En annonçant les modalités d’utilisation
des dons en liquide effectués par
les pays du Golfe au Liban, le
Premier ministre a voulu faire oeuvre de
transparence. Chacun des bailleurs disposera
d’un compte spécial en son nom
propre auprès de la Banque centrale et il
décidera comment dépenser cet argent, a
assuré Fouad Siniora à un public échaudé
par des années de gaspillage et de clientélisme
aux frais de l’État. Il répond aussi aux
craintes exprimées par les généreux donateurs
qui ont ainsi la garantie de savoir
exactement à qui sera allouée leur aide
financière non négligeable puisqu’elle totalise
près d’un milliard de dollars.
Même la création d’un fonds chargé de
collecter toutes les aides et de contrôler la
manière dont elles sont dépensées a été
écartée, au motif que la gestion d’un tel
organisme – pourtant recommandé par le
gouverneur de la Banque centrale et soutenu
par le gouvernement à Stockholm –
serait trop compliquée. C’est donc par
Dans l’état actuel
de l’administration, même
le Premier ministre n’est
pas en mesure d’assurer
que les fonds ne seront
pas gaspillés
pragmatisme, et certainement par expérience,
après de longues années passées à
la tête du ministère des Finances, que
Fouad Siniora a préféré ne pas promettre ce
qu’il savait ne pas pouvoir garantir : dans
l’état actuel de l’administration et du partage
des pouvoirs, même le Premier ministre
n’est pas en mesure d’assurer que les
fonds mis à la disposition de l’État ne seront
pas gaspillés.
La décision est certes responsable et
louable. Elle est aussi politiquement habile,
car elle permet d’écarter tout risque d’accusation
de malversation. Elle n’en symbolise
pas moins un terrible aveu d’impuissance.
Sans compter qu’en s’en remettant à chaque
bailleur pour le choix des dépenses, le gouvernement
signifie aussi qu’il n’a pas réfléchi
à un plan d’ensemble et que la reconstruction
sera donc à géométrie variable.
Difficile aussi de comprendre, dans ces conditions,
comment le gouvernement va convaincre
les bailleurs de fonds internationaux
invités à une conférence le 15 janvier à Paris
de sa capacité à mettre en oeuvre les
réformes nécessaires au redressement
économique et financier du Liban. À moins
que cette fois, tirant les leçons de Paris II, le
gouvernement choisisse de passer en force,
aidé en cela par les conditions strictes de
déblocage progressif des fonds que les principaux
bailleurs envisageraient d’imposer.