Si le Liban n'est pas redevenu un centre régional, comme avant-guerre, son
pouls économique bat plus que jamais au rythme de son environnement
arabe. L'argent du pétrole coule à flots dans toutes ses artères sans que personne
ne prenne la peine d'étudier l'impact de ces liquidités excédentaires,
comme si aucune leçon n'avait été tirée des deux premiers chocs pétroliers.
De façon indirecte, en alimentant un boom de la reconstruction au Moyen-Orient,
les pétrodollars ont, par exemple, redonné le sourire aux cimentiers libanais, qui
exportent aujourd'hui sans peine leurs excédents de production dus aux
investissements excessifs des années 1990.
L'effet le plus immédiat de cette manne se mesure en Bourse et dans l'immobilier.
Une tentative d'analyse financière de l'action Solidere met le phénomène
clairement en évidence. La valorisation de la société chargée de reconstruire le
centre-ville de Beyrouth dépend étroitement du prix du mètre carré des terrains
proposés à la vente. Or ce dernier se justifie uniquement par l'importance de la
demande exogène qui, depuis quelques mois, se concrétise à un rythme accéléré.
Paradoxalement, le mini-krach survenu sur les places financières naissantes du
Golfe devrait contribuer à gonfler la bulle immobilière au Liban, les investisseurs
étant plus que jamais à la recherche de
placements pour leurs liquidités surabondantes.
Parler de bulle signifie que l'immobilier fonctionne
selon des règles propres, en
apparence déconnectées des autres
marchés, beaucoup moins florissants. Dans
certains secteurs, le corps économique est tellement endormi que les électrochocs
suffisent à peine à le faire frémir. En témoigne la très légère hausse des
ventes de matériel de sécurité, malgré la vague d'attentats qui a secoué le pays.
L'explication est simple : les entreprises et les particuliers n'ont tout bonnement
pas les moyens d'investir dans ce type d'équipements en période de vaches maigres.
Même s'il est prédominant dans la relation entre le Liban et son environnement
arabe, le facteur pétrolier n'empêche pas d'autres types de liens. La comédie
musicale Bosta doit son succès financier à la possibilité de rentabiliser la production
sur un marché arabophone bien plus large que le Liban.
Sur une note moins réjouissante, le sentiment de proximité est tel entre les
Libanais et leurs voisins, que la consommation de poulet a chuté dans des proportions
énormes au pays du Cèdre dès que le virus de la grippe aviaire a été signalé
dans la région. Les pertes sont très lourdes pour la filière avicole, alors
qu'elle n'a pas été contaminée (du moins pas officiellement).
Même s’il est prédominant,
le facteur pétrolier n’empêche
pas d’autres liens.