La capacité de l’économie libanaise
à résister aux chocs les plus violents
ne cesse d’étonner : la fragile
embarcation a traversé des tempêtes qui
auraient eu raison des navires les plus
solides. Alors que les organismes économiques
s’égosillent en vain pour tenter
d’amener les divers responsables politiques
à trouver un terrain d’entente et
sortir enfin le pays de l’ornière, les
embouteillages monstres qui ont envahi
la capitale à l’occasion des fêtes de fin
d’année ont témoigné d’un appétit de
consommation intact. Certains commerçants
n’en reviennent toujours pas : en
quelques jours ils ont réussi à sauver leur
année ou en tout cas à limiter considérablement
les pertes.
Il faut toutefois se garder de trop se
réjouir de ces signaux positifs. D’abord
Beyrouth n’est pas le Liban. Analyser l’économie
de tout un pays à travers le
prisme de la capitale est une vieille habitude
qui déforme souvent la réalité.
Ensuite et surtout, le niveau de la consommation
n’est pas forcément un bon
indicateur dans un pays qui dépend à ce
point des importations. L’embellie dont
bénéficie un secteur ne touche pas les
autres, car les effets d’entraînement sont
quasiment nuls, la chaîne de la valeur
ajoutée dépassant rarement deux niveaux.
La problématique est désormais connue :
les Libanais dépensent globalement
davantage que ce qu’ils gagnent. La dette
n’est pas seulement celle de l’État, mais
celle de tout une économie dont les
rouages continuent de fonctionner
uniquement grâce au “huilage” régulier
des dollars venus de l’extérieur. Ces
injections massives sont le fait d’agents
privés qui continuent de faire confiance
au système libanais (à travers les dépôts
bancaires qui représentent plus de 350 %
du PIB), rappelait récemment un responsable
du Fonds monétaire international.
D’où l’absence de réaction des
créanciers, qui sont dilués. C’est ce qui
explique la “résilience” du secteur
financier libanais, garant de la stabilité de
tout le système.
Le phénomène perdure depuis plus d’une
décennie : le diagnostic de la crise date
de 1995-1996. Cette année marquera-telle
l’entrée en convalescence ? Rien
n’est moins sûr.
La problématique
est désormais connue :
les Libanais dépensent
globalement davantage
que ce qu’ils gagnent.
La dette n’est pas
seulement celle de l’État