Le Liban a tous les éléments pour un formidable bond en avant
«Tu es encore ici ? » La question
est inévitablement adressée à
tout Libanais qui a le “profil” de
l’émigrant (jeune et diplômé), mais continue
pourtant de résider et de travailler à
Beyrouth. Elle remue en lui des sentiments
contradictoires, entre l’envie d’aller tenter
sa chance ailleurs et l’attachement à un
pays, une vie. Elle suscite aussi de l’écoeurement.
Car, inexorablement, l’émigration
vide le Liban des raisons de croire à un
avenir meilleur. À la différence de pays où il
faut bâtir les fondements mêmes d’une
société en mesure de se développer,
comme on en compte encore beaucoup en
Afrique, l’économie libanaise a tous les
atouts pour réussir. Seule la sauce ne
prend pas. Ailleurs, il n’y a ni capital ni travail.
Aucune ressource. Le Liban, au
contraire, en regorge. Il attire des flux
financiers par centaines de millions de dollars
: que ce soit des liquidités en mal de
placements ou l’épargne de sa diaspora. Et
il produit tellement de ressources humaines
qualifiées qu’elles vont créer de la valeur
ajoutée à Dubaï, Londres, Bucarest ou
Sydney.
Quel gâchis ! L’hémorragie touche tous les
secteurs : le tourisme bien entendu, premier
affecté par la crise en raison de sa
forte sensibilité à la conjoncture, mais elle
est tellement grave qu’elle concerne désormais
même des secteurs considérés
comme les fleurons du pays, telle la
banque.
Le Liban ne susciterait pas d’espérances
s’il n’avait pas tous les éléments pour un
formidable “bond en avant”. La désillusion
et la rage sont à la mesure de ces
espoirs déçus. Les résultats de l’année
2006 ne reflètent pas encore entièrement
l’ampleur du désastre, car le premier
semestre a relativement compensé les
pertes liées à la guerre. En revanche,
2007 s’annonce bien morose. À moins
d’un sursaut politique salvateur ?