Un peu à la manière des feux et poteaux de signalisation sur nos routes, les paradoxes du secteur privé au Liban sont parfois inextricables.
En voici, comme exemple récent, Jacques Sarraf lui-même, président de l’Association des industriels, qui revendique, parfois à juste titre d’ailleurs, une foule de mesures de protection en faveur de l’industrie libanaise. Il se fait même parfois le porte-parole de la tendance alarmiste parmi les industriels.
Le même Jacques Sarraf inaugure, parallèlement, la semaine passée, l’extension de son usine, Cosmaline, et obtient en bonus un double ISO, 9001 et 14001; fait rarissime. Il vient ainsi de prouver qu’un industriel libanais peut réussir, à la fois dans la qualité et la rentabilité, malgré tous les obstacles.
Les clés de la réussite sont d’ailleurs exposées (page 14) par l’économiste Samir Nasr. Pour une fois, il n’est pas très tendre, et d’un coup il fait tomber un bon paquet d’illusions, savamment entretenues jusqu’à devenir des vérités ancrées. Non, la concurrence purement locale n’existe plus; grignoter des parts de marché de votre voisin de palier est une vision myope…

Kaslik et Champs-Élysées

Deux cas d’école lui donnent indirectement raison. Prenons le cas, par exemple, du prêt-à-porter local (page 48). Quoique dynamique, il peine à exporter et même à offrir aux Libanais des garde-robes qui soient satisfaisantes pour les plus exigeants. Dans la plupart des ateliers de confection, on manquerait de label de qualité, de créativité, de stylisme, de productivité et de qualifications. Cela fait beaucoup de handicaps à la fois, au moment où, par le jeu des taxes et autres coûts, une robe française coûte à Kaslik plus qu’aux Champs-Élysées.
Passons au deuxième cas: la terre, fertile ou presque (page 52). On croyait avoir tout dit sur ce secteur mal-aimé du paysage économique, sauf que des agriculteurs, isolés, apparemment trop nombreux, brûlent la terre, par des dosages incontrôlés d’azote et autres fertilisants et pesticides. Et se plaignent des récoltes, pires d’année en année.

Célibataires endurcis

Tout est sombre alors chez la communauté des affaires? Loin s’en faut. Des gens très bien à tous égards pensent sérieusement à ces actes salvateurs de fusions-acquisitions qui font la une des journaux étrangers. Ils n’ont pas encore passé à l’acte, mais le flirt est bien entamé. Un guide matrimonial chiffré (page 20) est proposé pour les célibataires endurcis, et pour les autres…
Tout cela pour changer un tant soit peu de la traditionnelle rengaine de plaintes, parfois justifiées, dirigées contre l’État. Mais un dernier cri d’alarme s’impose quand même: notre émigration en temps de paix est plus importante qu’au moment de la guerre (page 12). L’économiste Kamal Hamdan sonne le tocsin. Encore un.