À mesure que la crise se prolonge, le champ des possibles rétrécit. Quel fou peut-il encore avoir de l’ambition pour le Liban dans l’état de délabrement institutionnel dans lequel il se trouve ? Vouloir le transformer en Monaco, Singapour, Hong Kong, Irlande du Moyen-Orient... Ces comparaisons semblent relever d’un autre temps, quand l’espoir était encore crédible. Le vœu le plus répandu pour cette nouvelle année 2008 témoigne du désenchantement politique absolu de la société libanaise : « Je n’ai peur que d’une chose : la guerre. »
Cette phrase maintes fois entendue est peut-être le dernier ciment du tissu social. La mémoire encore fraîche du conflit de 1975-90 agit comme un puissant modérateur de l’ardeur de jeunes générations plus facilement prêtes à en découdre.
La confrontation est violente, mais elle ne s’exprime pas militairement. C’est à ce précieux acquis de paix civile que s’accrochent résolument tous ceux qui continuent de vivre au Liban d’y travailler, d’y investir.
Introuvable quand il s’agit d’influer sur le politique, la société civile n’en manque pas moins de vivacité. Elle encaisse les chocs quasiment sans broncher et repart de plus belle. Quiconque rend visite aux Libanais se demande s’ils ont vraiment conscience de la gravité de la situation tant leur capacité à faire abstraction de l’environnement politique est impressionnante. S’accommoder des défaillances de l’État, se replier sur la sphère privée est devenu une seconde nature.