malgré tout, en prenant son carton, avant de le poser sur le sol et de s'asseoir dessus. La quinquagénaire en profite pour ranger sa carte d'identité et reprendre des forces. L'attente a été longue, car les officiers doivent s'assurer que chaque bénéficiaire a son nom sur la liste que leur a transmis le mokhtar du quartier.
Chargés d'identifier les personnes les plus affectées par la catastrophe, les élus locaux passent en effet leurs journées à faire des listes . « Je connais tout le monde dans le quartier, mais je suis soucieux d’être le plus juste possible. Je fais attention à bien choisir les personnes les plus affectées car les listes doivent avoir un nombre limité de noms. J'en ai donné près d'une centaine depuis la semaine dernière », témoigne l'un d'entre eux, assis derrière son bureau noyé de cartes d’identité. « Je ne prend en considération aucun autre facteur que la situation matérielle. La religion, la nationalité… Ça ne m’intéresse pas, nous sommes tous des êtres humains dans le besoin », assure le mokhtar, en soulignant que les étrangers résidents dans le quartier y ont aussi accès.
Lorsqu'il termine sa liste, il appelle les personnes éligibles pour leur donner la date à laquelle ils pourront récolter les dons. « Il arrive que des habitants d'autres quartiers frappent à ma porte pour me demander de les ajouter sur ma liste, mais je les renvoies vers leur propres élus car ils connaissent mieux leur situation et sont en mesure de juger l'ampleur des besoins. C'est un gage de transparence » affirme le mokhtar.
Une transparence à laquelle l’armée libanaise dit aussi tenir . « Pour le moment, nous n’avons pas eu de problèmes, mais si nous remarquons des irrégularités dans les listes fournies par les autorités locales, nous ne resterons pas les bras croisés ! » assure la capitaine, en remettant le dernier carton de la journée.