Un article du Dossier

Distribution

“No parking, no business”. Le concept de mall, pensé il y a cinquante ans,alors que le monde croyait à une croissance sans faille, a-t-il encore un avenir ?
Aux États-Unis, les centres commerciaux se réinventent, tentent de devenir des villes dans la ville. En Asie, d’autres modèles se dessinent qui pourraient bien décider de l’avenir de la grande distribution.

Le concept du centre commercial, tel que
nous le connaissons, n’est pas si vieux : il
est apparu, dans les années cinquante,
aux États-Unis avec la démocratisation de la voiture
pour tous. Son succès table sur un mariage
à ingrédients uniques, que l’on pourrait résumer
comme celui de l’automobile et du réfrigérateur.
Mais, avec la fin du pétrole pas cher, un
tel modèle peut-il survivre ? La réponse : non.
Des études pour le continent américain montrent
d’ailleurs qu’une hausse de quelques
centimes de dollars du prix de l’essence à la
pompe se répercute immédiatement sur la
fréquentation des hypers.
Aux États-Unis, un nouvel urbanisme tente donc
de penser la ville de demain à partir d’un
constat simple : l’approche du “pic” pétrolier va
modifier en profondeur notre conception de la
ville et nos besoins de consommation. La crise
économique actuelle ne faisant qu’accélérer
ces modifications dans nos modes de consommation.
Depuis le milieu des années 1990, on
assiste ainsi à un repeuplement des villes, au
détriment des banlieues jugées trop insécurisées
et, plus encore, trop éloignées des centres
de vie. Entre donc “la fin des banlieues” et
l’émergence d’un “urbanisme piéton”, de nouvelles
réflexions sur la ville émergent qui, toutes,
remettent en cause les modèles commerciaux,
en particulier celui du mall, dans un monde
dominé désormais par une consommation
autrement. Face au déclin (certains chercheurs
parlant, eux, de mort) des centres commerciaux,
les malls tentent donc de se réinventer :
en pariant sur la présence d’enseignes dégriffées
ou de “seconde main” avec des espaces
dédiés à des magasins low-cost tels des “fripiers”,
qui vendent des vêtements déjà portés
ou des surplus de stock. Un certain nombre de
promoteurs construisent aussi des “quartiers de
ville”, avec habitats, locaux d’activité et zones
commerçantes. Ce qu’on appelle des “lifestyle
centers”. D’après une enquête du magazine
Newsweek (novembre 2008), 37 nouveaux
centres “lifestyle”, soit près de 40 % du parc
commercial construit ces dix dernières années,
ont ainsi été construits sur ce modèle.
En France, rien de tel encore n’est encore envisagé
: les mégacentres commerciaux poursuivent
leur développement, qui plus est, souvent
au milieu de nulle part (non plus en banlieue,
mais désormais en zone rurale).
C’est alors du côté de l’Asie qu’il faut peut-être
chercher l’avenir. Au Japon, où le taux de motorisation
a toujours été très bas et où les réfrigérateurs
sont minuscules, on ne compte ainsi
guère de commerces de la taille des malls. Les
Japonais font leurs courses tous les jours,
notamment dans les nombreux kombini (ou
“convenience store”, de petites épiceries
ouvertes 24 heures sur 24) dans lesquels ils
achètent les produits de consommation courante,
la pharmacie de première urgence, voire
envoient le paiement de leur loyer par Internet.
Vu d’Occident, ce modèle était, jusqu’à il y a
peu, regardé comme une sorte de curiosité
locale, sans grand intérêt. Aujourd’hui, cependant,
le Japon apparaît comme un modèle écologique
avec un réseau commercial de proximité,
présent là où ses habitants vivent et travaillent.
Car ces kombini s’inscrivent en particulier
dans les gares et les métros. On trouve aussi
de plus en plus d’espaces commerciaux virtuels
où le consommateur commande via le téléphone
mobile ou Internet.
Les “grandes” zones commerciales japonaises
tentent, elles aussi, de se réinventer. À l’instar
du Namba Park, construit au-dessus d’une des
gares d’Osaka, qui offre un véritable jardin en
terrasse avec de nombreuses activités. Son
principe ? Attirer le consommateur non par des
enseignes ou des produits, mais par un équipement
urbain, capable d’apporter ce qui manque
à la ville. En l’occurrence : de la verdure. Une
idée qu’on aimerait voir reproduite à Beyrouth
où l’espace vert se fait rare. Car du fait de l’absence
de législation contraignante quant à leur
installation comme aux États-Unis et en France
(où ils sont interdits en ville pour préserver les
intérêts des “petits commerçants”), les centres
commerciaux ont la possibilité de s’implanter au
coeur des villes libanaises. Ce qui pourrait s’avérer
positif, si les concepteurs et les propriétaires
des malls libanais savent tenir compte des
besoins de leurs clientèles.

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