«Le Liban est un pays généralement sûr… » Une personnalité économique répétait récemment en public l’argument destiné à confirmer l’attrait touristique du
pays, avant de se reprendre un peu gênée : « à l’exception de la malheureuse année 2005 bien entendu. » Comme si elle n’avait été qu’un épisode sans conséquence.
Le ministre de tutelle ne s’attend-il pas à ce que nous battions à nouveau un record, avec 1,5 million de touristes en 2006 ? Après les « désagréments sécuritaires »
des mois passés, tout semble se normaliser.
Ces bouches à nourrir, ces familles à loger et à divertir… relanceront la consommation, principal moteur d’une croissance cahotante. Les poumons de la montagne libanaise se gonfleront de cette bouffée d’oxygène apportée par nos voisins du Golfe, tandis que les vagues d’expatriés en vacances déferleront sur le littoral. Que du bonheur et des dollars à pleines poignées en perspective.
Quel esprit chagrin pourrait y trouver à redire ? Le tourisme est un secteur phare de notre économie. C’est incontestable : les atouts du Liban sont nombreux et il aurait
tort de ne pas en profiter. Mais pourquoi s’en contenter béatement ? Au-delà de son caractère cyclique, le modèle est un peu court. Le potentiel du pays est
tellement plus vaste ! Informatique, finance, publicité, audiovisuel, distribution, télécoms... tous les ingrédients d’une « success story » sont là.
La réussite du nouveau terminal de conteneurs du port de Beyrouth que nous évoquons dans ce numéro n’est qu’un exemple parmi d’autres des capacités libanaises à se distinguer quand l’État a le bon goût de promouvoir l’esprit d’entreprise du privé au lieu de l’entraver. Beaucoup de salive, beaucoup d’encre ont déjà coulé pour le dire.
Peine perdue ? La politique s’enfonce à nouveau dans des marécages gluants en attendant qu’un électrochoc externe l’en sorte éventuellement (des preuves de Brammetz, une guerre en Iran, un attentat d’al-Qaëda…). L’économie est-elle condamnée à se morfondre dans le même immobilisme ? Doit-on refermer la parenthèse 2005 et l’espoir que s’enclenche un processus durable de création de richesses au lieu de vivre uniquement au rythme des flux touristiques ?