Il y a quelque chose d’absolument fou au pays du Cèdre. Pendant que l’armée assiège le camp de Nahr el-Bared, des noctambules écoutent à la belle étoile des musiques à tue-tête. Pendant que des flopées de jeunes rejoignent frères ou cousins dans le Golfe pour y dégoter un job, une poignée de créatifs inaugurent à Beyrouth un nouveau site Internet pour que les filles du Moyen-Orient restent à la pointe de la mode. La peur des attentats a vidé les rues de la capitale en soirée, mais les bureaux continuent de faire le plein tous les matins. Crânement, les Libanais font le dos rond. Ses institutions sont menacées les unes après les autres, mais le pays tient toujours. Chaque crise, aussi grave soit-elle, est suivie d’une reprise. Les représentants de certaines grandes entreprises sont étonnés eux-mêmes de constater les résultats – bons – des premiers mois de 2007. Et puis… patatras !
Sisyphe remonte la pierre chaque fois qu’elle dévale la pente. L’énergie qui se dégage de ce petit pays épate diplomates, touristes et amis lointains. Les Libanais en sont fiers. C’est devenu leur marque de fabrique. Adaptabilité, capacité à rebondir… des qualités “culturelles” qui enrichissent leur CV. Dans le fond pourtant, ils les troqueraient probablement volontiers pour des atouts plus classiques. Quelle perspective plus enviable pour un Libanais que la garantie de la normalité ? Se dire qu’un pas en entraînerait un autre, dans une direction bien définie, qu’un processus d’accumulation est possible. Cette frustration de la précarité… Ce sentiment désespérant de devoir recommencer à zéro... Combien de temps est-il possible de tenir ?
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