La fièvre immobilière est à son paroxysme cet été au Liban. La flambée des prix attise les convoitises des promoteurs et des propriétaires ; ceux qui cherchent à se loger ont des sueurs froides. Chacun essaie de prédire l’évolution du marché. Une donnée de l’équation échappe pourtant souvent aux analyses : celle des loyers.
L’une des façons de mesurer la valeur fondamentale théorique d’un actif immobilier consiste en effet à utiliser le ratio prix de vente/loyer. L’évolution de ce ratio sur longue période est censée révéler la présence éventuelle de bulles. Dans le cas du Liban, le marché locatif est complètement biaisé en raison d’une législation archaïque qui n’a toujours pas été amendée : les loyers ont certes été libérés après 1992, mais le stock des anciens baux continue d’être soumis à la loi de 1941 (renouvelée à plusieurs reprises depuis) qui avait gelé les prix. Résultat, lorsqu’on parle d’immobilier, on ne considère en réalité qu’un petit nombre d’immeubles neufs, le stock d’anciens étant hors du marché. Cette situation produit des distorsions majeures : il est quasi impossible de comparer l’achat d’un appartement neuf à celui d’un ancien ; les logements mis en vente sont peu nombreux, ce qui réduit de facto l’offre par rapport à la demande ; les locataires bénéficiant de baux anciens sont subventionnés quels que soient leur niveau de revenu, ce qui restreint drastiquement leur mobilité au détriment de la liquidité du marché, etc.
Le fonctionnement du marché immobilier libanais est donc doublement atypique : en raison de la part prépondérante de la demande en provenance de l’extérieur d’une part et d’autre part de l’impact structurant de la loi sur les anciens baux.
Un projet de libéralisation des loyers dort au Parlement depuis des années. Son adoption pourrait bouleverser la donne.