L’incertitude est devenue une donnée fondamentale du comportement des agents économiques libanais. Comment en serait-il autrement dans un pays qui ne sait pas de quoi demain sera fait, si même une élection aussi importante que la présidentielle pourra se tenir ?
Les conséquences sont en tout cas clairement lisibles dans le paysage des affaires. Les investissements locaux s’orientent vers des secteurs rapidement rentables, comme l’immobilier ou la restauration. Mais le capital a surtout tendance à chercher des opportunités sous des cieux plus prometteurs, comme en témoigne l’expansion tous azimuts des entreprises libanaises dans la région. Le Liban n’est souvent plus qu’un port d’attache pour des sociétés qui ont choisi de prendre le large.
Les banques montrent en particulier l’exemple, le taux de rentabilité de leurs capitaux propres à Beyrouth étant de moins en moins attractif aux yeux de leurs actionnaires. Même ceux qui ont le goût du risque choisissent des aventures au-delà de nos frontières, à l’instar des pionniers de la conquête du Kurdistan irakien. Les difficultés sont grandes dans cette zone vierge, mais le jackpot encore possible, alors qu’au Liban les espoirs de réformes ont fait long feu.
Le travail franchit encore plus allègrement les frontières que le capital. L’exportation de la main-d’œuvre libanaise est une industrie à part entière. Si les statistiques officielles sont fabuleusement imprécises, le phénomène reste malgré tout mesurable : à ce rythme, le tiers des Libanais âgés de 15 ans aujourd’hui auront émigré avant l’âge de 32 ans. Même si l’on compte sur l’argent que cette diaspora ne manque pas d’écouler dans son pays d’origine, il est difficile de considérer que cette hémorragie est bénéfique à long terme.