Face à la crise économique et sanitaire, l’établissement prévoit de lancer une plateforme numérique en 2021, en misant sur le potentiel des paris sportifs.
Un Casino du Liban virtuel est prévu pour février 2021. Le seul établissement autorisé à organiser des « jeux prohibés » au Liban, qui opère sous licence de l’État, a lancé un appel d’offres pour le développement et la gestion durant quatre ans d’une plateforme de jeux en ligne, dont les résultats seront annoncés mi-novembre. Onze candidats ont fait part de leur intérêt.
Dans les tiroirs de la direction de l’établissement depuis plusieurs années, le projet a été remis sur le tapis par l’épidémie de Covid-19, qui l’a contraint à fermer ses portes pendant plusieurs mois, avant sa réouverture fin mai. « Cela a représenté un manque à gagner de 48 millions de dollars », déplore Nassib Antoun, directeur des ressources humaines du Casino du Liban, en charge du projet. Une perte importante pour un chiffre d’affaires de 174 millions de dollars en 2019.
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D’où l’intérêt d’un e-casino, qui s’adresserait en priorité aux ressortissants des pays arabes et à la diaspora libanaise. Objectif : 60 000 joueurs et 50 millions de dollars de revenus la première année, puis 100 millions l’année suivante. Tout comme l’établissement de Maameltein, le casino virtuel reversera 50 % de ses revenus au Trésor jusqu’en 2026, date à laquelle l’accord avec l’État devra être renégocié.
En attendant la conclusion de l’appel d’offres, le coût total du projet reste inconnu. Le coût opérationnel devrait toutefois fluctuer entre 15 et 20 % des revenus générés, estime le DRH. «C’est beaucoup moins que le coût opérationnel du Casino physique, où 30 % des revenus sont alloués rien qu’aux salaires des employés », note-t-il.
Miser sur les paris sportifs
Sur le site multilingue (arabe et anglais), les futurs joueurs retrouveront les jeux traditionnels (bingo, baccara, poker…), mais le Casino du Liban souhaite se spécialiser sur le segment des paris sportifs. Un marché énorme qui devrait atteindre 125 milliards de dollars dans le monde en 2022, selon le centre de recherche Technavio. Le problème, c’est que le Casino du Liban a beaucoup de retard, les premiers sites de jeux en ligne étant apparus aux États-Unis et au Canada dès les années 1990. Pour s’imposer face à une offre mondialisée, l’établissement devra donc devoir offrir des « gains plus élevés que la concurrence, quitte à sacrifier un peu de profit à court terme », indique Nassib Antoun.
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Ses chances de succès reposeront sur la manière dont le nouveau site déterminera la cote des événements sportifs ouverts aux paris. « Nous devons encore signer avec des sociétés internationales », explique le responsable. Cette cote est en effet établie par des opérateurs extérieurs en fonction de nombreux critères de probabilité. Plus la cote est élevée, plus le résultat est improbable et plus le parieur peut gagner gros. Par exemple, si un internaute parie dix dollars sur le club de football du Paris Saint-Germain (PSG) lors d’un match de football PSG-Arsenal, alors que la victoire du club français est cotée 3,50, le parieur touchera 35 dollars (10 × 3,50), soit un gain net de 25 dollars en cas de victoire.Les paris pourront se faire «en livres libanaises, en dollars, et peut-être même en euros », affirme Nassib Antoun. Ce dernier précise que les paiements effectués par des joueurs à l’étranger seront déposés dans des comptes bancaires à l’étranger, même si les serveurs et l’équipe gérant le site seront au Liban.
Des barrières juridiques ?
L’établissement estime n’avoir pas besoin d’une nouvelle licence d’exploitation pour lancer son futur site. Il se met pourtant à portée de clics de milliers de Libanais, alors qu’au moment de sa création, le choix de son emplacement physique à Maameltein avait été décidé pour éviter l’afflux massif des citadins et surtout des jeunes vers les machines à sous et autres jeux de hasard. « D’un point de vue juridique, cela pourrait être considéré comme un manquement à ses obligations », fait valoir un avocat sous couvert d’anonymat.
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C’est pourquoi sans doute le Casino insiste sur ses engagements en matière de lutte contre l’addiction. « Nous avons opté pour un “jeu responsable” conforme aux standards internationaux », fait valoir Nassib Antoun : « De stricts contrôles d’identité permettront d’empêcher que des mineurs s’y inscrivent et nous prendrons un soin extrême à ne pas favoriser des opérations de blanchiment d’argent. » Le recours à l’intelligence artificielle est prévu pour détecter l’addiction aux jeux en analysant la façon de jouer des clients.
Fondé en 1959, le Casino du Liban est détenu à 52 % par l’ancienne banque Intra, elle-même détenue partiellement par la Banque du Liban, mais aussi par des investisseurs privés (32%) et par la compagnie Abela pour le tourisme et le développement (16 %). Une loi datant de 1954 lui donne un quasi-monopole sur les jeux de hasard au Liban, avec des exceptions pour quelques centres de divertissement autorisés à proposer certains jeux avec des mises plafonnées.