La pandémie de Covid-19, couplée à une crise économique mondiale, a mis au jour les déséquilibres macroéconomiques structurels dont souffrent les pays en développement et à faibles revenus, et dont l’accroissement des inégalités, la surcharge des systèmes de santé ou encore l’escalade des frais de scolarité dans le privé sont des symptômes, parmi d’autres.
La crise devrait pousser ces pays à repenser leurs modèles économiques pour favoriser une stratégie de développement durable, qui passerait notamment par l’assainissement du système financier, la réforme de la politique fiscale, la protection des ressources, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et la restauration d’un véritable lien de confiance avec les citoyens.
Ces enjeux, qui concernent particulièrement le Liban, étaient au cœur du webinaire organisé le 26 octobre par Le Commerce du Levant, en partenariat l’Association libanaise pour les droit et l’information des contribuables (Aldic). Modérée par Sami Atallah, directeur exécutif du Centre libanais d’études politiques (LCPS), la visioconférence a réuni Heidemarie Wieczorek-Zeul, ancienne ministre allemande et ex-gouverneur de la Banque mondiale, Ishac Diwan, professeur d’économie à Paris Sciences et Lettres, et Alia Moubayed, économiste en chef pour la région Moyen-Orient-Afrique du Nord et l’Asie centrale de la banque d’investissement Jefferies.
« L’objectif de ce webinaire est de prendre du recul par rapport à la gestion quotidienne de la crise financière et de regarder vers le moyen terme », a introduit Sami Atallah. « A quel modèle aspire-t-on et quelles mesures doivent être mises en place aujourd’hui pour y parvenir ? ».
Pour l’économiste Ishac Diwan, le Liban doit se doter d’une vision pour le futur, en parallèle de la réponse à la crise actuelle. « Aucun changement politique ne peut advenir sans cela », a-t-il affirmé. S’ils ne savent à quoi ils pourront aspirer à l’avenir, « les politiciens vont se battre pour avoir tout de suite leur part du gâteau », a-t-il prévenu. Cette vision est également indispensable pour donner de l’espoir aux Libanais, a réagi Alia Moubayed, pour qui « le manque de direction, en plus des escarmouches politiques actuelles, est insupportable ».
Le nouveau modèle libanais doit se bâtir autour du développement des exportations, ont estimé les deux économistes. Heureusement, le pays ne part pas de rien. « Nous avons déjà démontré notre capacité à exporter des produits de niche dans un vaste éventail de domaines », a rappelé Ishac Diwan, citant les exemples de l’agro-alimentaire, la joaillerie ou encore des services.
Lire aussi: Les promesses de l'export
Le Liban devra néanmoins apprendre à faire jouer ses avantages comparatifs dans un marché régional appelé à devenir de plus en plus concurrentiel. « La région traverse une période de transformation structurelle, principalement liée aux bouleversements des secteurs pétrolier et gazier », a expliqué Alia Moubayed. Les pays producteurs, autrefois exportateurs nets de capitaux, deviennent progressivement importateurs. « La concurrence pour l’accès au capital va donc augmenter et le Liban va devoir se positionner ». Des ajustements macroéconomiques doivent être entrepris dès aujourd’hui pour améliorer le climat des affaires dans le pays, selon l’économiste.
Mais pour que la croissance des exportations se traduise par un développement durable dans le pays plusieurs prérequis sont nécessaires. « Pour être inclusive, la croissance doit s’accompagner de justice sociale, et d'une création d’emplois à revenus moyens dans des secteurs protégés », a notamment expliqué Ishac Diwan. L’économiste préconise également « une amélioration de la qualité du secteur éducatif, en particulier au niveau universitaire, ainsi qu’une meilleure protection de l’environnement. « L’idée n’est pas de devenir le nouveau Dubaï – qui tient plus du projet immobilier que du projet national – mais peut-être de s’inspirer de modèles comme celui du Costa Rica, appuyé sur les nouvelles technologies et la croissance verte ».
Pour sa part, l’ancienne ministre allemande, Heidemarie Wieczorek-Zeul, membre du Groupe de haut niveau sur la responsabilité, la transparence et l'intégrité financières internationales (FACTI Panel) des Nations Unies, a souligné l’importance pour le Liban de lutter contre la corruption, en rappelant que les leviers internationaux, comme la session spéciale de l’Assemblée générale contre la Corruption programmée en juin, pouvaient être un bon moyen pour les pays membres de mutualiser leurs forces afin de promouvoir la transparence à l’échelle nationale.
Pour les résumés et vidéos des précédents webinaires: Comment aider le Liban à mieux écrire son histoire ? Le Liban dans la tourmente économique et financière : quelles pistes pour une sortie de crise ? |